jeudi 17 décembre 2020

Préfiguration

L’idée chemine d’exploiter des techniques invasives pour améliorer les performances physiques ou cognitives du corps humain de nos militaires...

Juste avant qu’Emmanuel Macron ne soit déclaré positif au Covid-19 – nous lui souhaitons, comme il se doit, un prompt rétablissement –, le président venait donc d’«assumer» auprès de nos confrères du Point son expression assénée à la nation, il y a neuf mois, en évoquant la pandémie : «Nous sommes en guerre.» Métaphore douteuse, non, pour un chef des armées? Peut-être convoquait-il, de manière inconsciente, un tout autre sujet après lequel nous allons courir durant des décennies en spéculant beaucoup : le développement de soldats dits augmentés, au cœur de l’armée française.

L’affaire n’est plus un fantasme d’illuminés perdus dans leurs lectures. Début décembre, la ministre des Armées, Florence Parly, déclarait : «Oui à l’armure d’Iron Man et non à l’augmentation et à la mutation génétique de Spider-Man.» Ainsi évoquait-elle l’avis rendu par un comité d’éthique et de la défense chargé d’apporter des éclairages sur les questions soulevées par les innovations scientifiques, techniques et leurs éventuelles applications, autant pour le fameux «soldat augmenté» que pour «l’autonomie dans les systèmes d’armes létaux», ce que nous appelons les «robots tueurs»…


Ne plaisantons pas avec cette réalité. Non seulement la Grande Muette vient de recruter dix auteurs de science- fiction afin d’imaginer les futures crises géopolitiques et ruptures technologiques impliquant les militaires, mais l’idée chemine d’exploiter des techniques invasives pour améliorer les performances physiques ou cognitives du corps humain de nos professionnels en treillis. Molécules, implants sous-cutanés, rien n’est laissé au hasard. Bienvenu dans la préfiguration d’un nouvel univers assez impitoyable, quitte à heurter les règles de droit essentielles à la protection de la personne humaine.


De Jules Vernes à Philip K. Dick, nul n’ignore que la littérature de science- fiction et d’anticipation nous a toujours aidés à interroger le présent, tout en alertant sur notre à-venir. Un conseil toutefois à notre chef des armées, qui pourrait y réfléchir durant sa convalescence : et s’il demandait aussi à quelques artistes et autres poètes d’imaginer un «autre monde»?


[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 18 décembre 2020.]

Laïque(s)

Ni mépris, ni postures guerrières, mais exigence... 

Respects. Un petit rappel vaut mieux, parfois, que de longs discours enflammés. Alors, répétons-le tranquillement : la laïcité n’est pas une religion d’État, ni, au nom de l’athéisme, le dernier degré du théisme. L’historien Jean-Paul Scot le rappelle souvent : «La laïcité est le fruit d’une longue bataille pour la liberté et l’égalité, indissociable de celle pour la démocratie politique et sociale.» L’heure serait donc si grave pour que nous soyons obligés de quelques redéfinitions élémentaires, tandis les projets de loi se multiplient et tentent de déconstruire une part de notre histoire républicaine chèrement acquise. Exemple, le coup de semonce de l’historien et sociologue Jean Baubérot, qui, dans une tribune donnée au Monde, explique fort justement que la loi sur les «séparatismes», censée conforter «le respect des principes républicains», remet «en cause des libertés fondamentales et risque d’être contre-productive». Et il précise son inquiétude : «Le gouvernement affirme renforcer la laïcité, alors qu’il porte atteinte à la séparation des religions et de l’État. Avec ce texte, il accorde un rôle beaucoup plus important à l’État dans l’organisation des religions et de leur pratique, et renforce le pouvoir de contrôle de l’autorité administrative aux dépens de celui de l’autorité judiciaire. (…) Même Émile Combes (président du conseil de 1902 à 1905 – NDLR) n’envisageait pas, à l’époque, de confier à l’autorité administrative la décision de fermeture d’une association pour une suspicion de délit. Aujourd’hui, on veut aller plus loin que les combistes!» Et Jean Baubérot enfonce le clou : «Ce projet de loi témoigne de la nostalgie d’une pureté laïque qui n’a jamais été mise en pratique et n’a donc jamais fait la preuve de son efficacité. On réinvente un passé sans voir l’écart entre les principes énoncés – l’égalité, la fraternité… – et la réalité.»

