jeudi 24 octobre 2019

Vigilance(s)

Macron, ou la fin de l’État. 

Impuissance. À la vérité, une phrase tourne dans la tête du bloc-noteur depuis des jours et des jours, telle une obsession. Elle date du 8 octobre, lorsque Mac Macron rendit hommage aux victimes de l’attaque terroriste de la préfecture de police de Paris. Il expliqua aux Français que, dans le combat à mener contre l’islamisme radicalisé, «les institutions seules ne suffiront pas», avant d’appeler de ses vœux une «société de vigilance». Bien sûr, nous nous étions braqués immédiatement sur cette supposée «société de vigilance», nouveau concept théorisé par l’exécutif qui laisse pour le moins songeur tant la frontière demeure ténue entre la « vigilance » et l’appel à la délation permanente et collectivement organisée –tous «surveillants», tous «surveillés»–, comme si la possibilité de dénonciation sur des critères flous ne risquait pas d’empiéter sur les libertés publiques jusqu’à se muer en suspicion généralisée… Ne sous-­estimons pas le danger. Mais, au-delà de la surréaliste et impraticable injonction faite aux citoyens de se montrer «vigilants», la phrase «les institutions seules ne suffiront pas» mérite qu’on y revienne. Si Mac Macron promet de «mener le combat sans relâche, de renforcer les moyens humains, technologiques et juridiques, d’agir à la racine, à l’aide d’un gouvernement mobilisé avec méthode et détermination», l’appel à la vigilance, comme par défaut, sinon impuissance avouée, sonne comme un aveu que n’importe quel républicain digne de ce nom devrait se refuser d’entendre. Mac Macron précise d’ailleurs: «L’administration seule et tous les services de l’État ne sauraient venir à bout de l’hydre islamiste.» Soit. La société tout entière est bel et bien concernée. Mais de quel «État» parle-t-il, s’il n’en est lui-même le «chef»? La portée de ces mots n’a l’air de rien, pourtant, elle témoigne d’un malaise profond qui ne nous dit rien de bon. 

mardi 22 octobre 2019

« Fermeté »…

A Mayotte, Emmanuel Macron a donc salué l’opération «Shikandra» afin d’insister sur le volet «immigration» de son séjour. Il revendique sa politique répressive à grand renfort de séquences symboliques.

En visite à Mayotte, Emmanuel Macron a donc salué l’opération «Shikandra» afin d’insister sur le volet «immigration» de son séjour. On pourrait sourire devant cette mise en scène du volontarisme de l’État en matière migratoire, sauf que notre président revendique sa politique répressive à grand renfort de séquences symboliques. «Shikandra»? «C’est le nom d’un poisson qui vit dans le lagon, il a une allure débonnaire, mais quand on s’approche de son nid, il mord.» Voilà comment l’Élysée résume l’esprit de cette force civilo-militaire à Mayotte. L’occasion « de mettre l’accent sur la “fermeté”, second pilier de la politique d’immigration du gouvernement », oubliant volontairement le premier pilier érigé par Macron lui-même en d’autres temps: humanité…

N’ayons pas la mémoire courte. En 1995, le gouvernement Balladur a entravé la libre circulation des personnes, imposant un visa d’entrée à Mayotte et brisant une tradition qui permettait aux Comoriens d’aller d’une île à l’autre à bord de pirogues dénommées «kwassa-kwassa». Le «visa Balladur» a engendré un drame monstrueux, transformant la mer d’Anjouan en l’un des plus grands cimetières marins au monde. Plus de 10 000 morts. Souvenons-nous des mots scandaleux de Macron, en 2017: «Le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien.»

Mayotte, devenue le 101e département français en 2009 contre les résolutions de l’ONU, continue de vivre une situation sociale et migratoire qui se dégrade. Pour toute réponse, la loi immigration et droit d’asile, votée en juillet, a modifié le droit du sol pour les enfants nés sur l’île. Ils ne peuvent désormais obtenir la nationalité française qu’en fonction du statut des parents. Rares sont les consciences qui ont exprimé leur émoi : le droit du sol et de résidence commun sur tout le territoire national n’existe plus, violant le principe de l’indivisibilité de la République. Comme si l’État reportait sur les enfants son incapacité diplomatique à régler ses relations avec les îles voisines. Macron assume. Il a même paradé à bord d’un « intercepteur » de la police aux frontières…

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 23 octobre 2019.]

jeudi 17 octobre 2019

Joker(s)

Le film de Todd Phillips est-il vraiment dangereux? Et pour qui? 

