Stéphane Hessel était venu au stand des Amis de l'Huma, en 2008. Récit.
jeudi 28 février 2013
Hessel: un homme vertical, l'âme trempée par les épreuves
Article invité: par Charles Silvestre.
Stéphane Hessel était venu au stand des Amis de l'Huma, en 2008. Récit.
«Qu’est-ce qui vous fait encore courir, à quatre-vingt-dix ans passés, à travers le monde?» La question est posée à Stéphane Hessel, le 12 septembre 2008, à la Fête de l’Humanité. L’ambassadeur, titre qui lui a été décerné par l’histoire plus que par les autorités administratives, est attablé sous le chapiteau des Amis de l’Huma, aux côtés d’Edmonde Charles-Roux, amie de longue date, et de Georges Séguy, résistant à quinze ans, déporté, qui est l’invité de la soirée pour les quarante ans de Mai 68. Stéphane Hessel s’est redressé de toute sa hauteur. À quatre-vingt-dix ans, il déplie son mètre quatre-vingt-dix, affiche une dignité tranquille, pour ne pas dire une sorte de majesté républicaine, et répond par la métaphore de la bicyclette: «Mais, si je m’arrête, je tombe.» Le livre Indignez-vous!, qui a connu un succès retentissant, deux ans plus tard, a la même tenue dans ses premières lignes: «93 ans. C’est un peu la toute dernière étape. La fin n’est pas bien loin. Quelle chance de pouvoir en profiter pour rappeler ce qui a servi de socle à mon engagement politique : les années de Résistance et le programme élaboré il y a soixante-dix ans par le CNR.»
Stéphane Hessel était venu au stand des Amis de l'Huma, en 2008. Récit.
mercredi 27 février 2013
Indignation(s): quand le succès de Stéphane Hessel irrite les libéraux...
Stéphane Hessel est mort ce 27 février 2013. Je republie ci-dessous le bloc-notes que j'avais consacré au succès populaire de son livre, Indignez-vous!, en janvier 2011.
Hessel. De quoi le succès d’un livre est-il le signe? Et à partir de quel moment peut-on, doit-on considérer qu’il échappe à son auteur pour devenir un phénomène de société intergénérationnel s’affranchissant de tous les codes en vigueur? Depuis peu, le monde de l’édition et le petit microcosme parisien de toute l’intelligentsia médiacratique ne cessent de nous exprimer leur incrédulité – doublée d’une cynique stupéfaction. En cause, l’incroyable destin du petit opuscule façon coup de poing publié par Stéphane Hessel, qui, à quatre-vingt-treize ans, jouissant d’une popularité au zénith, a d’ores et déjà touché le cœur et les tripes de 500.000 acheteurs. Vous avez bien lu: Indignez-vous! (32 pages, 3 euros), qu’une petite maison d’édition du sud de la France (Indigène) a courageusement osé diffuser, affiche désormais l’un des tirages record de ces dernières années. Après une première sortie assez confidentielle, 850.000 exemplaires sont à ce jour sortis des imprimeries. Sachez-le : tous se vendront, signe d’une époque moins consumériste et individualiste qu’on ne le croit. Car pour une fois, le public en masse n’a pas attendu les sacro-saintes et habituelles prescriptions des éditocrates pour anticiper un engouement indépendant et authentiquement engagé.
Hessel. De quoi le succès d’un livre est-il le signe? Et à partir de quel moment peut-on, doit-on considérer qu’il échappe à son auteur pour devenir un phénomène de société intergénérationnel s’affranchissant de tous les codes en vigueur? Depuis peu, le monde de l’édition et le petit microcosme parisien de toute l’intelligentsia médiacratique ne cessent de nous exprimer leur incrédulité – doublée d’une cynique stupéfaction. En cause, l’incroyable destin du petit opuscule façon coup de poing publié par Stéphane Hessel, qui, à quatre-vingt-treize ans, jouissant d’une popularité au zénith, a d’ores et déjà touché le cœur et les tripes de 500.000 acheteurs. Vous avez bien lu: Indignez-vous! (32 pages, 3 euros), qu’une petite maison d’édition du sud de la France (Indigène) a courageusement osé diffuser, affiche désormais l’un des tirages record de ces dernières années. Après une première sortie assez confidentielle, 850.000 exemplaires sont à ce jour sortis des imprimeries. Sachez-le : tous se vendront, signe d’une époque moins consumériste et individualiste qu’on ne le croit. Car pour une fois, le public en masse n’a pas attendu les sacro-saintes et habituelles prescriptions des éditocrates pour anticiper un engouement indépendant et authentiquement engagé.
