mardi 26 janvier 2016

Fonction publique: au bien commun

Le pouvoir d’achat des fonctionnaires a subi une perte de 9% en moyenne. Maltraités et déconsidérés, ils en ont ras-le-bol.
 
Vilipendés par les éditocrates dans tous les arcanes de la médiacratie, spoliés par les politiques gouvernementales jusqu’à l’épuisement même des rhétoriques verbales, les agents de la fonction publique n’en peuvent plus et, dans un mélange de ras-le-bol et de colère sourde, se sont retrouvés, hier, acteurs d’une journée d’action qui en dit long sur l’ampleur du divorce et de leurs ressentiments à l’égard du pouvoir. Qui sait ce que vivent vraiment nos fonctionnaires? Qui en parle avec sincérité et vérité, deux usages du langage nécessaire à la bonne compréhension du monde réel? Qui ose dire à quel point ces liges de la République se sentent maltraités et déconsidérés? Et qui réclame pour eux un minimum de justice, sachant que leur situation salariale s’est dégradée tant et tant ces dernières années qu’elle devient inégalitaire, sinon explosive? N’en déplaise aux menteurs, qui ne manquent pas pour exprimer leur haine de l’esprit même des services publics, les chiffres parlent: la valeur du point d’indice des fonctionnaires a décroché de 7% par rapport à l’indice de la consommation, tandis que, parallèlement, les cotisations retraite ont, elles, augmenté de 2% depuis cinq ans. Le calcul est donc simple et éloquent: le pouvoir d’achat dans la fonction publique a subi une perte de 9% en moyenne. 

En plein chaos social, d’ubérisation et de macronisation, d’agitation durable au sein de l’éducation nationale, où la mobilisation fut forte, hier, et dans les conditions d’un libéralisme idéologique repoussant les frontières de l’inacceptable, de quelle société voulons-nous? Il y a peu, le ministre de l’Économie dénonçait le statut de ces agents, qui ne serait «plus adapté au monde tel qu’il va» et «surtout plus justifiable», renonçant ainsi à toute construction raisonnable, finalisée autour de valeurs historiquement fondées, solidement ancrée dans un État de droit expérimenté, servie par des agents publics compétents, traditionnellement attachés au bien commun, héritiers et piliers du pacte républicain. L’affaire, qui concerne 5,6 millions de personnes, est éminemment politique. Et symbolise, elle aussi, l’atrophie des choix sociaux.

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 27 janvier 2016.]

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