Et le Vélodrome redevînt un antre cycliste.
Et Chris Froome se succéda à lui-même.
Et Romain Bardet sauva sa place sur le podium d’une toute
petite seconde…
Trois phrases suffisaient à résumer un samedi de Tour à
Marseille, qui accueillait un contre-la-montre inédit (22,5 km) comme ultime temps
fort d’une édition ambivalente. Le tracé de ce chrono, plutôt prestigieux dans
la cité phocéenne, partait du Vélodrome, longeait le littoral par la corniche, contournait
le Vieux-Port avant un demi-tour au niveau du MuCEM (Musée des civilisations d'Europe
et de la Méditerranée), puis il offrait une grimpette brutale, par la montée de
la Bonne Mère (1200 m à 9,5 %), jusqu'à Notre-Dame de la Garde, pour enfin redescendre
vers la mer et revenir sur le boulevard Michelet, retour au Vélodrome. Imaginez
un peu. Le climat était même au rendez-vous, beau et chaud (30°C). Et pourtant,
autant le dire crûment, avant toute autre considération: ce fut un échec!
Le chronicoeur ne parle pas là de la course. Encore que le
parcours en lui-même mériterait un examen critique inventorié dans la mesure où
il ressemblait plus à un prologue qu’à un exercice de puissance. Non, le
chronicoeur évoque le succès populaire attendu, qui ne fut pas, mais pas du
tout au rendez-vous! Les organisateurs attendaient plus de 60000
personnes dans le Vélodrome: celui-ci était au deux-tiers vide. Quant aux
bords des routes, ceints sur leur totalité d’une double haie de barrières, la
foule se devinait à peine dans les longues lignes droites, et la seule
concentration de spectateurs se vit – dieu merci! – dans la côte de Notre-Dame
de la Garde. Avec Marseille, qui hélas reçoit trop rarement la Grande Boucle, nous
imaginions vivre une sorte d’apothéose à la veille des Champs-Elysées. Notre tristesse
fut au moins à la hauteur de notre attente.
Mais revenons à la course.
D’abord du côté de l’Histoire. Ce contre-la-montre, qui faisait donc office de
dernière explication entre les favoris pour le titre, ne laissa finalement pas l'ombre
d'un doute. Mais qui y croyait vraiment? Chris Froome (Sky), sans trop
trembler, resta l’intouchable du Tour.
Le leader des Sky profita même du court
tracé pour facilement augmenter son avance sur ses compagnons de podium,
échouant à s'imposer dans l’étape pour six secondes, derrière son coéquipier
Michal Kwiatkowski et Maciej Bodnar (Bora), le vainqueur du jour. En
franchissant la ligne d’arrivée au Vélodrome, le Britannique entra ainsi dans
une nouvelle dimension que seule l’Histoire, donc, la grande Histoire du vélo,
lui conférera officiellement, dès demain, à Paris. Il deviendra en effet le
seul quadruple vainqueur de l’épreuve, derrière la bande des quatre quintuplés,
Anquetil, Merckx, Hinault et Indurain (1).
Sans doute Chris
Froome n’avait-il jamais réalisé si clairement, que ce samedi 22 juillet, cette vertu de la
victoire, jusque dans sa difficulté. Jamais n’avait-il craint comme cette année
ce brusque dévoilement de la réalité. Car il va encore et encore triompher en
jaune, mais cette fois sans avoir gagné une seule étape. D’aucun, comme
Hinault, grandissent en s’arrachant dans les grimaces au sol de leur enfance. Lui,
empile les années et les triomphes en jaune dans l’ardeur d’une domination
calculée, maîtrisée, avec de la souffrance, certes, mais toujours avec cette impression
de n’entrevoir rien de grave - sinon la victoire. Drôle de champion. Drôle d’exception.