Neutralité. Notre laïcité repose en effet sur l’articulation des principes de liberté absolue de conscience, d’égalité des droits et de neutralité de l’État à l’égard de toutes les convictions. Souvenons-nous que Jean Jaurès affirmait, le 2 août 1904, dans l’Humanité : «Démocratie et laïcité sont identiques car la démocratie n’est autre chose que l’égalité des droits. La démocratie fonde en dehors de tout système religieux toutes ses institutions, tout son droit politique et social.» Et il ajoutait, après avoir proposé que la suppression du budget des cultes serve à alimenter le premier fonds des retraites ouvrières : «Laïcité et progrès social sont deux formules indivisibles. Nous lutterons pour les deux.» Comprenons bien. La laïcité n’est pas une idéologie antireligieuse, mais un idéal d’émancipation, un principe d’organisation politique et social et la garantie du droit de chacun à affirmer ses différences dans le respect mutuel de tous, par la tranquillité et la neutralité de l’État – et de l’espace public.


Apaisement. Le philosophe et médiologue Régis Debray, qui vient de publier France laïque. Sur quelques questions d’actualité (Gallimard), ne théorise pas autre chose. Dans ce texte vivifiant, il interroge la France «à l’occasion de récentes et écœurantes atrocités », insistant sur la notion de «délimitation» en ces termes : «La laïcité est une exigence. De quoi? De frontières. Une frontière n’est pas un mur. C’est un seuil. Pour distinguer un dedans d’un dehors.» Car le mot lui-même – laïcité –, dans la bouche des uns ou des autres, peut signifier tout et son contraire. Voilà le danger. Régis Debray persiste : «Le respect de cette démarcation requiert incontestablement un effort sur soi-même, une retenue, disons une discipline – à quoi prépare en principe l’éducation civique à l’école. L’individu est censé s’effacer derrière sa fonction, comme les intérêts particuliers derrière l’intérêt général.» Ni mépris, ni postures guerrières. Juste de l’apaisement. Tel se veut le modèle républicain laïc. 


[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 18 décembre 2020.]

dimanche 13 décembre 2020

Qu’elle crève, la culture !

Drôle d’époque, où la symbolique de certaines décisions rend «non essentiel» ce qui irrigue l’esprit et bâtit le sens de l’existence entre les générations. 

«Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude», disait Camus. Si la santé n’a pas de prix – la vie est sacrée – et si nous serons les derniers à minimiser la crise sanitaire qui nous frappe et ses conséquences dans le temps-long, qui osera affirmer, ici-et-maintenant, que la culture n’est pas la vie et qu’une vie privée de culture ne se dévitalise pas? Drôle d’époque, où la symbolique de certaines décisions rend «non essentiel» ce qui irrigue l’esprit et bâtit le sens de l’existence entre les générations. Face au verdict terrible de la semaine dernière, qui consiste à ne toujours pas ouvrir les cinémas, les théâtres, les musées, etc., poussant un peu plus le spectacle vivant dans le néant, le monde de la culture ne se trouve pas seulement en état de choc. Il est sur le point de se révolter!

Comment le gouvernement peut-il encore, parvenu à ce point de l’épidémie, déclarer qu’une foule s’avère non contagieuse quand elle déferle dans les magasins, mais plus dangereuse dans une salle de spectacle, alors que toutes les mesures sanitaires, d’une rigueur absolue et bien supérieures à la moyenne, y sont appliquées? Jusqu’à quand ce yoyo, cette incertitude, cette absence de perspectives? Et, comme le demande Erik Orsenna, «pourquoi défendre, quoi qu’il en coûte, l’emploi partout, et se moquer du million de travailleurs de la culture»? Alors qu’elle crève la culture! Voilà ce que semble assumer la France, pays de «l’exception culturelle». Qui aurait cru cela possible? Ce qui se profile à l’horizon a quelque chose d’effroyable. Car, en cette période sombre de crises aveugles et durables où le lien social se délie chaque jour un peu plus, l’accès à la culture est tout le contraire d’un simple supplément d’âme, mais ce qui nous constitue fondamentalement, l’âme de notre pays, de l’humanité. Jean Vilar utilisait souvent cette formule, plus signifiante qu’il n’y paraît: «La culture c’est comme l’eau, le gaz et l’électricité : un service public.»


Face au cataclysme prévisible, face au désarroi historique, le monde de la culture – gage majeur de dé­mo­cratie et antidote puissant aux dérives liberticides – s’attendait à (re)devenir une priorité, un bien commun indispensable, et pas seulement un vulgaire «produit» de consommation réductible au mercantilisme et au pouvoir de l’argent. En vérité, ce moment nous donne honte. «La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert», clamait Malraux. Toute conquête réclame combat.


