Pour les idées qu’elle présente aux yeux du monde, cette
femme de Lettres et d’Esprit – les Lettres pour dire le vrai, l’Esprit pour
dire le droit et la justice pour tous – n’avait (plus?) rien à faire dans un gouvernement qui
promeut l’ordo-libéralisme dans ses moindres décisions.
Élévation. Elle aimait citer, même aux
séances des questions du Parlement au gouvernement, le poète, écrivain et homme
politique Léon-Gontran Damas, né à Cayenne et métis blanc, amérindien et noir: «Nous
les gueux/nous les peu/nous les rien/nous les chiens/nous les maigres/nous les Nègres/nous à
qui n’appartient/guère plus même/cette odeur blême/des tristes jours anciens.» Qui aurait risqué semblable audace, sinon elle? «Qu’attendons-nous/les
gueux/les peu/les rien/les chiens/les maigres/les Nègres/pour jouer aux
fous/pisser un coup/tout à l’envi/contre la vie/stupide et bête/qui nous est
faite.» Drôle
d’époque, où la vérité engendre la haine en surgissements répétés. Une haine si
absurdement tenace et brutale que Christiane Taubira en fut parée de toutes ses
composantes imaginables, des plus éloquentes aux plus infâmes, englobant jusque
et y compris l’apparence même de ce qu’elle est, une femme noire, brillante,
intelligente et cultivée au-delà des possibles, devenue en quelques années une
ennemie symbolique facile à identifier:
elle incarne tout ce que les réactionnaires, conservateurs et libéraux
d’arrière et d’avant-garde détestent par-dessus tout. Ce quelque chose qui rend
à la République ce qu’elle peut octroyer a priori à tous: la grandeur d’âme et l’élévation collective
vers un idéal préservé du néant quand il conjugue l’égalité et la justice.
Christiane Taubira a donc claqué la porte du gouvernement. «Un peu tard», pensent certains. «Il était temps», clament d’autres. Bien sûr,
on reprochera au bloc-noteur une faiblesse de cœur trop sincère pour cette femme de
culture et de haute tenue politique, une faiblesse d’autant plus avouable qu’il
pense exactement la même chose:
oui, c’est sans doute un peu tard, et, oui, il était temps… Pour ce que nous
savons d’elle et, plus encore, pour les idées qu’elle présente aux yeux du
monde, cette femme de Lettres et d’Esprit – les Lettres pour dire le vrai,
l’Esprit pour dire le droit et la justice pour tous – n’avait (plus?) rien à faire dans cette
équipe qui promeut l’ordo-libéralisme dans ses moindres décisions.
jeudi 28 janvier 2016
mercredi 27 janvier 2016
Edmonde Charles-Roux, la vie à l'oeuvre
La journaliste et romancière, prix Goncourt 1966, présidente de l’académie éponyme, puis présidente des Amis de l’Humanité, nous laisse en héritage un monde commun et une proximité d’idées et de valeurs de gauche dont l’affinité et l’infinité furent une réjouissance politique et culturelle.
S’il y a imprudence à parler des morts que nous avons côtoyés de près, il y a imprudence périlleuse à parler de son propre rapport avec eux, en offrant l’hommage en forme de témoignage, toujours un peu réappropriant. Avec Edmonde Charles-Roux, les précautions d’usage volent en éclats, tant nous nous sentons héritiers d’un monde figurant en son prénom même (Ed-monde), d’une certaine construction du monde, la sienne sans doute mais celle aussi du monde dans lequel nous nous sommes croisés, celui à inventer qui fut pour nous le seul monde à partager, vivant une histoire unique où la transmission disputait le monopole à la générosité. Rares, en effet, sont les personnes que nous perdons à la vie qui exaltèrent à ce point le si doux mot d’«Amie», jusqu’à s’en éblouir elle-même et tous ceux qu’elle en parait de son horizon indépassable. La disparition d’Edmonde Charles-Roux, hélas attendue dans les tréfonds de nos consciences distraites, nous arrache à une époque, à quelque chose de rare et de précieux, que nous nous efforcions de prolonger malgré le temps-qui-passe et l’éloignement dû à la fatigue, aux années qui pèsent, à la vieillesse bien sûr, puisqu’il convient de la nommer.