Drôle de champion d’exception…
Et que dire, par ailleurs, de la détresse de Romain Bardet? Sur
une distance aussi brève, l’une des images du jour fut pour le moins
saisissante. Bien sûr, nous vîmes dès le début que le Français n’était pas dans le bon tempo, que les premiers temps
intermédiaires s’avéraient cruels et qu’il traînait sa peine, harnaché à sa
machine, luttant contre elle, dans la très difficile ascension vers Notre-Dame
de la Garde. Mais quand, à l’approche du dernier kilomètre, nous l’aperçûmes à
une centaine de mètres (à peine) devant Chris Froome, alors qu’il était parti
deux minutes derrière lui, nous crûmes que l’humiliation suprême – être dépassé
– allait se produire avant la ligne d’arrivée. Bonne Mère, ce ne fut pas le cas !
Mais d’un rien, d’un souffle, bref, de quelques mètres... Ce qui, entre
parenthèses, ne changea rien au destin de Bardet: crédité d'un
chrono très moyen, il céda la deuxième place du classement général au Colombien
Rigoberto Uran… et sauva sa troisième place d'extrême justesse, l'Espagnol
Mikel Landa, le lieutenant de Froome en montagne, venant échouer à 1 seconde du
Français... Exténué après le chrono, bras ballants, Bardet lâcha quelques mots d’une
voix déjà éteinte. «Je suis à bout, je
suis fatigué, expliqua-t-il. J’ai
rapidement vu que je n’étais pas dans le match. Je ne me suis pas senti
bien au réveil. C’était délicat. J’ai pensé à mes équipiers, aux gens qui me
soutiennent, je n’avais pas le droit de baisser les bras. »
Sur ce Tour, il était décidément écrit qu’on conjuguerait
les secondes à tous les temps, jusqu’au bout. L’une d’elles est restée favorable
à Bardet. Trois semaines pour une seconde…
Ah! une dernière chose. A vingt-quatre heures des Champs-Elysées, le Français Warren Barguil, porteur du maillot à pois du meilleur grimpeur et vainqueur de deux étapes, a été désigné «coureur le plus combatif du Tour de France 2017», par le jury présidé par le directeur de course Thierry Gouvenou, avec, entre autre, l'ancien champion américain Greg LeMond pour invité d'honneur. Voilà une récompense «secondaire», mais que nous jugeons bien méritée. Au cœur de cet après-midi qui ménagea un suspens-sans-suspens, Barguil eut d’ailleurs l’une des rares attitudes «vraies» de la journée, très précisément lorsqu’il pénétra à l’intérieur du Vélodrome pour y achever son exercice en solitaire. Avant de franchir la ligne d’arrivée, il leva la tête, un éclatant sourire à ses lèvres. Puis il s’arrêta quasiment de pédaler, il salua ses supporters, comme s’il voulait savourer l’instant présent et ne rien gâcher. Ce geste ne valait pas grand-chose, mais il était gonflé. Et sincère.
Certains diront qu’on se contente de peu, mais le chronicoeur apprécia.
(1) Rappelons à toutes fins utiles, que Lance Armstrong a été déchu de ses sept succès dans la Grande Boucle, entre 1999 et 2005…
Ah! une dernière chose. A vingt-quatre heures des Champs-Elysées, le Français Warren Barguil, porteur du maillot à pois du meilleur grimpeur et vainqueur de deux étapes, a été désigné «coureur le plus combatif du Tour de France 2017», par le jury présidé par le directeur de course Thierry Gouvenou, avec, entre autre, l'ancien champion américain Greg LeMond pour invité d'honneur. Voilà une récompense «secondaire», mais que nous jugeons bien méritée. Au cœur de cet après-midi qui ménagea un suspens-sans-suspens, Barguil eut d’ailleurs l’une des rares attitudes «vraies» de la journée, très précisément lorsqu’il pénétra à l’intérieur du Vélodrome pour y achever son exercice en solitaire. Avant de franchir la ligne d’arrivée, il leva la tête, un éclatant sourire à ses lèvres. Puis il s’arrêta quasiment de pédaler, il salua ses supporters, comme s’il voulait savourer l’instant présent et ne rien gâcher. Ce geste ne valait pas grand-chose, mais il était gonflé. Et sincère.
Certains diront qu’on se contente de peu, mais le chronicoeur apprécia.
(1) Rappelons à toutes fins utiles, que Lance Armstrong a été déchu de ses sept succès dans la Grande Boucle, entre 1999 et 2005…
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