mardi 26 février 2013
Hôpitaux: serment d'hypocrites
Il n’est plus possible de continuer à diminuer les coûts, sauf à refuser d’assumer l’offre de soins actuelle.
«Je quitte les urgences.» Nous lisons l’humble et fragile témoignage avec la rage au ventre. «J’ai travaillé 70 heures par semaine pendant trente ans, je pense qu’on a le droit de m’écouter.» Celle qui parle porte en elle des âges de combat dans un écrin de tristesse. «Plus ça allait, plus les urgences étaient chargées, et plus les responsabilités devenaient trop lourdes pour un seul médecin, la nuit.» Les vérités relatées ici ne se découvrent que par pur esprit de responsabilité. «On nous a dit qu’on ne pouvait pas demander des médecins supplémentaires et qu’on nous enverrait une commission pour vérifier.» Quand l’injustice se mêle à l’incompréhension. «Mais ils ne sont jamais venus voir comment cela se passait…» Elle s’appelle Marie-Anne Babé. Lassée, exténuée et surtout révoltée, elle vient de démissionner de son poste de chef du service des urgences du centre hospitalier de Roubaix, 85000 patients par an. Elle réclamait une hausse des effectifs. Elle n’a pas été écoutée. Alors son monde a vacillé. Pas la haute idée qu’elle se fait de son métier…
«Je quitte les urgences.» Nous lisons l’humble et fragile témoignage avec la rage au ventre. «J’ai travaillé 70 heures par semaine pendant trente ans, je pense qu’on a le droit de m’écouter.» Celle qui parle porte en elle des âges de combat dans un écrin de tristesse. «Plus ça allait, plus les urgences étaient chargées, et plus les responsabilités devenaient trop lourdes pour un seul médecin, la nuit.» Les vérités relatées ici ne se découvrent que par pur esprit de responsabilité. «On nous a dit qu’on ne pouvait pas demander des médecins supplémentaires et qu’on nous enverrait une commission pour vérifier.» Quand l’injustice se mêle à l’incompréhension. «Mais ils ne sont jamais venus voir comment cela se passait…» Elle s’appelle Marie-Anne Babé. Lassée, exténuée et surtout révoltée, elle vient de démissionner de son poste de chef du service des urgences du centre hospitalier de Roubaix, 85000 patients par an. Elle réclamait une hausse des effectifs. Elle n’a pas été écoutée. Alors son monde a vacillé. Pas la haute idée qu’elle se fait de son métier…
vendredi 22 février 2013
Minerai(s): avant, on n'en donnait même pas aux chiens...
Quand un conseiller d'un ministère découvre ce qu'on nous donne à manger. Et ne cache pas son écoeurement...
Assiettes. Même les piliers du temple des esprits sont parfois désarçonnés devant les affres de la vie quotidienne et les actes les plus élémentaires conditionnés par les habitudes ou le poids des conventions sociales. Une certaine érudition ne prémunit en rien contre le retour au réel et le venin de la lucidité… Il aurait fallu filmer notre énarque, l’autre soir, dans un bistrot parisien, hésitant entre le hachis parmentier et les lasagnes (pourtant estampillés «maison») parés comme il se doit d’une salade de roquette hors saison. «Et si je prenais du poisson?» Regard apeuré. «Ou alors rien que des crudités.» L’homme, soudain, ressemblait à ce qu’on attendait de lui : l’interrogation aux aguets, la préoccupation tout en fluidité, quelques sonorités bien bruyantes emmêlées à des éclats de langage mécaniques, et finalement assez de jugeote pour que l’ampleur du QI reprenne le dessus et laisse percevoir derrière la pâleur du visage une incompréhension quasi organique se magnifiant dans un souffle sous forme de question: «Mince, mais qu’est-ce qu’ils foutent dans nos assiettes?» Et d’ajouter: «Chez moi, je ne me nourris qu’avec des trucs tout prêts, beaucoup de chez Picard: c’est excellent et la réputation était bonne. Comment je vais faire maintenant?» Ce jour-là, comme beaucoup d’entre nous, cet ami à la tête bien pleine, conseiller technique d’un ministère ayant peu de chose à voir avec l’agriculture, l’agroalimentaire ou les affaires sanitaires, venait d’apprendre un nouveau terme qui va désormais hanter tous les consommateurs: le minerai.
