vendredi 31 mars 2017

Peur(s)

La politique en campagne est-elle une science ?
 
Ampleur. La peur active la peur, l’inquiétude nourrit l’inquiétude… Beaucoup y ont intérêt. Ainsi, à trois semaines du premier tour de la présidentielle, nous devrions catégoriser les citoyens en deux blocs, très inégaux par le nombre de leurs représentants. Le premier, ultra-minoritaire, serait celui des commentateurs «politiques» gavés à la sondagerie, forts de leurs analyses, qui auraient la particularité de ne pas croire, ou pas vraiment, que Fifille-la-voilà soit si bas dans les sondages. Si-si, cela se murmure dans les rédactions et parfois s’écrit noir sur blanc, sur le thème: un quart de l’électorat, c’est beaucoup (pour notre pays) mais c’est trop peu (par rapport à la réalité), que cela ne peut pas être vrai, que 25% environ des intentions de vote ne constituent pas un raz-de-marée, mais qu’il reste impossible de ne pas imaginer une possible tsunami, vu le contexte, la crise économique, sociale et morale qui ronge le pays en son âme, etc. Le second bloc, ultra-majoritaire puisqu’il pèse en dizaines de millions, serait celui du peuple lui-même, tapis dans l’ombre, qui préparerait une mauvaise surprise de taille et provoquerait un aveuglement tel aux sondeurs qu’on nous rejouerait les États-Unis ou la Grande-Bretagne. Le danger serait devant nous et nous ne le verrions pas – ce que dément régulièrement cette chronique, ce qui vaut parfois au bloc-noteur des remarques acerbes du genre: «Tu en fais trop sur le FN.» Mais quelquefois, certains disent, comme par esprit de contradiction: «Ne serions-nous pas en train de sous-estimer l’ampleur du vote FN, comme un péché par omission?» Allez comprendre. Quant à savoir où se situe la vérité, il faudrait que nous accordions plus que de raison du crédit auxdits sondages, alors que, à cette heure, la moitié des électeurs potentiels ne savent pas encore s’ils iront voter, ni pour qui, ni pour quoi, ce qui rend les scénarios anticipés très aléatoires, comme si nous étions sommés de n’avoir qu’un seul horizon: se déterminer en fonction du monde-FN. 
 

dimanche 26 mars 2017

Fidélité(s): se souvenir des écrits de Daniel Bensaïd

Relire "Jeanne, de guerre lasse", un grand chef d'œuvre de 1991 réédité, qu'il convient de revisiter…

Révolutionnaire. Les choses de l’esprit nous condamnent à perpétuité… L’autre matin, à la rédaction, il a suffi qu’un collègue dépose un livre sur le bureau du bloc-noteur pour que resurgissent des souvenirs de lecture, si intacts et vivants qu’une sourde émotion – presque de jeunesse – se ranime soudain, avec son corollaire, le goût inachevé d’un intellectuel que nous avons tant apprécié. Par les temps qui courent et nous écrasent, même en pleine campagne électorale, lisez ou relisez absolument Jeanne, de guerre lasse, du regretté Daniel Bensaïd, que les Éditions Don Quichotte ont la bonne idée de republier, vingt-six ans après sa première parution (1991, Gallimard). «Une voix nous manquait qui, heureusement, revient. Écoutez son doux murmure, consolant et bienveillant. C’est le bruit du réveil et de l’espoir», écrit d’emblée Edwy Plenel, dans une préface assez magistrale, qui nous invite non seulement à revisiter ce livre-totem comme l’œuvre-vie d’un écrivain à part, mais, surtout, à repenser à hauteur d’homme avec Daniel Bensaïd, philosophe et militant, politique et poète, «indocile comme les causes qui l’animaient, inclassable comme les irréguliers qu’il défendait». Pourquoi, au début des années 1990, Jeanne d’Arc devenait-elle la figure d’une «guerre lasse» sous la plume d’un marxiste révolutionnaire? Pour retrouver le fil d’Ariane – celui de l’espérance – d’une gauche d’engagement véritable, offrant à cette femme d’un autre temps une forme de résistance universelle qui inspire tant la grande camaraderie de ceux qui ne renoncent pas. Et pourquoi, aujourd’hui, éprouve-t-on la nécessité d’y retourner? D’abord parce que, loin des clichés parfois accolés à sa personne, et malgré sa place assumée de théoricien d’une certaine extrême gauche française, Daniel Bensaïd, dans ses nombreux écrits, n’était pas réductible à une assignation «philosophique» et/ou «politique», encore moins, croyez-nous sur parole, à un dogme figé dans le passé. Au hasard, il suffit d’ouvrir à nouveau la Discordance des temps: essais sur les crises, les classes, l’histoire (Éditions de la Passion, 1995), ou plus encore Marx l’intempestif. Grandeurs et misères d’une aventure critique (Fayard, 1995), pour se convaincre de l’ampleur des champs émancipateurs qu’il recouvrait, toujours au nom de son combat pour l’égalité et de son exigence démocratique et sociale, dont il ne s’est jamais départi, vaille que vaille. Ces textes «d’époque», nullement datés en vérité, témoignent aussi de la vigilance du penseur d’alors face à la contre-réforme néolibérale dont il percevait déjà les conséquences durables – et dont nous constatons ici et maintenant les ravages…