[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 14 décembre 2020.]

jeudi 10 décembre 2020

Pessimisme(s)

Un livre-testament de Régis Debray…

Langage. «Il m’en aura fallu des zigzags pour trouver finalement le pot aux roses: ce sont le corps et le cœur qui décident de nos actes, en sorte qu’il est totalement inutile d’expliquer quoi que ce soit à qui que ce soit.» À la lecture de ces mots, placés tout à la fin de D’un siècle l’autre (Gallimard), ​​​​​​​nous comprenons que l’ironie douce de Régis Debray, plus malicieuse qu’assumée, vaut presque bilan. Celui d’une existence entière. Et d’un engagement permanent qui signe un parcours intellectuel hors normes en tant que parcours de vie. Le dernier livre du philosophe et médiologue, plus important et fondamental qu’il n’y paraît, lui permet de «rembobiner le film et discerner comme une courbe reliant nos saisons l’une à l’autre». Exercice impitoyable. Car nous voilà devant ce qu’il appelle «soixante années de survol», sachant que «la chouette est fatiguée». Le but de cet écrit majeur: «Retenir l’attention de quelques curieux et leur servir de relais pour d’autres périples mieux informés et plus dignes d’intérêt.» Si Régis pense comme son maître Valéry que «les optimistes écrivent mal», il déclare qu’«une idée accède à la dignité politique non pas en fonction de sa capacité logique, mais de sa capacité lyrique». Nous sommes servis. À plus d’un titre. Le langage y atteint une fois encore des sommets, à peu près aussi haut placé que son pessimisme.


Mystères. Régis Debray revisite donc le chemin en ampleur. Le sien, telle une biographie intime. La naissance (1940, année terrible), la Grande École (Normale sup), la prison bien sûr, l’appareil d’État (et ses dés-illusions), puis la fausse retraite, sans oublier, de manière constitutive, la plume, l’écrivain, le penseur qui coucha tant de mots sur le papier que deux chroniques du bloc-noteur par an ne suffisent plus à rendre compte de tous les ouvrages – c’est dire. Là, tout y passe, comme il l’écrit, «de la lettre au tweet, du campagnard au périurbain, de l’industrie aux services, du transistor au smartphone, de l’esprit de conquête au principe de précaution, de la France républicaine à la France américaine, d’un gouvernement du peuple au gouvernement des Experts, du citoyen à l’individu, de l’Histoire pour tous à chacun sa mémoire, de la domination masculine à l’ascension féminine…» Et il pose lui-même trois questions fondamentales, qui ne sont pas sans nous habiter puisqu’elles relèvent de l’universel, après lequel il a couru toute sa vie: «Comment faire du commun avec de la diversité? Mystère du politique. Comment transmettre l’essentiel de siècle en siècle? Mystère des civilisations. Pourquoi doit-on croire par-delà tout savoir? Mystère du religieux.»


Temps. Pour l’avoir servi mieux que quiconque, Régis Debray reste un héritier du livre: «Je parle d’un temps révolu, celui des Humanités, où les chiffres n’avaient pas encore pris le pouvoir. Un temps qui se contentait bêtement de puiser ses infos chez Homère, Pascal ou Tintin.» Il a regardé la page se tourner, sous le règne des images, lui le médiologue, capable ainsi de mesurer le poids des mots à l’aune de ses actes. S’il possède un génie intérieur, qu’il nie évidemment, il tient en une formule: la stérilité du livre s’il ne mène à l’action. Voilà pourquoi Régis partit arme au poing, puis stylo à la main. Il voulut peser, changer les choses, transformer les esprits de ses contemporains. D’ailleurs il cite Marx, dès le premier chapitre: «Il ne s’agit plus d’interpréter le monde mais de le transformer.» Il essaya, à sa manière. Aujourd’hui, il considère non seulement qu’il a échoué, mais que, avec lui, «nous» avons perdu. «On n’a rien changé, mais on s’est mis au propre», écrit-il, lucide. Ou encore ceci: «J’ai fait mon temps, mais n’ai rien fait du temps qui m’a fait?» Tout se niche, vous l’avez compris, dans le point d’interrogation. D’autant qu’il ajoute: «Promis, on fera mieux la prochaine fois.» Régis ne s’est pas souvent trompé. Et il met toujours dans le mille. Sans s’effacer totalement, malgré ce livre-testament, il nous tend la main. À nous de la saisir.