Assiettes. Même les piliers du temple des esprits sont parfois désarçonnés devant les affres de la vie quotidienne et les actes les plus élémentaires conditionnés par les habitudes ou le poids des conventions sociales. Une certaine érudition ne prémunit en rien contre le retour au réel et le venin de la lucidité… Il aurait fallu filmer notre énarque, l’autre soir, dans un bistrot parisien, hésitant entre le hachis parmentier et les lasagnes (pourtant estampillés «maison») parés comme il se doit d’une salade de roquette hors saison. «Et si je prenais du poisson?» Regard apeuré. «Ou alors rien que des crudités.» L’homme, soudain, ressemblait à ce qu’on attendait de lui : l’interrogation aux aguets, la préoccupation tout en fluidité, quelques sonorités bien bruyantes emmêlées à des éclats de langage mécaniques, et finalement assez de jugeote pour que l’ampleur du QI reprenne le dessus et laisse percevoir derrière la pâleur du visage une incompréhension quasi organique se magnifiant dans un souffle sous forme de question: «Mince, mais qu’est-ce qu’ils foutent dans nos assiettes?» Et d’ajouter: «Chez moi, je ne me nourris qu’avec des trucs tout prêts, beaucoup de chez Picard: c’est excellent et la réputation était bonne. Comment je vais faire maintenant?» Ce jour-là, comme beaucoup d’entre nous, cet ami à la tête bien pleine, conseiller technique d’un ministère ayant peu de chose à voir avec l’agriculture, l’agroalimentaire ou les affaires sanitaires, venait d’apprendre un nouveau terme qui va désormais hanter tous les consommateurs: le minerai.
mardi 19 février 2013
Ali(s): à propos du plus grand boxeur de tous les temps
Par le procédé du Cut up, l'écrivain Frédéric Roux, dans son dernier livre, nous embarque sur le continent de Muhammad Ali. Attention merveille !
Roux. Qui n’est jamais monté sur un ring ne peut comprendre la noblesse de l’esquive – pour mieux toucher au but. Qui n’a jamais enduré les coups pleine face ne peut analyser la souffrance de l’uppercut – et la détresse du KO. Qui n’a jamais aimé la boxe, au point de s’en remettre pieds et poings à ses règles, ne peut ressentir la tragique émotion de la violence du geste rehaussée par la tendresse du doute – façon tragédie originelle… L’écrivain Frédéric Roux possède en lui la beauté de ce sport. Et pour cause. Il a été boxeur dans sa jeunesse. Il en garde quelques stigmates, un nez cassé, un regard droit et un caractère trempé dans la sueur et le sang. Mais il préserve aussi en lui d’innombrables souvenirs moins mâles qu’il n’y paraît. Son premier roman, "Lève ton gauche!" (Ramsay, 1984), racontait cette expérience du noble art dans un récit de vie fragmentée si réel qu’on tremblait à chaque page de peur d’y croiser une voix sans issue. Trente ans après son premier exploit littéraire, et après une quinzaine de livres, Frédéric Roux renfile les gants en repoussant les frontières du roman, territoire pourtant déjà vaste. Avec "Alias Ali" (Fayard), l’auteur nous embarque dans un monde unique en son genre. Celui de Muhammad Ali, le plus grand boxeur – et sportif – de tous les temps.
