Emmanuel Macron se vit peut-être en héros thatchérien dans le secret de son intimité. Il devient surtout le fossoyeur de la démocratie française.
Au royaume en perdition du
monarque élu, le mépris n’a donc plus de limites. Alors que la dixième journée
de mobilisation se déroulait, ce mardi 28 mars, avec le succès que nous
connaissons, les thuriféraires du prince-président en ont rajouté dans la
provocation. Le secrétaire général de la CFDT en sait quelque chose. Après
avoir proposé «une pause» dans
le processus de la loi sur les retraites, Laurent Berger était mandaté par
l’intersyndicale pour une demande de «médiation»,
sachant qu’un courrier devait être envoyé à l’Élysée. Croyez-le ou
non, mais la manifestation parisienne ne s’était même pas encore élancée que le
porte-parole du gouvernement, dans son compte rendu du Conseil des ministres,
lançait un nouveau bras d’honneur à l’intersyndicale: «Nous saisissons la proposition de se
parler, mais nul besoin de médiation», expliquait Olivier Véran.
La stratégie du pire et de l’escalade. Au point que nous pouvons désormais nous
demander: où s’arrêtera l’arrogance crasse de l’exécutif?
«Ça commence à suffire, les fins
de non-recevoir», répliquait Laurent Berger, jugeant la réponse du
gouvernement «insupportable».
Une idée sans doute partagée par certains membres de la majorité
présidentielle – du moins ce qu’il en reste. Les députés Modem, par exemple,
n’hésitaient pas à se déclarer «favorables»
à une médiation. Manière d’affirmer, sans le crier trop fort :
jusqu’où ira le président, qui n’écoute ni la rue, ni les syndicats, ni les
forces politiques, pas même ses partisans?
Emmanuel Macron, tout seul,
accroché à cette idée sarkozienne selon laquelle le courage en politique (sic)
consiste à affronter la colère populaire et à ne «jamais céder», se vit peut-être en héros
thatchérien dans le secret de son intimité. Il devient surtout le fossoyeur de
la démocratie française. Comme le dit dans nos colonnes l’écrivain Nicolas
Mathieu: «L’idée qu’il se
fait de son rôle et du bien du pays menace la paix civile, parce qu’elle
implique un déni de l’altérité et que l’autoritarisme qui en découle enflamme
des pans entiers de notre société.» Et le lauréat du prix Goncourt
2018 précise: «Par sa méthode
et son obstination, son mépris et sa surdité, il a libéré des réserves de rage
qu’il n’imagine pas.» Rien à ajouter.
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 29 mars 2023.]