Entre Berne et l’arrivée au sommet à Finhaut-Émosson, l’étape revient au Russe Ilnur Zakarin. Malgré les plans d’attaque annoncés, Christopher Froome n’a pas été chahuté. Il a même repris des secondes…
Route du Tour, envoyé spécial.
Dans l’un de ses hymnes liturgiques, saint Ambroise, évêque de Milan (374 à 397), écrit : « Que toujours soit dans ton cœur et ta bouche la méditation de la sagesse ; que ta langue énonce le jugement. (…) Parle avec toi-même comme chargé de juger ta conduite, pour ne jamais rester l’esprit vide. » Dans le registre de son Tour 2016, même si le chronicœur ne prétend pas à l’Histoire mémorielle, il doit à ses lecteurs la sagesse de la vérité et la vérité de sa conduite, les trois derniers jours ayant été particuliers. Pour le bien des finances du journal de Jaurès, qui ne dispose, comme vous le savez, ni de comptes à Berne ni de coffres à Genève, il a refusé catégoriquement d’accepter les prix prohibitifs des hôteliers pratiqués de l’autre côté de la frontière, décidant ainsi d’installer une salle de presse provisoire loin de la Suisse. Dans l’attente que le peloton réintègre une terre budgétaire plus égalitaire – dès aujourd’hui –, nous voulions d’ailleurs croire que l’entrée fracassante dans les Alpes offrirait à la vertu cycliste les suppléments d’âme qu’elle méritait et à laquelle nous aspirons tous depuis deux semaines de franche lassitude.
Il était 15 h 24, hier, quand débuta le tutoiement avec les cimes majeures, qui ne quitteront plus les coureurs jusqu’à samedi, veille des Champs-Élysées. Quatre jours à toiser du regard l’ombre tutélaire du mont Blanc, tandis que les rescapés affronteront en tous sens un joli bloc alpestre. Tout commença vraiment par le col de la Forclaz (13 km à 7,9 %), avant la montée sauvage et cruelle vers Finhaut-Émosson (10,4 km à 8,4 %), plantée dans le cirque d’Émosson, une cuvette d’origine glaciaire dont le lac sert, depuis les années 1920 et 1950, de théâtre naturel à une industrie hydroélectrique vertigineuse en tant qu’ouvrage d’art.
Route du Tour, envoyé spécial.
Dans l’un de ses hymnes liturgiques, saint Ambroise, évêque de Milan (374 à 397), écrit : « Que toujours soit dans ton cœur et ta bouche la méditation de la sagesse ; que ta langue énonce le jugement. (…) Parle avec toi-même comme chargé de juger ta conduite, pour ne jamais rester l’esprit vide. » Dans le registre de son Tour 2016, même si le chronicœur ne prétend pas à l’Histoire mémorielle, il doit à ses lecteurs la sagesse de la vérité et la vérité de sa conduite, les trois derniers jours ayant été particuliers. Pour le bien des finances du journal de Jaurès, qui ne dispose, comme vous le savez, ni de comptes à Berne ni de coffres à Genève, il a refusé catégoriquement d’accepter les prix prohibitifs des hôteliers pratiqués de l’autre côté de la frontière, décidant ainsi d’installer une salle de presse provisoire loin de la Suisse. Dans l’attente que le peloton réintègre une terre budgétaire plus égalitaire – dès aujourd’hui –, nous voulions d’ailleurs croire que l’entrée fracassante dans les Alpes offrirait à la vertu cycliste les suppléments d’âme qu’elle méritait et à laquelle nous aspirons tous depuis deux semaines de franche lassitude.
Il était 15 h 24, hier, quand débuta le tutoiement avec les cimes majeures, qui ne quitteront plus les coureurs jusqu’à samedi, veille des Champs-Élysées. Quatre jours à toiser du regard l’ombre tutélaire du mont Blanc, tandis que les rescapés affronteront en tous sens un joli bloc alpestre. Tout commença vraiment par le col de la Forclaz (13 km à 7,9 %), avant la montée sauvage et cruelle vers Finhaut-Émosson (10,4 km à 8,4 %), plantée dans le cirque d’Émosson, une cuvette d’origine glaciaire dont le lac sert, depuis les années 1920 et 1950, de théâtre naturel à une industrie hydroélectrique vertigineuse en tant qu’ouvrage d’art.
À l’avant, sous un soleil accablant et avec plus de douze minutes d’avance, quatorze hommes pointaient en tête (dont Majka, Zakarin, Pantano, Voeckler, Feillu, Gallopin ou Sagan, vite distancé, etc.). Le vainqueur d’étape s’y trouva forcément : après écrémage, l’élu s’incarna dans le longiligne Russe Ilnur Zakarin, 26 ans.
À l’arrière, là où tout devait se passer, nous ne vîmes d’abord que du stock en Sky, avec, blotti, Chris Froome bien au chaud que nous pourrions décrire de la sorte : sa tranquillité d’exécution était telle qu’elle excédait d’emblée l’idée même de toute mesure, et en lui la rationalité faisait écho à la fureur toujours possible. Nous patientions posément. Puis, les Astana de l’Italien Fabio Aru imprimèrent un train assez fou dans la Forclaz puis dans l’ascension terminale. Les principaux adversaires supposés du Britannique avaient prévenu, lors de la journée de repos, à Berne. « Nous avons mis en place un plan d’attaque, qui va porter sur les trois étapes de montagne en ligne (1), vous aurez l’occasion de vérifier », martelait, en conférence de presse, Alejandro Valverde, le co-leader des Movistar et équipier du Colombien Nairo Quintana. « Mon rôle sera très important, dès mercredi, précisait l’Espagnol. Froome est fort, mais il faudra clairement l’attaquer sans perdre de temps, et pas seulement nous, je pense à l’équipe Astana par exemple. » Sous-entendu : pourquoi ne pas tenter de nouer des alliances, en une époque qui se prête plus aux gestions qu’aux échanges de services négociés. Voilà pourquoi, malgré tout, nous guettions les moindres signes d’ententes cordiales, fussent-elles sonnantes et trébuchantes, comme le voulait la tradition il y a bien longtemps – preuve que nous étions prêts à tout accepter pour assister à une chevauchée pleine de mouvements…
Et qu’avons-nous vu ? Pas de bagarres massives, surtout pas de loin. Mais bel et bien une course de côte, dont les deux principales victimes s’appelèrent Valverde et Quintana en personne. Le Colombien, quasiment à l’agonie dans les ultimes hectomètres, passa même tout près de la catastrophe lorsque Froome, dans les deux derniers kilomètres – flanqué de son pote Richie Porte, passé chez BMC –, se mit en exercice physique jusque dans ses recoins les plus intimes pour venir glaner encore quelques secondes sur ses rivaux. Confirmation d’une toute-puissance ou désolation pour l’intérêt ? Chacun choisira.
À propos de désolation, n’oublions pas une forme d’essentiel. Dans son registre quotidien, le chronicœur fut contraint d’ajouter d’un trait de plume rageur, quoique plein et délié, une triste nouvelle. Non pas l’abandon de Mark Cavendish, qui a manifestement d’autres terrains de jeu en tête et préfère insulter le Tour en lui tournant le dos avant la fin. Mais bien le décès de l’ami et ancien professionnel Dominique Arnaud (2), parti sur sa Petite Reine pour le grand voyage. La roue tourne.
[ARTICLE publié dans l'Humanité du 21 juillet 2016.]
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