Présidentielle: à un détail près...

A quatre semaines de la présidentielle, chacun doit s’en convaincre et agir autour de lui pour transformer cette intuition en vérité: rien n’est joué!
 
Il ne reste que quatre semaines avant le premier tour de la présidentielle. Et nous sommes au moins instruits d’une chose: cette campagne électorale, qui oscille entre le pugilat autour des «affaires» et l’hystérisation des arguments, ne ressemble à aucune autre. C’est l’une des raisons pour lesquelles sa conclusion – ô combien incertaine! – peut nous conduire vers deux chemins opposés: le pire ou le meilleur. Sachant que la première option paraît la plus probable, du moins si nous nous en tenons aux seuls sondages… Pourtant, les politologues des instituts eux-mêmes, dans le secret des discussions, nous mettent en garde contre «des prévisions totalement aléatoires». Cette forme de poison qu’est la «sondocrati» a en effet prouvé qu’elle perdait de son influence sur le choix de vote des électeurs (Trump, Sanders, primaires de la droite ou du PS...). Il suffit de voir le climat actuel pour comprendre que la colère populaire risque bel et bien de se déchaîner dans la dernière ligne droite. Deux solutions. Ou elle entérinera le mépris des idées et du vrai changement. Ou elle redonnera corps à la réalité du pays et à son envie profonde de passer radicalement à autre chose! 
 

lundi 20 mars 2017

Où sont les usines ?

En huit ans, plus de 600 usines ont disparu du paysage national, sachant que cette statistique morbide est un résultat net entre ouvertures et fermetures.
 
Pas d’industries sans services publics et pas de services publics sans industries: certains n’y verront qu’un slogan arraché à des cerveaux archaïques ; d’autres, comme nous l’avons lu récemment sous la plume d’un chroniqueur d’un quotidien du soir, une forme de «populisme industriel»… De l’insulte à la connerie, le libéralisme conduit à tout. Et même au déni de réalité. Ce sera d’ailleurs le sens de la journée d’action conduite par la CGT, ce mardi: convaincre que l’industrie doit redevenir le pilier de notre économie, donc, pour y parvenir, s’en donner les moyens et se doter d’une volonté politique capable d’inverser un processus dramatique. N’en déplaise aux éditocrates, qui ne mesurent la puissance de la France qu’à son nombre d’ogives nucléaires et à son strapontin à l’Otan, le poids de l’industrie reste un bon baromètre pour jauger l’état d’un pays comme le nôtre. Prenons trois chiffres donnés par le même quotidien du soir, pas plus tard qu’hier (comme quoi). En huit ans, plus de 600 usines ont disparu du paysage national, sachant que cette statistique morbide est un résultat net entre ouvertures et fermetures. Du jamais-vu. En quinze ans, sous le joug des actionnaires, un million d’emplois ont été sacrifiés dans ce secteur. Quant à la part de l’industrie dans la richesse nationale: 25% dans les années 1960, 12% aujourd’hui. Résultat, du chômage de masse, un déficit commercial chronique, des champions nationaux qui passent sous contrôle étranger, des territoires entiers dévitalisés, avec toutes les conséquences… Bref, une saignée historique. 

vendredi 17 mars 2017

Paresse(s): les journalistes et la banlieue

Non, le Franc-Moisin, à Saint-Denis, n’est pas une zone de non-droit, comme le disent certains commentateurs par paresse de langage.
 