Roux. Qui n’est jamais monté sur un ring ne peut comprendre la noblesse de l’esquive – pour mieux toucher au but. Qui n’a jamais enduré les coups pleine face ne peut analyser la souffrance de l’uppercut – et la détresse du KO. Qui n’a jamais aimé la boxe, au point de s’en remettre pieds et poings à ses règles, ne peut ressentir la tragique émotion de la violence du geste rehaussée par la tendresse du doute – façon tragédie originelle… L’écrivain Frédéric Roux possède en lui la beauté de ce sport. Et pour cause. Il a été boxeur dans sa jeunesse. Il en garde quelques stigmates, un nez cassé, un regard droit et un caractère trempé dans la sueur et le sang. Mais il préserve aussi en lui d’innombrables souvenirs moins mâles qu’il n’y paraît. Son premier roman, "Lève ton gauche!" (Ramsay, 1984), racontait cette expérience du noble art dans un récit de vie fragmentée si réel qu’on tremblait à chaque page de peur d’y croiser une voix sans issue. Trente ans après son premier exploit littéraire, et après une quinzaine de livres, Frédéric Roux renfile les gants en repoussant les frontières du roman, territoire pourtant déjà vaste. Avec "Alias Ali" (Fayard), l’auteur nous embarque dans un monde unique en son genre. Celui de Muhammad Ali, le plus grand boxeur – et sportif – de tous les temps.
jeudi 14 février 2013
La Seconde guerre mondiale aurait-elle pu prendre fin en 1943?
Publication d'un entretien entre le docteur ès sciences historiques Valentin Faline avec le commentateur militaire Viktor Litovkine. Ces deux Russes révèlent des pages jusqu'ici peu connues qui eurent un impact déterminant sur le cours et l'issue des batailles.
Valentin Faline. Dans l'historiographie moderne l'étape terminale de la Seconde Guerre mondiale est décrite différemment. Certains spécialistes prétendent que la guerre aurait pu s'achever bien plus tôt, c'est ce qui ressort, entre autres, de la lecture des mémoires du maréchal Tchouïkov. D'autres estiment qu'elle aurait pu durer au moins un an encore. Qui est plus proche de la vérité? En quoi réside cette dernière? Quel est votre point de vue sur cette question?
Viktor Litovkine. C'est vrai, ce thème est débattu dans l'historiographie de nos jours. Mais pendant la guerre aussi, à partir de 1942, on s'était livré à des estimations sur la durée du conflit. Pour être plus précis, les politiques et les militaires s'étaient penchés sur cette question dès 1941, quand la grande majorité des hommes d'Etat, dont Franklin Roosevelt et Winston Churchill, estimaient que l'Union soviétique tiendrait au maximum de quatre à six semaines. Seul Edvard Benes affirmait que l'URSS résisterait face à l'invasion nazie et finirait par écraser l'Allemagne.
La bataille de Stalingrad. |
Viktor Litovkine. C'est vrai, ce thème est débattu dans l'historiographie de nos jours. Mais pendant la guerre aussi, à partir de 1942, on s'était livré à des estimations sur la durée du conflit. Pour être plus précis, les politiques et les militaires s'étaient penchés sur cette question dès 1941, quand la grande majorité des hommes d'Etat, dont Franklin Roosevelt et Winston Churchill, estimaient que l'Union soviétique tiendrait au maximum de quatre à six semaines. Seul Edvard Benes affirmait que l'URSS résisterait face à l'invasion nazie et finirait par écraser l'Allemagne.
mercredi 13 février 2013
Mariage, l'égalité pour tous!
La gauche peut se rassembler sur ses promesses dès lors qu’elle est mise sous surveillance citoyenne. Elle l'a prouvé avec le mariage pour tous.