[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 11 décembre 2020.]

lundi 7 décembre 2020

Dictature « légale »

Et maintenant, le fichage des opinions...


Une question tragique se pose désormais. Le gouvernement est-il un ennemi de nos libertés publiques? Après les lois sur la sécurité globale et sur le «séparatisme», le ministère de l’Intérieur vient d’utiliser l’un de ces procédés qui nous rappellent quelques heures sombres de notre histoire. L’affaire est passée totalement inaperçue, vendredi 4 décembre, comme si tout avait été mis en œuvre pour qu’un nouveau joug s’abatte sur nous loin des regards, perdu dans le flux des annonces du Journal officiel. Trois décrets viennent d’apparaître, imposés sans débat. Ils aggravent considérablement les capacités de flicage des citoyens.


Attention danger! Sous couvert de lutte antiterroriste, ces décrets autorisent dorénavant de ficher les personnes en fonction de leurs opinions politiques, de leurs convictions philosophiques et religieuses ou de leur appartenance syndicale. Jusque-là, les activités politiques, religieuses ou syndicales pouvaient être fichées. Maintenant, les seules «opinions» suffisent pour alimenter les officines de la police. En clair, les services pourront recueillir des informations sur l’opinion des personnes surveillées, leurs pseudonymes ou des données de santé, le tout pour des finalités si élargies qu’elles dépassent largement le cadre de la sécurité publique. Être suspect pour certains actes était une chose ; le devenir pour ce que nous pensons en est une autre. Que devient dès lors la liberté de conscience, pilier de notre République laïque?


Sarkozy en avait rêvé, en 2008, avec son fichier de police Edvige. Macron et Darmanin le réalisent, en plus liberticide ! Ainsi la dérive sécuritaire du pouvoir actuel semble ne plus avoir de bornes. Mais qu’entendent-ils donc faire des nouveaux fichés? Que risquons-nous, dans cette préfiguration d’un futur aliénant? Car, par extension, ces fichiers ouvrent la voie à la possibilité du pire. Imaginez, en effet, que ces dispositifs soient au service d’extrémistes plus identifiables encore. N’importe qui se retrouverait fiché, traqué, au cœur d’une dictature «légale»…


[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 8 décembre.]

jeudi 3 décembre 2020

Ordolibéralisme(s)

Mac Macron, incarnation de l’ultradroitisation.

Définition. «Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie», disait Baudelaire. Même les plus jeunes, ceux qui, en somme, n’ont pas connu d’autres époques, se demandent précisément où s’est enfuie «la vie», et où veut en venir ce qui l’a remplacée. Face au spectacle bestial qui maintient l’intelligence collective à des crocs de boucher, une question se pose donc: le génie français est-il mort, ou se trouve-t-il seulement étouffé par le monstre technocratique qu’est devenu l’État, lui-même confisqué par ces élites froides qui ont affaibli toutes nos souverainetés jusqu’à les dissoudre dans l’acide financier et les poubelles de la Toile? Tout est toujours affaire de regard, mais ceux à qui il reste des yeux pour voir se passent très bien des états d’âme. Un peu de mémoire. Il y a quelques années, quand l’expression «ordolibéralisme» a resurgi du néant, nous avions recherché ses fondements dans les livres d’histoire pour apprendre ceci: un courant de pensée libéral développé à la Freiburger Schule (école de Friburg), en Allemagne, dès les années 1930, selon lequel la mission économique de l’État est de créer et de maintenir un cadre normatif permettant la concurrence libre et non faussée entre les entreprises. Définition parfaite. Et totalement appropriée à ce que nous vivons.

Techno. Ce que nous ne savions pas, en revanche, c’est qu’un nouveau président élu incarnerait la posture au-delà de ce que nous pouvions imaginer, achevant un cycle entamé plus tôt durant lequel la France a cessé d’être gouvernée, pour être administrée par une caste de technocrates arrogants qui regardent le pays comme une entreprise, ruinant l’appareil d’État dans le but d’asseoir leur propre pouvoir. Mac Macron est l’incarnation de cette toute-puissance délirante et hystérique. Résultat? Son ordre injuste a créé un désordre inouï, marqué du sceau de l’agressivité permanente – sans parler de cette condescendance méprisante, entre la posture du roi de France et le mauvais de Gaulle, qui assigne les citoyens au rang de sujets de Sa Majesté. Ce que chacun constate désormais. Quant au fameux «en-même-temps», le chroniqueur de France Inter Thomas Legrand expliquait joliment cette semaine qu’il s’agissait d’«une méthode, pas un but». Et il ajoutait: «Tout comme En marche est un moyen de locomotion, pas une destination.» Mac Macron en a sûrement pris conscience, un espace politique durable ne s’occupe pas uniquement par un casting gauche-droite (gauche acceptable, droite qui tache), des mots de techno ayant réponse à tout, et quelques actions symboliques qui font hurler de rire les «Républicains» du sérail.