Edmonde avait 95 ans. Presque la légèreté d’un siècle. Et comme l’écrit Pierre Assouline, son condisciple de l’académie Goncourt, qu’elle présida longtemps: «Sa vie, c’était son œuvre même si elle ne songea pas à répartir consciemment talent et génie entre l’une ou l’autre.» Une œuvre unique de journaliste (Elle, Vogue) et d’écrivaine, qu’il nous arrivait de revisiter à l’aune d’anecdotes ou de vastes propos taillés dans le marbre de la pensée majuscule.
mardi 26 janvier 2016
Fonction publique: au bien commun
Le pouvoir d’achat des fonctionnaires a subi une perte de 9% en moyenne. Maltraités et déconsidérés, ils en ont ras-le-bol.
Vilipendés par les éditocrates dans tous les arcanes de la médiacratie, spoliés par les politiques gouvernementales jusqu’à l’épuisement même des rhétoriques verbales, les agents de la fonction publique n’en peuvent plus et, dans un mélange de ras-le-bol et de colère sourde, se sont retrouvés, hier, acteurs d’une journée d’action qui en dit long sur l’ampleur du divorce et de leurs ressentiments à l’égard du pouvoir. Qui sait ce que vivent vraiment nos fonctionnaires? Qui en parle avec sincérité et vérité, deux usages du langage nécessaire à la bonne compréhension du monde réel? Qui ose dire à quel point ces liges de la République se sentent maltraités et déconsidérés? Et qui réclame pour eux un minimum de justice, sachant que leur situation salariale s’est dégradée tant et tant ces dernières années qu’elle devient inégalitaire, sinon explosive? N’en déplaise aux menteurs, qui ne manquent pas pour exprimer leur haine de l’esprit même des services publics, les chiffres parlent: la valeur du point d’indice des fonctionnaires a décroché de 7% par rapport à l’indice de la consommation, tandis que, parallèlement, les cotisations retraite ont, elles, augmenté de 2% depuis cinq ans. Le calcul est donc simple et éloquent: le pouvoir d’achat dans la fonction publique a subi une perte de 9% en moyenne.
dimanche 24 janvier 2016
Sinistre(s): tous les moyens sont bons pour Valls
La moindre prise de parole du premier sinistre l’éloigne d’un homme de gauche.
Décomplexés. Dans la préface qu’il donne à l’excellent livre de Patrice Cohen-Séat, Peuple! Les luttes de classes au XXIe siècle (éditions Demopolis), le cinéaste et écrivain Gérard Mordillat déclare: «L’absence de guerre sur le territoire français n’est qu’une illusion, un faux-semblant exalté pour nous égarer. L’oligarchie politico-financière (qui est) à la tête de l’État mène une guerre où l’adversaire n’est pas l’autre, la puissance étrangère, mais le citoyen salarié, cet “ennemi payé”, selon Kafka. Cette guerre contre la classe ouvrière –la working class des Anglais– (…), cette guerre sociale dévaste la société par la promotion d’un chômage de masse, l’acceptation d’une pauvreté endémique, l’élimination de l’égalité au profit de la charité, l’oubli de l’exploitation au profit de l’exclusion, l’anéantissement de toutes les lois de protection des salariés, (...) la ruine des services au nom du dieu Profit, ce dieu unique auquel tout doit être sacrifié pour le bonheur d’un très petit nombre contre la multitude.» Le bloc-noteur pourrait poursuivre de bout en bout la citation de ce texte admirable, tant il en partage le contenu… Au cœur de cette «stratégie du choc» globale, dont avait parlé avec esprit visionnaire Naomi Klein, quelques nouveaux libéraux décomplexés sont venus accompagner les néoconservateurs de la pire espèce, avec l’usage d’arguments qui empruntent désormais au fonds de commerce idéologique du monde marchand le plus infâme. Comme vous le savez, depuis 2012, et plus encore depuis sa nomination le 31 mars 2014, Manuel Valls est non seulement l’un de ceux-là, mais il se revendique censément premier sinistre «de gauche» et, croyons-le ou non, il serait même issu (comme Macron paraît-il) des rangs «socialistes», dont on se demande ce qu’ils vont devenir à force de passivité. Ainsi, le premier sinistre n’a que deux idées en tête. Primo: poursuivre la pédagogie du «il n’y a pas d’alternative» proclamé sur tous les tons, dans tous les lieux, par les politiques stipendiés par les forces les plus réactionnaires et les puissances financières. Secundo: liquider la gauche, atomiser son cœur battant comme son idéal de justice et d’égalité.