Quand la République, dans ce qu’elle a de plus sacré, se rehausse d’elle-même par un acte législatif qui dépasse le cadre ordinaire, l’horloge de l’Histoire tinte toujours différemment. Il était 16 h 58, hier, quand l’Assemblée nationale a voté en première lecture la loi autorisant le mariage des personnes de même sexe. L’émotion, palpable dans l’hémicycle, fut nôtre. Nous avons alors pensé à toutes les associations, à tous les élus, à tous les citoyen(ne)s qui n’ont jamais renoncé à ce combat au long cours, s’attirant les injures et toutes les formes d’obscurantisme. Sans cette mobilisation, jamais démentie, le gouvernement serait-il allé au bout de cet engagement? Nous avons aussi pensé à Christiane Taubira, qui aura incarné, assez magistralement, le choix du progressisme contre la réaction, plaçant résolument cette réforme dans le cadre de la longue bataille pour l’égalité des droits et parachevant l’évolution de cette institution qu’est le mariage, jusqu’alors incomplète. Notre pays vient de rappeler qu’aucune différence ne peut plus servir de prétexte à des discriminations d’État…
Le résultat du vote en première lecture. |
mardi 12 février 2013
Benoît XVI: le sans-siège du Vatican
Estimant qu’il ne se sentait plus apte, Benoît XVI, 85 ans, a annoncé sa démission. Elle sera effective le 28 février prochain. Joseph Ratzinger restera comme le pape de tous les dogmes ultraconservateurs.
Au Vatican, que ce soit dans les allées bordées d’espèces rares de cactus où le pape ne détestait pas vagabonder dans la fraîcheur d’un Éden reconstitué, ou dans les couloirs plongés dans la pénombre, voire dans les salles rutilantes aux marqueteries multicentenaires, la rumeur courait depuis plusieurs semaines. Fatigué, et redoutant plus que tout «l’ombre» de lui-même au point de s’isoler dans un mutisme jugé «déconcertant» par ses collaborateurs, le pape Benoît XVI, quatre-vingt-cinq ans, montrait des signes de lassitude qui ne trompaient pas. Chaque sortie publique devenait une épreuve physique, le moindre discours un calvaire intellectuel. En 2010, l’évêque de Rome expliquait déjà : «Quand un pape en vient à reconnaître en toute clarté qu’il ne peut plus assumer la charge de son ministère, alors il a le droit et, selon les circonstances, le devoir de se retirer.» Il a tenu parole.
Au Vatican, que ce soit dans les allées bordées d’espèces rares de cactus où le pape ne détestait pas vagabonder dans la fraîcheur d’un Éden reconstitué, ou dans les couloirs plongés dans la pénombre, voire dans les salles rutilantes aux marqueteries multicentenaires, la rumeur courait depuis plusieurs semaines. Fatigué, et redoutant plus que tout «l’ombre» de lui-même au point de s’isoler dans un mutisme jugé «déconcertant» par ses collaborateurs, le pape Benoît XVI, quatre-vingt-cinq ans, montrait des signes de lassitude qui ne trompaient pas. Chaque sortie publique devenait une épreuve physique, le moindre discours un calvaire intellectuel. En 2010, l’évêque de Rome expliquait déjà : «Quand un pape en vient à reconnaître en toute clarté qu’il ne peut plus assumer la charge de son ministère, alors il a le droit et, selon les circonstances, le devoir de se retirer.» Il a tenu parole.
lundi 11 février 2013
Vaticanesque(s): le pape en pleine crise...
Entre scandales et rumeurs, le règne de Benoît XVI prend un tournure pathétique.
Crise. Que se passe-t-il réellement au Vatican? Des affaires troubles en passe de renverser la gouvernance du Saint-Siège? De quoi déstabiliser le trône de Saint-Pierre lui-même? Des trahisons dignes du temps des Borgia? Une crise du pouvoir remettant en cause la collégialité épiscopale? Un peu tout cela à la fois… L’autre jour, en apprenant quasiment coup sur coup l’éviction de deux des plus proches collaborateurs de Benoît XVI, d’abord celle du directeur de la (fameuse et sulfureuse) banque du Vatican, puis celle du majordome du pape, notre première réaction fut immédiate: nous nous sommes sitôt replongés dans la lecture d’une des biographies de Joseph Ratzinger, âgé de plus quatre-vingt-cinq ans, comme si l’annonce d’un nouveau concile se préparait dans l’allégresse et la crainte d’un grand changement… À la lecture des faits, non sans avoir consulté au préalable quelques amis bien placés du côté du divin, notre emballement ne fut pas contrarié. En effet, ce serait mal connaître les us et coutumes vaticanesques, et plus globalement des institutions romaines, de croire que la situation actuelle ne serait la conséquence que de quelques intrigants isolés prêts à des fourberies sans lendemain. Non.