Marchepied. Le prince-président, inventeur d’un «macronisme» impossible à définir véritablement, est à la croisée des chemins. Tel un général d’armée, il tente de quadriller le terrain, guettant l’ennemi, mais sans jamais regarder l’horizon. Lui qui vantait durant sa campagne présidentielle une «société de la bienveillance», nous sommes entrés, tout au contraire, dans ce qu’il appela un jour la «société de vigilance». Chers citoyens, ayez peur, surtout ayez peur, cultivez vos peurs… Sauf qu’une société de la peur produit le pire. Le bloc-noteur l’a déjà souligné: n’oublions jamais que la stratégie mortifère de Mac Macron en vue de 2022 consiste à rester en tête-à-tête avec les nationalistes. Il a choisi son assurance-vie, Fifille-la-voilà. Un piège tendu à toute la société pouvant mettre en péril la démocratie, sinon la République elle-même. Une sorte de marchepied au Rassemblement national et aux réactions identitaires. Sa triangulation idéologique – se placer «au-dessus et entre» la droite et la gauche de l’échiquier – se retourne contre lui. Car l’ultradroitisation est à l’œuvre. Au point de donner raison à ceux qui osent répéter que nous sommes saturés par le duo «Marine Macron et Emmanuel Le Pen»… 


[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 4 décembre 2020.]

mardi 1 décembre 2020

Notre indépendance

Attention, le fleuron EDF est menacé de démantèlement...

Et pendant ce temps-là, à bas bruit, l’indépendance énergétique «à la française» est gravement menacée. À tel point que, dans une lettre ouverte que nous publions en exclusivité dans les colonnes de l'Humanité, les quatre principales fédérations syndicales représentatives du secteur (CGT, CFE-CGC, CFDT et FO) lancent un cri d’«alerte» et s’adressent en ces termes aux élus de la République: «Les projets de désorganisation et de démantèlement des deux énergéticiens français EDF et Engie s’accélèrent bien qu’ils ne reposent sur aucun fondement politique sensé. (…). C’est tout le service public de l’énergie qui est aujourd’hui en danger, subissant les conséquences de ces Meccano strictement capitalistiques.» On ne saurait mieux le dire…

Comme souvent dans ces cas-là, l’attaque vient de l’intérieur, et les menaces directement de Bruxelles. Comme si une coalition s’organisait dans le dos des Français, semblable à celle qui commença à dépecer la SNCF et les transports publics en son temps. Comprenons bien l’enjeu: la «réorganisation» d’EDF serait en effet sur le point d’aboutir et risque de désintégrer par bouts ce qui fut jadis un fleuron national.


Lancée quasiment depuis l’entrée en fonction d’Emmanuel Macron à l’Élysée, la finalisation du terrifiant projet baptisé «Hercule» est imminente. Mais l’accélération du calendrier n’est pas tout. La Commission européenne – un document en atteste – entend également imposer à l’État français une sorte de destruction encore plus massive du groupe EDF, au nom, bien sûr, du sacro-saint «respect des règles de la concurrence». Le projet Hercule allait déjà loin dans la dispersion de notre service public de l’énergie ; la «réforme» de Bruxelles, considérée par EDF comme un préalable à sa «réorganisation», risquerait de laisser le secteur le plus déficitaire – le nucléaire – à l’État, donc au contribuable, tandis que les activités les plus rentables – renouvelables et distribution – seraient privatisées…


Cette scission du groupe en plusieurs parties signifierait la fin de l’entreprise EDF d’origine et l’anéantissement de notre industrie électrique et gazière d’intérêt général, quand bien même ses salariés démontrent chaque jour leur rôle central. Tout doit être mis en œuvre pour empêcher cette catastrophe. L’avenir de la nation en dépend. 


[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 2 décembre 2020.]