Saint-Denis. Où l’on reparle de la France des «oubliés» ; celle qui ne se contente plus de mots ; celle qui regarde la dislocation du paysage politique avec autant d’indifférence que de colère, ce qui présage d’une force pour l’histoire dont on ne sait pas encore vers quoi elle basculera. Depuis le 7 mars dernier, les commentaires n’ont pas manqué pour décrire – à la va-vite – les incidents, certains graves, au lycée Suger de Saint-Denis et ses alentours. La cité dionysienne redevenait au fil de reportages salés la «Molenbeek-sur-Seine», décrite ainsi par le Figaro Magazine en mai 2016. Atterré, le bloc-noteur a entendu et lu cette forme de catéchisme faussement républicain s’abattre de nouveau sur «sa» ville, dans la bouche de n’importe qui, surtout ceux sans éthique, comme si rien ne changeait, comme si les intérêts bassement politiques et les folies médiatiques trouvaient leur compte dans le travestissement d’une réalité déjà assez complexe pour ne pas avoir à en rajouter dans la dé (sin) formation, sinon le mensonge. Voici une phrase prononcée dans un JT: «Dans le quartier des Franc-Moisin, les habitants sont des survivants.» Premier rectificatif: il s’agit «du» Franc-Moisin et non pas «des» Franc-Moisin. Second rectificatif: non, ce quartier n’est pas en «guerre» et les habitants encore moins des «survivants» frappés par la seule «insécurité», la seule «montée de l’islam», la seule «absence de vie sereine». Le bloc-noteur, qui a vécu plus de dix ans tout à côté du Franc-Moisin, a la prétention, quoique modeste, de savoir à peu près ce qui s’y passe et que, si la vie n’y est pas «sereine», cela tient moins aux personnes qui l’habitent qu’aux conditions sociales qui s’y déploient. Comme l’écrivait, lundi 13 mars, dans une tribune donnée au Monde, le sociologue et anthropologue des banlieues Marc Hatzfeld, qui a arpenté le quartier durant des années: «Le Franc-Moisin n’est pas une zone de non-droit, comme le disent certains commentateurs par paresse de langage, mais il s’y est inventé et installé, vaille que vaille, comme dans bien d’autres zones sociales, économiques ou géographiques de notre République, une règle coutumière que les autorités politiques et policières ont négociée avec la population et les circonstances. […] Mais l’existence quotidienne fait face.» Comprenons bien de quoi il retourne.

lundi 13 mars 2017

Marx, c'est toujours aussi Capital

A l'occasion de la réédition du Capital, de Karl Marx (mort le 14 mars 1883), grâce à une nouvelle traduction aux Éditions sociales, je me permets de republier ici l'un des chapitres consacrés à ce texte fondateur dans l'un de mes livres, "A la rencontre de... Karl Marx", publié aux éditions Oxus Littérature, en 2011 (avec une préface de Gérard Mordillat).

 
PARCE QUE L’ECONOMIE C’EST CAPITAL !
« Le cerveau de Marx était comme un navire de guerre qui entre au port, mais sous pression, toujours prêt à partir dans n’importe quelle direction sur l’océan de la pensée. » PAUL LAFARGUE

