La ministre du Travail a réalisé en 2013 une plus-value de 1,13 million d'euros sur ses stock-options en tant que dirigeante de Danone, profitant de la flambée en bourse qui a suivi l'annonce de 900 suppressions d'emplois du groupe en Europe...
C’est vieux comme le capitalisme: les spéculateurs aiment l’exploitation. L’exploitation des salarié(e)s. Depuis l’industrialisation de notre vieille Europe, les noms des maîtres œuvrant pour l’universelle vindicte patronale ne manquent pas. Ils s’accumulent sur une longue liste noire. Ce sont des noms de coupables, qui agissent souvent sans bruit mais qui, comme les machines, dans leur engrenage, dans leurs laminoirs, prennent les femmes et les hommes criant, tandis qu’eux, c’est en silence qu’ils les broient. Un nom vient de s’ajouter à cette triste liste. Celui de Muriel Pénicaud.
Les révélations que nous publions risquent de secouer la ministre du Travail. Non pour d’éventuelles raisons judiciaires, puisque les faits «sont légaux», nous rétorquera-t-on. Mais bien pour des questions politiques. Et morales. Voyez-vous, avant d’être nommée par Macron au gouvernement, Mme Pénicaud était directrice générale des ressources humaines chez Danone. Beaucoup louent d’ailleurs son passage chez le leader mondial des produits laitiers. Comment réagiront-ils à la lecture de l’Humanité? Car selon les comptes officiels de l’entreprise pour l’année 2013, que nous avons consultés, Mme Pénicaud a réalisé plus d’un million d’euros de plus-values boursières, par un simple jeu d’écritures, en une seule journée! Et pas dans n’importe quelles circonstances. Quand croyez-vous qu’elle décida de revendre une partie de son paquet de stock-options de chez Danone? Le 30 avril 2013, jour où elle exploita une spectaculaire remontée de l’action… juste après l’annonce de 900 suppressions d’emplois. Les restructurations, ça plaît à la Bourse et ça rapporte aux puissants. Résultat de ce coup digne des maîtres des forges: un profit immédiat de 1,1 millions d’euros!
Souvent, la responsabilité meurtrière des financiers se dérobe, s’évanouit dans une sorte d’obscurité. La voici en pleine lumière. L’ex-boursicoteuse peut-elle «moralement» conduire la casse du Code du Travail, l’aménagement du CDI version Medef, la dérégulation du CDD, etc.? Osera-t-elle encore affirmer que faciliter les licenciements s’avèrera bénéfique à l’emploi, donc aux salarié(e)s ? En somme, Muriel Pénicaud est-elle encore digne du titre de ministre «du Travail»?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 27 juillet 2017.]
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