dimanche 17 janvier 2016
Valls et le non-penser
La
prestation réfléchie et préparée de Manuel Valls dans ‘’On n’est pas couché’’
était-elle impropre? Dégradante pour la fonction?
Un cran supplémentaire dans le tout-est-possible; quelque chose d’ultra-gênant; presque de malsain… Longtemps encore, les commentateurs disserteront sur la place d’un premier ministre dans un talk-show de fin de soirée, un samedi soir de grande écoute, coincé entre déconne et sérieux, quand le mélange des genres s’impose comme règle et que cette règle même assujettit ceux qui doivent s’y soumettre à des postures de communication, à des «coups de com», selon l’expression consacrée. Ainsi, la prestation réfléchie et préparée de Manuel Valls dans On n’est pas couché était-elle impropre? Dégradante pour la fonction? Déplacée pour une parole publique dont on souhaiterait que l’usage ne soit certes pas sacralisé –évidemment pas!– mais efficace et utile pour autre chose qu’honorer l’un des rendez-vous cathodiques vénérés par les pires communicants qui rôdent dans les coulisses de la politique. Au fond, qu’importe ce que nous pensons de l’émission de Laurent Ruquier. En se livrant à l’«infotainment», Manuel Valls a cantonné sa fonction dans un exercice d’apparence et d’affectivité, renvoyant sa vision libérale de l’individu en forme d’individualisme. La culture de l’émotionnel à n’importe quel prix est venue remplacer brutalement l’émotion de la culture et de la politique. Ce en quoi il est coupable. Pour ne pas dire irresponsable.
Un cran supplémentaire dans le tout-est-possible; quelque chose d’ultra-gênant; presque de malsain… Longtemps encore, les commentateurs disserteront sur la place d’un premier ministre dans un talk-show de fin de soirée, un samedi soir de grande écoute, coincé entre déconne et sérieux, quand le mélange des genres s’impose comme règle et que cette règle même assujettit ceux qui doivent s’y soumettre à des postures de communication, à des «coups de com», selon l’expression consacrée. Ainsi, la prestation réfléchie et préparée de Manuel Valls dans On n’est pas couché était-elle impropre? Dégradante pour la fonction? Déplacée pour une parole publique dont on souhaiterait que l’usage ne soit certes pas sacralisé –évidemment pas!– mais efficace et utile pour autre chose qu’honorer l’un des rendez-vous cathodiques vénérés par les pires communicants qui rôdent dans les coulisses de la politique. Au fond, qu’importe ce que nous pensons de l’émission de Laurent Ruquier. En se livrant à l’«infotainment», Manuel Valls a cantonné sa fonction dans un exercice d’apparence et d’affectivité, renvoyant sa vision libérale de l’individu en forme d’individualisme. La culture de l’émotionnel à n’importe quel prix est venue remplacer brutalement l’émotion de la culture et de la politique. Ce en quoi il est coupable. Pour ne pas dire irresponsable.
jeudi 14 janvier 2016
Poprock(s): Bowie, élégiaque phénix
L’homme transgenre aux transfigurations et aux mille talents
(musique, peinture, cinéma, etc.) a pris le rock des
années soixante pour l’emmener ailleurs, en écrabouillant l’ordre
établi.