Qui a dit: «Le travail est antérieur au capital et indépendant de celui-ci. Le capital n’est que le fruit du travail et n’aurait jamais pu exister si le travail n’avait pu exister avant lui. Le travail est supérieur au capital et mérite de loin la plus grande considération»? Détrompez-vous, il ne s’agit pas de Karl Marx, mais d’Abraham Lincoln, seizième président des Etats-Unis, premier Républicain à s’installer dans le bureau ovale, assassiné par un partisan sudiste esclavagiste, le 15 avril 1865 à Washington. 
Lorsqu’il débarque à Londres le 26 août 1849, Karl Marx, chassé du continent où il est devenu indésirable dans la plupart des pays qu’il a visités, n’a pas encore lu cette phrase prononcée par un président d’un pays qui, bientôt, fera du capitalisme son arme secrète. Les problèmes matériels s’accumulent – sa petite famille survivra grâce aux libéralités d’Engels – et sa femme et leurs enfants qu’il a réussis à prévenir à Trèves le rejoindront bientôt. «Pour nous tous, ici, c’est une question de pain quotidien», écrira-t-il depuis Soho, sur Dean Street, un des quartiers les plus sordides à l’époque qu’un biographe de sa femme Jenny surnommera la «rue de la mort» en raison des nombreux décès que Marx aura à y subir (plusieurs de ses enfants). Il se veut toutefois intransigeant: même s’il sait qu’il fait endurer à toute sa famille les conditions d’existence de la classe ouvrière, il refuse de renoncer à son travail si peu lucratif et, surtout, il refuse de se plaindre. Paul Lafargue témoigne: «‘’Travailler pour l’humanité’’ était une de ses expressions favorites. Il n’était pas venu au communisme pour des considérations sentimentales, quoiqu’il fût profondément sensible aux souffrances de la classe ouvrière, mais par l’étude de l’histoire et de l’économie politique. Il affirmait que tout esprit impartial que n’influençaient pas des intérêts privés ou que n’aveuglaient pas des préjugés de classe devait nécessairement arriver aux mêmes conclusions que lui.» (1) 


dimanche 12 mars 2017

Les idées, bordel !

Les électeurs vraiment de gauche ne voteront pas, cette fois, sous la pression de certitudes qui n’en sont pas.
 
Six semaines… Sans céder à l’espèce de sidération généralisée qui provoque des regards en biais sur une campagne qui ne ressemble décidément à aucune autre, oui, vous avez quand même bien lu: il reste quarante-deux jours avant le premier tour de la présidentielle. Et comme chacun peut le constater avec plus ou moins d’amertume, les débats politiques et médiatiques oscillent entre l’hystérie généralisée et une forme de grand jeu soi-disant ludique, façon PMU ou Loto sportif, où chacun y va de son pronostic en misant sur les scénarios anticipés d’un résultat pourtant aléatoire, comme le pratiquent les pires bookmakers de pays voisins… Combien de temps encore cela durera-t-il? Combien de temps faut-il à une société démocratique comme la nôtre pour encaisser le choc inouï d’une confrontation quasi confisquée, pour enfin dépasser l’émotion du grand n’importe quoi et s’autoriser une prise de hauteur qui permettrait de retrouver collectivement le chemin de la pensée et de la raison? Alors que la moitié des électeurs potentiels ne savent toujours pas s’ils iront voter et pour qui, sinon pourquoi, nos esprits éprouvés de tristesse, de colère parfois, de peur aussi, sont sommés de n’avoir qu’un seul horizon: se déterminer en fonction du monde FN. Sauter les étapes. Céder à tout. Et pourquoi pas se jeter soi-même par-dessus bord…
 

jeudi 9 mars 2017

Nihilisme(s)

L’accident Fifille-la-voilà devient potentiellement crédible.
 