Classes. Rarement œuvre cinématographique n’aura à ce point suscité autant d’enthousiasme, de controverses et de haines, jusqu’à alimenter des débats entre journalistes de mêmes rédactions dans certains journaux du monde entier. Le Joker, de Todd Phillips, clive autant qu’il fascine. Et si le bloc-noteur consent à l’évoquer, après le choc que constitua son visionnage, c’est moins pour le défendre aveuglément que pour tenter de narrer ce qui se joue de grand et d’admirable durant les 2h02 de projection. Au fond, le Joker ne constitue qu’un prétexte à quelque chose de plus ample, raison pour laquelle son ennemi juré, le futur Batman, se trouve évincé de cette histoire encore à sa genèse. Ici, la généalogie du mal se trouve uniquement personnifiée par Arthur Fleck, alias «Joker», sans ami à l’exception de sa mère, qui travaille comme clown raté, sachant que le rire compulsif qui le secoue de manière irrépressible met mal à l’aise tous ceux qu’il rencontre. Comprenez bien. L’une des principales critiques adressées au film de Todd Phillips est qu’il offrirait sur un plateau des arguments au mouvement des «incels», ces hommes aux penchants ultraviolents qui se présentent comme des «célibataires involontaires», se vivent comme des ratés ou des «mâles bêta» (par opposition au concept de «mâle alpha», le dominant) avec qui aucune femme n’imaginerait de coucher. L’acteur Joaquin Phoenix – absolument exceptionnel – interprète un homme intimement déséquilibré, certes. Décharné et halluciné, corps de pantin désarticulé, il campe néanmoins un Joker prolétaire hanté par une part du rêve américain, auquel il finit par croire quand il peut enfin rencontrer son idole télévisuelle, le stand-upper Murray Franklin, incarné par Robert De Niro en personne. À l’évidence, Todd Phillips ressuscite la Valse des pantins, l’un des rares films trop méconnus de Martin Scorsese, datant de 1982, déjà avec De Niro (dans le rôle d’un psychopathe, Jerry Lewis dans celui d’un amuseur public). Sauf que Phillips, bien que nous pensions aussi à Taxi Driver, pousse ici les raisons de la folie au-delà de toute « normalité » et l’adosse à une critique en règle, jusqu’à la hargne, de nos sociétés capitalistes, singulièrement les États-Unis. En somme? Un authentique film de classes.


mardi 15 octobre 2019

Cyclisme : le Tour prend encore de la hauteur

L’édition 2020, présentée à Paris, sera montagneuse, de ses premiers jours jusqu’à son avant-dernière étape. Les organisateurs misent de nouveau sur l’audace.

Une singulière engeance nous invite toujours, chaque année, à la prospection impatiente et déjà au supplément d’âme que l’imagination enivre. Comme les contes pour enfants, la présentation du Tour de France reste une fabrique mythologique au capital symbolique jamais démenti. Et cette année, nous sommes servis. Autant par la prise de risque des organisateurs – rendons-leur grâce – que par l’ampleur des difficultés que le peloton aura à endurer. La Grande Boucle, entre Nice le 27 juin et les Champs-Élysées le 19 juillet (1), cheminera en effet par les cinq massifs montagneux de l’Hexagone, escaladera 29 ascensions ou cols, imposera un contre-la-montre individuel dans les rampes de La Planche-des-Belles-Filles à la veille de l’arrivée et comportera une étape inédite entre les îles d’Oléron et de Ré, situées au large de La Rochelle. Un tracé musclé, nerveux, dynamique, montagneux, qui ne laissera place à aucun répit dès le premier jour. Pour comprendre l’entr’aperçu du modèle en ampleur, comme une signature de l’audace, il suffit de se figurer ce que peuvent receler d’exigence deux informations caractéristiques : les Géants de la route devront affronter quatre mille mètres de dénivelé dès la deuxième étape dans le haut pays niçois, avant de s’étriper lors d’une arrivée au sommet, dès le quatrième jour, à Orcières-Merlette…