Histoire. Par où commencer? Ou, plus exactement, par où commencer en étant bien compris sur l’intention même d’une chronique consacrée à un chanteur mort iconisé de son vivant, celui d’une époque hors époques et au-delà des époques, en tant que genre à lui tout seul et héraut de ce paradis perdu qui s’appelle encore aujourd’hui l’après-68, planté vers la fin d’un siècle maudit? Par où commencer, oui, en reconnaissant toutefois que certains morts amènent dans leur sépulcre, par l’émotion de leur disparition, la brutalité d’une fin qui nous concerne directement, comme si une part de nous-mêmes pénétrait dans un crépuscule d’autant plus intime qu’il côtoie des névroses partagées? Même si les déferlements médiatiques hors normes charrient toujours un soupçon de doute: David Bowie est de ceux-là. Bien sûr, d’autres morts méritent toute notre sollicitude, parfois plus, d’ailleurs. Pierre Boulez, pour ne parler que de lui, aura probablement laissé à la musicologie une œuvre bien plus fondamentale et durable à l’éternel. Mais pour signifier dans leur exactitude des moments d’histoire et, osons l’expression, de basculement de l’histoire, il y a, du côté de la musique des cinquante dernières années, quelques personnages référencés grâce auxquels nos vies ont changé.
Mais pas de méprise, le bloc-noteur l’affirme aussi: au croisement du rock et de la pop, quand tous les possibles étaient en jeu et qu’une génération entière croyait en l’avènement d’un monde meilleur et dépoussiéré, une partie de cette jeunesse s’est souvent aventurée dans des croyances artificielles, au point de se faire plus de mal que de bien et, au bout du compte, de revenir de tout dans un état plus dépressif et nihiliste encore. Le rock manie lui aussi le meilleur et le pire. Entre renoncements revendiqués et cash machine assumée, Bob Dylan, Mick Jagger et Paul McCartney ne servent plus à grand-chose. Mais Patti Smith et quelques autres sont restés debout…
Monstre. Alors, pourquoi Bowie, à la longévité fragmentée en élégiaque phénix, peint et rhabillé à neuf à chaque nouvelle aventure discographique ou scénique, compte tant à nos esprits fatigués?
Histoire. Par où commencer? Ou, plus exactement, par où commencer en étant bien compris sur l’intention même d’une chronique consacrée à un chanteur mort iconisé de son vivant, celui d’une époque hors époques et au-delà des époques, en tant que genre à lui tout seul et héraut de ce paradis perdu qui s’appelle encore aujourd’hui l’après-68, planté vers la fin d’un siècle maudit? Par où commencer, oui, en reconnaissant toutefois que certains morts amènent dans leur sépulcre, par l’émotion de leur disparition, la brutalité d’une fin qui nous concerne directement, comme si une part de nous-mêmes pénétrait dans un crépuscule d’autant plus intime qu’il côtoie des névroses partagées? Même si les déferlements médiatiques hors normes charrient toujours un soupçon de doute: David Bowie est de ceux-là. Bien sûr, d’autres morts méritent toute notre sollicitude, parfois plus, d’ailleurs. Pierre Boulez, pour ne parler que de lui, aura probablement laissé à la musicologie une œuvre bien plus fondamentale et durable à l’éternel. Mais pour signifier dans leur exactitude des moments d’histoire et, osons l’expression, de basculement de l’histoire, il y a, du côté de la musique des cinquante dernières années, quelques personnages référencés grâce auxquels nos vies ont changé.