Mortifère. «Rien, pour l’instant, n’érode le socle électoral du FN. Il y a une part d’irrationnel. La multiplication des affaires ne modifie pas nos études. Même si elle était mise en examen, on a l’impression que ça ne changerait rien…» Un peu désemparé par ce que nous nommons «l’opinion publique», cet ami politologue et sondeur n’annonce pas forcément le pire, du moins s’y prépare-t-il, comme un «fait désormais possible». Prenons donc conscience de la réalité. Le fameux «plafond de verre», qui éloigne assez mécaniquement de nos cerveaux la crédibilité que Fifille-la-voilà s’empare du Palais par les urnes au soir du 7 mai prochain, existe-t-il encore? «Non, cela n’arrivera jamais!» «Les Français ne laisseront pas faire!» «Les vrais républicains seront toujours là!» Ah bon? Les sondages, comme le climat actuel, ont de quoi nous effrayer. La cheftaine du Front nationaliste atteint en effet les 44%, voire un peu plus, dans toutes les intentions de vote au second tour. Des scores inédits. L’accident devient potentiellement crédible. Malgré les casseroles monumentales, malgré son programme de haine si peu ripoliné, malgré les fachos qui forment encore la cohorte de son cercle dur, malgré la peur légitime de l’extrême droite, pourtant intimement liée à notre trajectoire républicaine depuis la Libération, le phénomène s’est structuré – pour toutes les raisons que nous dénonçons depuis trente ans. Au point de provoquer de véritables troubles psychiques et des comportements «politiques» aberrants chez des femmes et des hommes qui furent, jadis, d’authentiques personnalités de gauche, tellement obnubilés par la perspective angoissante du 7 mai qu’ils en oublient les fondements mêmes de leurs engagements sacrés et sont capables d’ores et déjà de rallier un Macron-la-finance sans se soucier des conséquences idéologiques immédiates et à venir. Certes, le temps n’est plus à la minimisation. Et nous sommes bien placés pour savoir que les appels à la conscience démocratique ne suffiront pas à prévenir le péril de la peste brune. L’heure tourne. Avec le nihilisme mortifère qui l’accompagne…
 

lundi 6 mars 2017

Flic(s)

Inverser le cours d’une police brutale prendra du temps.
 
Ordre. Ne sommes-nous que l’addition de nos souvenirs, comme s’il convenait de traquer sans relâche des déstabilisateurs secrets à l’intérieur de nous-mêmes? Autant le dire, nous avons tous en mémoire, le bloc-noteur y compris, quelques épisodes peu glorieux ou humiliants avec la police. «Un flic reste un flic, nous sommes bien placés pour le savoir, nous», me murmurait récemment à l’oreille l’âme sœur. Ne lire là aucune vision étriquée, juste le retour d’un fond commun de valeurs qui, sans forcer le trait malgré les apparences, témoigne au moins d’une constance côté principes. Le mot «flic» exaspère toutefois le bloc-noteur, autant que la caricature qui s’y accole: toute généralisation nuit à la pertinence d’une analyse. Et pourtant… Après plus d’une décennie de dérives en tout genre, beaucoup d’observateurs spécialisés dans les domaines de la sécurité des États ne le cachent plus: la police française est devenue l’une des pires du continent, l’une des plus violentes, l’une des plus «idéologisées», ayant perdu ou presque tous les liens qui devraient la raccrocher à l’idéal républicain. Dialogue rompu avec les citoyens, politique du chiffre, brutalités, contrôles au faciès, missions réduites au seul champ du «maintien de l’ordre», etc. Qu’elles semblent loin, les images d’Épinal d’accolades entre policiers et citoyens après les attentats de janvier 2015! Les preuves de la frénésie sécuritaire ne manquent pas. Répression systématique envers les migrants et ceux qui leur portent secours et humanité; matraquage en règle des manifestants contre la loi travail; mort d’Amada Traoré durant son interpellation ou celle de Rémi Fraisse; relaxe des policiers mis en cause dans le décès de Zyed et Bouna; puis l’affaire Théo et toutes celles qui sont révélées depuis… sans oublier, parce qu’il ne faut pas l’oublier, le mal-être des fonctionnaires de police eux-mêmes, soumis aux règles internes absurdes, à une formation défaillante et dangereuse, à un recrutement qui laisse songeur et, bien sûr, au manque de moyens pour assurer leurs missions. Comment s’étonner que 35% de nos concitoyens considèrent que la police traite le public de façon irrespectueuse? Un taux très supérieur à nos voisins comme l’Espagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et les pays scandinaves. Et pour cause. Les «gardiens de la paix» ont muté en «garants de l’ordre» et même en «forces de l’ordre». Oui, la force et l’ordre, acoquinés dans une formule insupportable. Mais quel ordre? Et au service de qui? Chacun ne voit-il pas désormais le ministre de l’Intérieur comme «le premier flic de France»? Qu’ajouter à cela?