Témoin de l’état d’esprit de franche innovation, le col de la Loze, «toit» du Tour planté à 2 304 mètres. «Le prototype du col du XXIe siècle!» s’enthousiasme le directeur de l’épreuve, Christian Prudhomme, emballé par cette nouvelle «route», plutôt une piste hallucinante de 7 kilomètres réservée aux vélos, récemment bitumée au-dessus de la station savoyarde de Méribel. Dans cette succession de ruptures de pentes, brutales à chaque contrefort, les purs grimpeurs régneront en anachorètes du genre, tout comme, probablement, lors de la double ascension et l’arrivée au sommet du Grand Colombier, le Géant du Jura devenu un «classique» depuis 2012.

Durant la présentation, à Paris, il y avait du beau monde côté prétendants, et un intérêt parfois apeuré pour un parcours atypique qui casse un peu plus les normes et projette, espérons-le, une sorte de continuation de ce que nous avons vécu d’immense lors de l’édition 2019. Le tenant du titre, le Colombien Egan Bernal, montrait des yeux de gamin envieux – il n’a que 22 ans –, comme s’il traversait encore la sidération de l’exploit: «Gagner le Tour, c’est un peu comme une drogue.» Notre héros national Julian Alaphilippe, lui, affichait un sourire aussi vaste que son tempérament: «Je suis emballé!» riait-il. Quant à Thibaut Pinot, «martyr» de juillet, il répétait: «Je suis pressé d’y être. J’y serai… et à fond.» À croire que les blessures physiques et morales ne résistent jamais à l’impatience du Tour. Ne manquaient au festin qu’Eddy Merckx et Raymond Poulidor, l’un blessé à la tête en raison d’une chute de vélo (sic), l’autre épuisé. À l’heure de rêves anticipés à la mesure de nos chers Illustres, nous pensions évidemment à eux. Une question d’engeance, sans doute.

(1) Le Tour 2020 sera avancé d’une semaine par rapport aux éditions précédentes en raison des jeux Olympiques de Tokyo.

[ARTICLE publié dans l'Humanité du 16 octobre 2019.]

dimanche 13 octobre 2019

Emballement

La monumentale bévue attribuée aux autorités policières écossaises n’exonère en rien les raisons quasi «mécaniques» de l’emballement médiatique en lui-même.
Ni leçon inaugurale, ni conclusion définitive. Mais tout de même. Un événement d’une rare portée – mêlant tous les dispositifs imaginables de ce qui s’appelle «l’information» – s’est déroulé entre la police et les médias, sous le regard incrédule des citoyens. L’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès était une fausse information. Elle a été diffusée, puis commentée, répétée, disséquée, prolongée au-delà de toute logique, avant d’être finalement démentie. Comme beaucoup, face à ce fiasco, nous avons oscillé entre le ricanement et l’indignation. Sauf que la monumentale bévue attribuée aux autorités policières écossaises n’exonère en rien les raisons quasi «mécaniques» de l’emballement médiatique en lui-même, sachant, ne l’oublions pas, que chacun a commis l’erreur sans que quiconque ait menti sciemment. Néanmoins, le trouble général et légitime se résume par une question simple: comment en quelques heures, sinon en quelques minutes à peine, malgré la mise en garde du procureur de Nantes qui appelait à la prudence et aux vérifications d’usage, l’indicatif a-t-il pu chasser le conditionnel de rigueur? Une phrase et tout changeait: «Xavier Dupont de Ligonnès aurait été arrêté»