Crise. Que se passe-t-il réellement au Vatican? Des affaires troubles en passe de renverser la gouvernance du Saint-Siège? De quoi déstabiliser le trône de Saint-Pierre lui-même? Des trahisons dignes du temps des Borgia? Une crise du pouvoir remettant en cause la collégialité épiscopale? Un peu tout cela à la fois… L’autre jour, en apprenant quasiment coup sur coup l’éviction de deux des plus proches collaborateurs de Benoît XVI, d’abord celle du directeur de la (fameuse et sulfureuse) banque du Vatican, puis celle du majordome du pape, notre première réaction fut immédiate: nous nous sommes sitôt replongés dans la lecture d’une des biographies de Joseph Ratzinger, âgé de plus quatre-vingt-cinq ans, comme si l’annonce d’un nouveau concile se préparait dans l’allégresse et la crainte d’un grand changement… À la lecture des faits, non sans avoir consulté au préalable quelques amis bien placés du côté du divin, notre emballement ne fut pas contrarié. En effet, ce serait mal connaître les us et coutumes vaticanesques, et plus globalement des institutions romaines, de croire que la situation actuelle ne serait la conséquence que de quelques intrigants isolés prêts à des fourberies sans lendemain. Non.
dimanche 10 février 2013
Diagnostic(s): le vieil homme et l'amer
Quand un diplomate à la longue expérience politique s'interroge sur le "moment socialiste". Et se souvient du jeune Normal Ier...
Diplomate. Quelque chose de singulier dans le timbre de sa voix. Comme un éraillement, une sourde inquiétude, que masque mal l’assurance verbale qui pointe malgré tout derrière la lassitude. Même depuis son appartement parisien, à deux pas de la Bastille, le vieux diplomate, compagnon de route assez distant de Normal Ier, éprouve l’envie de parcourir le monde à la lueur des phrases, s’inventant quelque quête propre à raviver sa flamme de nouveau-monde, irrésistiblement attiré par la conscience agrandie du cercle des yeux morts et de cette rage des oubliés qui fait éclore la foudre. De temps à autre, le Quai d’Orsay le missionne encore ici et là, profitant de ses connaissances sud-européennes et nord-africaines, de ses compétences historiques et de son carnet d’adresses toujours impressionnant. «Quand je pense que j’ai eu Normal Ier en stage à Alger, à la fin des années soixante-dix, alors qu’il était encore à l’ENA, je me dis qu’il a fait du chemin, confesse-t-il. Quand j’ai vu son discours au Mali, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à ce jeune avec ses grosses lunettes qui, à l’époque, attablé à une terrasse d’un café d’Alger, me demandait s’il devait “devenir giscardien” ou s’il devait ”rester socialiste”. Je pense qu’il testait déjà ma loyauté. Contrairement à Ségolène, il n’a jamais aimé Mitterrand. Mais il avait toutefois un point commun avec lui: leur “socialisme” n’est qu’un socialisme d’emprunt, par défaut.»
Normal Ier a été jeune. |
mardi 5 février 2013
Qu'est donc la liberté sans l'égalité?
Quand un conseiller de Matignon s'épanche et parle de la "question sociétale" comme roue de secours...