Mais pas de méprise, le bloc-noteur l’affirme aussi: au croisement du rock et de la pop, quand tous les possibles étaient en jeu et qu’une génération entière croyait en l’avènement d’un monde meilleur et dépoussiéré, une partie de cette jeunesse s’est souvent aventurée dans des croyances artificielles, au point de se faire plus de mal que de bien et, au bout du compte, de revenir de tout dans un état plus dépressif et nihiliste encore. Le rock manie lui aussi le meilleur et le pire. Entre renoncements revendiqués et cash machine assumée, Bob Dylan, Mick Jagger et Paul McCartney ne servent plus à grand-chose. Mais Patti Smith et quelques autres sont restés debout…
Monstre. Alors, pourquoi Bowie, à la longévité fragmentée en élégiaque phénix, peint et rhabillé à neuf à chaque nouvelle aventure discographique ou scénique, compte tant à nos esprits fatigués?
mardi 12 janvier 2016
Le laminoir et les 8 de Goodyear
Ces hommes, ces syndicalistes, ces militants de la CGT ont
été condamnés à deux ans de prison, dont neuf mois ferme. Cette sanction n’en
est plus une, mais témoigne d’un acharnement.
Ainsi donc, la voici cette France des puissants, dans son aveuglement et son arrogance même à nier jusqu’à l’absurde ses enfants en lutte et à les enfoncer à la moindre occasion, à les passer au laminoir, comme s’il convenait d’intimider tous les salariés palpitants et criants qui se battent pour leur droit et leurs emplois. La peine infligée, hier, à huit anciens salariés de Goodyear d’Amiens, jugés pour avoir «séquestré» deux cadres, en 2014, dépasse l’entendement et devrait, en toute logique, révolter tous les citoyens encore un peu sensés. Ces hommes, ces syndicalistes, ces militants de la CGT ont été condamnés à deux ans de prison, dont neuf mois ferme. À ce stade d’exagération, d’injustice et de manquement grave à l’idée que nous nous faisons de la justice, cette sanction n’en est plus une, mais témoigne d’un acharnement qui, en aucun cas, ne peut rester sans réponse.
Ainsi donc, la voici cette France des puissants, dans son aveuglement et son arrogance même à nier jusqu’à l’absurde ses enfants en lutte et à les enfoncer à la moindre occasion, à les passer au laminoir, comme s’il convenait d’intimider tous les salariés palpitants et criants qui se battent pour leur droit et leurs emplois. La peine infligée, hier, à huit anciens salariés de Goodyear d’Amiens, jugés pour avoir «séquestré» deux cadres, en 2014, dépasse l’entendement et devrait, en toute logique, révolter tous les citoyens encore un peu sensés. Ces hommes, ces syndicalistes, ces militants de la CGT ont été condamnés à deux ans de prison, dont neuf mois ferme. À ce stade d’exagération, d’injustice et de manquement grave à l’idée que nous nous faisons de la justice, cette sanction n’en est plus une, mais témoigne d’un acharnement qui, en aucun cas, ne peut rester sans réponse.
jeudi 7 janvier 2016
Révolution(s): espoir, émancipation, etc.
Rencontre entre écrivains. Désir et presque irréversible puissance
insurrectionnelle ?
Héritages. Mettez huit écrivains français autour d’une table, avec quelques bonnes bouteilles à déboucher, histoire de libérer la parole: entre Noël et le jour de l’an, par exemple. Éloignez-les de Paris, pourquoi pas dans un pays étranger, mais pas trop loin de la France tout de même afin de préserver un lien ténu avec l’ici-et-maintenant: choisissez Turin. N’imposez aucun sujet, laissez libre cours aux pensées narcissiques sur les travaux en cours des uns et des autres, puis, insidieusement, au milieu d’une conversation enflammée sur la «puissance narrative d’un récit ou d’un roman», sa «construction» et l’usage du «passé et/ou du présent» comme possibilité faussement moderne, glissez juste cette phrase en forme d’interrogation: «Comment reconstituer la logique qui assigne à une certaine pratique de l’écriture une signification politique?» Patientez quelques instants. Citez éventuellement Jacques Rancière, Régis Debray ou Jacques Derrida. Et vous comprendrez que n’importe quel Français quinquagénaire ou sexagénaire issu des classes instruites bénéficie d’une infirmité qui pourrait ne pas se reproduire de sitôt: avoir grandi dans un monde d’héritages intellectuels si puissamment ancré dans l’histoire politique que toute velléité de s’en extraire paraît une abstraction impossible.