Loin de nous l’idée de projeter l’Humanité au-dessus de la mêlée, encore moins sur un piédestal. Du fait du rythme de nos publications, nous avons échappé à l’effet de «troupe». Profitons toutefois de cet événement «hors norme» pour bien réfléchir. Soumis au règne de «maître lapin», où tout, tout-de-suite se doit d’être rapide, sans horizon, périmé et déjà recyclé, parler plus vite que de raison devient la norme, comme si le journalisme n’était qu’une marchandise consommable et déjà jetable. La toute-puissance de l’infobésité collective nous menace, chaque jour un peu plus. «L’info en continu est un piège que l’info s’est tendu à elle-même», disait, ce week-end, une sémiologue. Elle a raison. Tout le monde aurait donc oublié le «cas d’école» que constitua, en 2004, l’affaire du RER D? Un fait divers inventé, qui fit la une de l’actualité et mobilisa les plus hautes autorités de notre pays durant trois jours, jusqu’à la découverte de la supercherie.

La société tout entière est une nouvelle fois mise en garde. D’un côté: les journalistes et leur conscience, leurs devoirs, leur perfectibilité, cette fois mise en évidence par des «canaux officiels». De l’autre, le plus essentiel sans doute: les citoyens et l’apprentissage permanent de leur distance critique. Nous n’avons pas fini d’en parler… 

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 14 octobre 2019.]

jeudi 10 octobre 2019

Continuum(s)

Ce moment qui ne nous grandit pas…
 
Fractures. Dans ce climat pourri de tensions, de haines et de fractures incommensurables qui attisent toutes les pulsions maladives et ignobles les plus enfouies dans les tréfonds de la France rance, nous avons l’étrange impression de traverser un moment qui, décidément, ne nous grandit pas. Comme si l’organisation de la médiocrité préparait le règne de réflexes obscènes, honnissant l’idée même d’intérêt général et de devoir supérieur. Le rythme de l’immonde s’accélère, son débit s’étire… pendant que nos souffles exténués syncopent nos propos. Tel ne devrait pas être le cas. En plein débat surréaliste et totalement inapproprié sur «l’immigration», voulu et théorisé par Mac Macron en personne, voilà que le terrorisme islamiste s’abat une fois encore sur la nation par la cause d’un homme, converti à l’islam, qui a donc tué quatre fonctionnaires de la préfecture de police de Paris, supposément l’un des lieux les mieux protégés de l’appareil d’État. Un acte fanatique de plus – quelle qu’en soit la genèse – et tout s’embrouille. Le pire des scénarios, en somme, qui éloigne quasi mécaniquement de la bulle d’émotion médiatique et politique toute possibilité d’intelligence des circonstances, sans parler de «raison», ce qui, vous en conviendrez, n’est plus trop dans l’air du temps. Guillaume Goubert résumait bien la situation, cette semaine, dans la Croix: «C’est un moment très difficile pour les musulmans de France. Attaqués de l’extérieur par des polémistes d’extrême droite, ils se trouvent, en quelque sorte, attaqués aussi de l’intérieur.» Séquence mortifère. Les diatribes odieuses de Zemmour (et consorts) lors de la Convention de la droite organisée par Maréchal-là-voilà (qui valent au chroniqueur du Figaro l’ouverture d’une enquête diligentée par le parquet pour «injures publiques» et «provocation publique à la discrimination, la haine ou la violence») se trouvent reléguées au second rang, effacées de la mémoire présente, alors que les continuums de la haine, c’est bien connu, se nourrissent les uns les autres…