Aveux. Les controverses et les sentences lapidaires débordent souvent des cadres préétablis. Il faisait nuit noire, l’autre soir, quand, attablés en plein Paris à l’une de ces terrasses chauffées qui tiennent lieu de dépaysement à elles seules, l’un des conseillers de Matignon se désinhiba un peu à la faveur de quelques verres de saint-joseph. En toute amitié certes, l’homme était quand même là pour le service avant-vente de quelques grands dossiers bientôt traités par le gouvernement. Mais soudain, comme poussé par une force qui le dépassait, il déclara: «Nous sommes dans un grand moment de troubles idéologiques. Pour dire les choses, je crois que nous sommes dominés, dans la gauche gouvernementale, par ceux qui ne jurent que par l’épanouissement individuel et craignent en permanence de voir ressurgir le spectre d’octobre 1917 ou de je ne sais quelle révolution dès qu’on leur parle de collectif ou de lutte des classes.» Étonnés par les mots de notre interlocuteur, plus prompt d’ordinaire à valoriser le moindre consensus qu’à étaler ses propres états d’âme, nous voulions alors comprendre la genèse de son propos. Cuisiné en douceur, il avoua : «Une partie de la gauche est devenue libérale et libertaire. Curieux mélange en vérité, non ? Ce n’est plus par la séparation des pouvoirs qu’elle compte garantir les libertés, mais par l’abolition même des relations de pouvoir et par l’extension infinie selon laquelle chacun de nos désirs s’accompagnerait du droit inaliénable à être satisfait.»
Aveux. Les controverses et les sentences lapidaires débordent souvent des cadres préétablis. Il faisait nuit noire, l’autre soir, quand, attablés en plein Paris à l’une de ces terrasses chauffées qui tiennent lieu de dépaysement à elles seules, l’un des conseillers de Matignon se désinhiba un peu à la faveur de quelques verres de saint-joseph. En toute amitié certes, l’homme était quand même là pour le service avant-vente de quelques grands dossiers bientôt traités par le gouvernement. Mais soudain, comme poussé par une force qui le dépassait, il déclara: «Nous sommes dans un grand moment de troubles idéologiques. Pour dire les choses, je crois que nous sommes dominés, dans la gauche gouvernementale, par ceux qui ne jurent que par l’épanouissement individuel et craignent en permanence de voir ressurgir le spectre d’octobre 1917 ou de je ne sais quelle révolution dès qu’on leur parle de collectif ou de lutte des classes.» Étonnés par les mots de notre interlocuteur, plus prompt d’ordinaire à valoriser le moindre consensus qu’à étaler ses propres états d’âme, nous voulions alors comprendre la genèse de son propos. Cuisiné en douceur, il avoua : «Une partie de la gauche est devenue libérale et libertaire. Curieux mélange en vérité, non ? Ce n’est plus par la séparation des pouvoirs qu’elle compte garantir les libertés, mais par l’abolition même des relations de pouvoir et par l’extension infinie selon laquelle chacun de nos désirs s’accompagnerait du droit inaliénable à être satisfait.»
samedi 2 février 2013
Catacombe(s): la leçon de littérature de Régis Debray
Le philosophe et médiologue revisite quelques grands écrivains. Ou comment vouloir être Chateaubriand ou rien...
Debray. Quelque chose de mystérieux et pourtant d’irrépressible flotte dans notre époque comme un rappel au temps métronomique. Ce tic-tac, lent et paisible, convoque en nous d’élégiaques aventures que nous nous remémorons par grand froid, préservés des absurdités du réel par les souvenirs ironiques de nos songes funambulesques. Pour les chasseurs d’impensé que nous sommes restés, maltraitant les dogmes et s’accommodant des doutes, nous nous demandons sans relâche, moins par nostalgie que par vanité: mais qu’est-ce que notre monde nous dit, en ce moment, et quel récit mémorable laissera-t-il en héritage? Face à cette interrogation majuscule, Régis Debray apporte une réponse monumentale dans son dernier livre, "Modernes catacombes" (Gallimard), dont le titre, non moins magistral, peut prêter à confusion. Dans ce recueil rassemblant divers articles, préfaces et conférences, échelonnés de 1994 à 2012, le philosophe et médiologue ne sonde pas l’ici-maintenant en décrivant le monde tel qu’il est, mais se plonge dans les œuvres de quelques écrivains sous la forme d’«Hommages à la France littéraire», comme le suggère le sous-titre du livre. Des impressions de lecture et des critiques d’auteurs. Des textes du passé, en somme. Et pourtant, croyez-nous, dans ce parcours subjectif en littérature, les mots du philosophe savent de notre époque des choses que nous ignorons d’elle.
