lundi 11 juillet 2011

Fait(s) : visibilité et invisibilité de l'affaire DSK...

DSK. Curieuse époque tout de même. Emportés plus que jamais par les tourbillons fous de la tornade «révolution informationnelle» au sein de laquelle tweeter et tchater du matin au soir deviennent la norme communément admise par tous les communicants experts es googlisme, une petite leçon de journalisme élémentaire vient de se rappeler, insidieusement, à notre bon souvenir… Consommateurs que nous sommes d’informations digérées «à la minute» et sur-commentées «dans l’heure», demeure en effet une règle immuable de notre vieux métier de scribe de l’actualité : le recoupement des faits, l’enquête et, lorsqu’il y a entrave à l’information, la prudence… Coluche n’avait pas tort : «Quand on en sait autant que ça, on ferme sa gueule!»

Confusion. Voilà à peu près ce à quoi nous pensions, il y a tout juste une semaine, devant l’évolution stupéfiante de l’«affaire DSK». Notre malaise diffus et sournois, déjà ressenti depuis des semaines, venait de prendre une dimension presque métaphysique. Autant l’avouer: ce qui fascine dans toute cette aventure strauss-kahnienne, et ce qui entrechoque notre esprit littéraire, c’est la collusion frontale entre fiction et réalité. Soyons précis. Nous n’écrivons pas là qu’une « certaine » vérité ne puisse jamais éclater. Non, nous affirmons que «la» vérité, la vraie la seule, elle, restera probablement tapie dans l’ombre de la suite numéro 2806 du Sofitel de New York. Jamais sans doute ne seront établis les faits avec exactitude – ces fameux «faits» par lesquels nous quittons la fiction… Rendons-nous à la raison : jamais nous n’aurons de version officielle concernant la question du consentement supposé de Nafissatou Diallo aux rapports sexuels avec DSK. Rien, sur ce sujet pourtant essentiel, ne sera donc tranché. Dominique Strauss-Kahn le sait désormais. La vérité judiciaire va le rendre totalement innocenté des faits dont il est accusé, non pas parce que ces faits n’auraient pas eu lieu, mais parce que la victime présumée est maintenant hors d’état de faire valoir sa bonne foi. Car voyez-vous, devant un tribunal états-unien on ne peut être complice de dealers et avide de monnayer son malheur, tout en étant réellement victime de violences sexuelles… D’ailleurs, que cela plaise ou non, les révélations en cascade qui accablent la plaignante ne proviennent pas de l’armada de détectives engagés par la défense de DSK à coups de centaines de milliers de dollars, mais bel et bien des investigations menées par les services du procureur eux-mêmes, ce qui, reconnaissons-le, leur confère une importante crédibilité… Dès lors, les images se sont bousculées dans nos têtes. Celles de l’ex-directeur du FMI menotté, puis en prison, trimballé çà et là au gré des procédures. Nous avons repensé aux commentaires des uns. Et puis des autres. Ceux évoquant l’omerta française sur la morale en politique et le machisme névrotique d’une majorité de la gent masculine en politique. Ceux ripolinant un discours conservateur de bonne morale. Ceux, enfin, s’immisçant jusque dans les chambres de nos élus, voulant tout régenter, la vie maritale et les à-côtés… Grand écart. Confusion. Nausée.

Classes. Une autre curiosité vécue durant des semaines doit être signalée. Avez-vous remarqué que, à propos de Nafissatou Diallo, nous avons connu une espèce d’invisibilité de sa personne, mais par contre beaucoup de récits, des récits fleuves, des récits sans faille, de l’hagiographique… Ce fut tout le contraire avec DSK. Une visibilité totale, à la limite de l’exhibition contrainte, du lynchage médiatique et de l’atteinte à la présomption d’innocence, mais aucun récit, absolument aucun, ni de ses avocats, ni de lui, ni de personne. Doit-on en tirer mécaniquement une conclusion, à savoir que de nombreux grands médias, quels qu’ils soient, manquent passablement de rigueur? À ce propos. Qui oserait aujourd’hui poser cette question: que Nafissatou Diallo soit liée à un trafiquant de drogue, qu'elle ait menti sur certains points et qu'elle soit pauvre prouve-t-il que DSK est innocent? Qui osera répondre «oui» ou «non»? Nouer des amitiés avec des personnes peu fréquentables suffit-il à vous disqualifier définitivement? Une délinquante ou une mythomane peut-elle être quand même victime d’une agression sexuelle? Interrogeons-nous un instant. N’est-ce pas le New York Times lui-même, qui, à un mois d’intervalle, dressa d’abord le portrait élogieux d’une immigrée irréprochable et courageuse, puis, dans une volte-face spectaculaire, révéla finalement la personnalité obscure de celle qui avait été sanctifiée? Quel retournement. Quelle rapidité. Et au fond quel mépris de classe… Alors? Réfléchissons bien, dorénavant, avant de tremper notre plume dans l’encrier des vanités. Et, de grâce, laissons de côté les différentes théories du complot. Le but d’un complot, c’est de tendre un piège. Or, s’il y eut bien piège, encore fallait-il que la victime soit tombée dedans. Non?


[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 8 juillet.]
 
(A plus tard...)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Effectivement dans cette lamentable affaire tous les protagonistes y ont perdu en crédibilité...on y a vu sans cesse des images relevant d'un mauvais film tel qu'il sortira dans quelques années sur ce triste évènement....: une femme censée représenter la justice US souriant sans cesse lors de la première audience comme une starlette de ciné, on y a pas vu une femme de ménage, on y a vu un DSK débraillé (atteinte à sa dignité) qui de manière incompréhensible d'après la presse français à qui il se serait confié peu de temps auparavant craignait un complot impliquant des femmes mais n'organisait pas sa protection sachant cela, une mystérieuse maîtresse censée apparaître en pleine nuit sur les bandes vidéo de l'hôtel, etc...etc...tout cela sent le mauvais vaudeville, le fantasme planétaire et le mensonge généralisé. L'état de dénuement dans lequel vivent des millions d'américains et de français mérite mieux que ce grand barnum sordide...les images des pays FRANCE ET US en sortent grandement ternies. PAT