Cursus. Deux questions viennent immédiatement à l’esprit. Comment un musulman en vient-il à perpétrer des actes d’une telle barbarie au nom de sa religion? Comment un héritier de notre République, devenu croyant ou non d’ailleurs, peut-il se retourner à ce point contre elle et contrevenir à tout ce que nous sommes de plus sacré? D’où une troisième question: le problème fondamental est-il vraiment l’islam, ou plutôt ce qui alimente ses variantes fondamentalistes contre lesquelles nous devons être impitoyables? La France de la République, dans le temps long de l’Histoire, porte des valeurs, symbolise une unité et une indivisibilité, mais également un cursus culturel puissant, ouvert et vivant qui tisse son universalité – que le monde nous enviait jadis. Souvent, nos concitoyens se sont dressés dans le refus de la fracturation de la société. Dès lors, toute parole publique devrait être choisie afin de créer les conditions de la résilience et s’adresser à l’intelligence du peuple. Nous en sommes loin. Ne le cachons pas: sans éthique collective de responsabilité, la société française peut désormais basculer à tout moment. Le bloc-noteur espère se tromper, mais il sent confusément l’extrême fragilité du pacte républicain – du moins ce qu’il en reste, sachant que c’est aussi l’injustice d’une politique qui encourage les tensions jusqu’au risque d’explosion (souhaitons-la «sociale»). Vous allez voir que, à tous les coups, certains oseront remettre sur la table le cadre de la loi de 1905, alors même que la laïcité n’a pas à se durcir mais à s’affirmer, à s’appliquer sereinement, sagement et parfois fermement, dans le respect mutuel, en stoppant les amalgames, les suspicions et les stéréotypes qui enflamment les antagonismes identitaires et renforcent les adversaires de la République. Petit rappel aux oublieux: c’est l’État qu’il faut rendre égalitaire et laïque, car c’est son existence même qui donne corps à ces mots…

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 11 octobre 2019.]

jeudi 3 octobre 2019

Fasciste(s)

Eric Zemmour déclare : «Le nazisme est parfois un peu raide et intolérant, mais de là à le comparer avec l’islam…» Ignoble.

Ignoble. Maintenant, ça suffit ! Cette phrase en forme d’injonction, que le bloc-noteur a déjà écrite il y a des années en arrière, semble avoir, ici-et-maintenant, un certain écho bien au-delà des cercles « habituels ». L’ignoble Éric Zemmour n’est pas qu’un dangereux récidiviste dont les mots et les idées polluent le paysage public et médiatique : le voilà désormais dans la posture d’un authentique factieux d’extrême droite, pour qui les postures fascistes – n’ayons pas peur de l’expression – deviennent première nature, comme l’explique si brillamment l’historien Gérard Noiriel dans son dernier livre (le Venin dans la plume. Édouard Drumont, Éric Zemmour et la part sombre de la République, la Découverte). Le discours prononcé par l’ex-histrion devenu révisionniste à la « convention de la droite » et sa retransmission intégrale, et en direct, sur la chaîne LCI, suscitent une indignation compréhensible et si légitime que nous nous demandons pourquoi il a fallu tout ce temps pour en arriver là et que, enfin, certaines réactions soient à la hauteur du péril. Car tout de même! Ne trouvez-vous pas étonnant que quelques bonnes âmes, réveillées sans doute d’un sommeil profond ou guéries d’une surdité coupable, trouvent aujourd’hui inadmissible ce qui l’était déjà, et depuis si longtemps? Comme si la France, peuplée de naïfs et de candides, découvrait seulement en septembre 2019 ce que Gérard Noiriel appelle «le fonds de commerce de ce journaliste polémiste et de ceux qui le soutiennent»… La bonne blague!

Brun. D’ailleurs, beaucoup disent ou écrivent que Zemmour a «franchi un cap» et même un «nouveau pas dans la xénophobie de combat» en participant à cette réunion publique abjecte en compagnie de Maréchal-la-Voilà. C’est faux! Le Doriot contemporain n’a rien varié à son discours de haine, se contentant de reprendre les grandes thèses de l’histoire identitaire qu’il ressasse dans ses livres – il suffit de les avoir lus pour le savoir et le bloc-­noteur, à des fins professionnelles, s’y est astreint depuis toujours et a souvent relaté ses écrits ici même pour s’indigner, alerter. Car avec Zemmour, ne nous y trompons pas : tout est politique. Le message, les phrases, la construction, le raisonnement, même la «provocation» – ou du moins ce que certains continuent de qualifier de «provocation», comme on dirait «dérapage». Gérard Noiriel nous met en garde: «Ce rassemblement avait pour but de séduire un électorat socialement hétéroclite qui fait encore défaut à l’extrême droite. Voilà pourquoi Zemmour affirme dans son discours que “cette question de l’identité est aussi la plus rassembleuse car elle réunit les classes populaires et les classes moyennes et même une partie de la bourgeoisie”.»