Debray. Quelque chose de mystérieux et pourtant d’irrépressible flotte dans notre époque comme un rappel au temps métronomique. Ce tic-tac, lent et paisible, convoque en nous d’élégiaques aventures que nous nous remémorons par grand froid, préservés des absurdités du réel par les souvenirs ironiques de nos songes funambulesques. Pour les chasseurs d’impensé que nous sommes restés, maltraitant les dogmes et s’accommodant des doutes, nous nous demandons sans relâche, moins par nostalgie que par vanité: mais qu’est-ce que notre monde nous dit, en ce moment, et quel récit mémorable laissera-t-il en héritage? Face à cette interrogation majuscule, Régis Debray apporte une réponse monumentale dans son dernier livre, "Modernes catacombes" (Gallimard), dont le titre, non moins magistral, peut prêter à confusion. Dans ce recueil rassemblant divers articles, préfaces et conférences, échelonnés de 1994 à 2012, le philosophe et médiologue ne sonde pas l’ici-maintenant en décrivant le monde tel qu’il est, mais se plonge dans les œuvres de quelques écrivains sous la forme d’«Hommages à la France littéraire», comme le suggère le sous-titre du livre. Des impressions de lecture et des critiques d’auteurs. Des textes du passé, en somme. Et pourtant, croyez-nous, dans ce parcours subjectif en littérature, les mots du philosophe savent de notre époque des choses que nous ignorons d’elle.
vendredi 1 février 2013
Le corps d’or, nouvelle idole?
Article invité : par Cynthia Fleury, philosophe.
La société a bel et bien manqué la divinisation du corps, même si elle donne l’apparence du contraire. (*)
«Répondez par oui ou par non, demande Oprah Winfrey. Avez-vous pris des substances pour améliorer vos performances? EPO (érythropoïétine)? Transfusion sanguine? D’autres substances telles que la cortisone et la testostérone? Avez-vous pris ces substances lors des sept Tours de France?» À toutes ces questions, Lance Armstrong a répondu oui. C’était sa première interview depuis qu’il a été officiellement déchu de ses sept victoires sur le Tour de France (1999-2005) et radié à vie après que l’Agence américaine antidopage (Usada) l’eut accusé d’avoir activement participé au «programme de dopage le plus sophistiqué jamais vu dans l’histoire du sport» au sein de l’équipe US Postal. Réagissant aux aveux, le président de l’Agence américaine antidopage, Travis Tygart, a simplement estimé que l’ex-champion avait fait «un petit pas dans la bonne direction», en ayant «finalement reconnu que sa carrière était bâtie sur un puissant mélange de dopage et de tromperie». Chacun attend qu’il témoigne désormais sous serment de l’ampleur complète de ses activités de dopage.
La société a bel et bien manqué la divinisation du corps, même si elle donne l’apparence du contraire. (*)
«Répondez par oui ou par non, demande Oprah Winfrey. Avez-vous pris des substances pour améliorer vos performances? EPO (érythropoïétine)? Transfusion sanguine? D’autres substances telles que la cortisone et la testostérone? Avez-vous pris ces substances lors des sept Tours de France?» À toutes ces questions, Lance Armstrong a répondu oui. C’était sa première interview depuis qu’il a été officiellement déchu de ses sept victoires sur le Tour de France (1999-2005) et radié à vie après que l’Agence américaine antidopage (Usada) l’eut accusé d’avoir activement participé au «programme de dopage le plus sophistiqué jamais vu dans l’histoire du sport» au sein de l’équipe US Postal. Réagissant aux aveux, le président de l’Agence américaine antidopage, Travis Tygart, a simplement estimé que l’ex-champion avait fait «un petit pas dans la bonne direction», en ayant «finalement reconnu que sa carrière était bâtie sur un puissant mélange de dopage et de tromperie». Chacun attend qu’il témoigne désormais sous serment de l’ampleur complète de ses activités de dopage.
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