Héritages. Mettez huit écrivains français autour d’une table, avec quelques bonnes bouteilles à déboucher, histoire de libérer la parole: entre Noël et le jour de l’an, par exemple. Éloignez-les de Paris, pourquoi pas dans un pays étranger, mais pas trop loin de la France tout de même afin de préserver un lien ténu avec l’ici-et-maintenant: choisissez Turin. N’imposez aucun sujet, laissez libre cours aux pensées narcissiques sur les travaux en cours des uns et des autres, puis, insidieusement, au milieu d’une conversation enflammée sur la «puissance narrative d’un récit ou d’un roman», sa «construction» et l’usage du «passé et/ou du présent» comme possibilité faussement moderne, glissez juste cette phrase en forme d’interrogation: «Comment reconstituer la logique qui assigne à une certaine pratique de l’écriture une signification politique?» Patientez quelques instants. Citez éventuellement Jacques Rancière, Régis Debray ou Jacques Derrida. Et vous comprendrez que n’importe quel Français quinquagénaire ou sexagénaire issu des classes instruites bénéficie d’une infirmité qui pourrait ne pas se reproduire de sitôt: avoir grandi dans un monde d’héritages intellectuels si puissamment ancré dans l’histoire politique que toute velléité de s’en extraire paraît une abstraction impossible.
mardi 5 janvier 2016
Déchéance de la nationalité pour tous: la surenchère
Pour répondre à la critique d’une éventuelle discrimination entre citoyens français, Hollande et Valls réfléchissent à l’étendre aussi aux mononationaux, au risque de contrevenir à l’esprit de notre République et de violer certaines conventions internationales.
Sont-ils devenus fous? Cette question tourne en boucle dans nos cerveaux pourtant habitués à toutes les dérives. La dernière trouvaille en date des fossoyeurs des valeurs de la gauche est tellement improbable que la formuler donne le vertige sinon la nausée: le gouvernement n’exclurait pas l’idée d’étendre la déchéance de nationalité pour actes de terrorisme à tous les Français, binationaux ou non, quitte à créer des apatrides… Oser émettre cette possibilité dans le débat public est déjà, en soit, un acte mortifère. Toutefois, cela serait «philosophiquement souhaitable», selon une source gouvernementale citée par l’AFP. Voici la philosophie appelée à la rescousse. Répliquons donc avec Montesquieu, l’un des penseurs de la séparation des pouvoirs: «Une injustice faite à un seul est une menace faite à tous.» Alors qu’il voulait réaliser un sombre coup politique, en obligeant la droite à voter la déchéance, l’exécutif se réveille comme pris à son propre piège. Et il perd la raison en jouant aveuglément la surenchère. Pour répondre à la critique d’une éventuelle discrimination entre citoyens français, Hollande et Valls réfléchissent sérieusement à l’étendre aussi aux mononationaux, au risque de contrevenir à l’esprit de notre République et de violer certaines conventions internationales.
samedi 2 janvier 2016
3 janvier
"Il vaut mieux pomper d'arrache pied
même s'il ne se passe rien
même s'il ne se passe rien
que de risquer qu'il se passe quelque chose de pire
en ne pompant pas."
en ne pompant pas."
Les Shadoks, de Jacques Rouxel (dit par Claude Piéplu)
vendredi 1 janvier 2016
2 janvier 2016
"Quand on est rien,
difficile d'y comprendre quelque chose."
difficile d'y comprendre quelque chose."
Charly Brown,
dans Snoopy et le petit monde des Peanuts, tome 1
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