samedi 30 avril 2016

Ecrivain(s): connaissez-vous Yvon Le Men?

Le poète, aussi, est une définition de la littérature.

Numérique. Les rencontres littéraires parisiennes ont ceci d’intéressant qu’elles dispensent la plupart du temps des rencontres prévisibles, à l’instar de ces voyages organisés qui consentent à l’ordinaire des petits riens qui composent soi-disant une existence exaltante. L’autre jour, une auteure plutôt talentueuse et pourtant médiatique s’interrogeait, en mode provoquant: «L’écrivain est une “espèce” qui ne se définit pas, qui n’existe pas.» Et elle poursuivait: «L’écrivain est caractéristique de l’épicentre de la dialectique de reconnaissance. Pour que son “œuvre” soit éventuellement reconnue comme “littéraire”, elle doit être au moins publiée. Mais si elle devient publique, elle se doit d’être “reconnue”. Or, une qualité littéraire supposée ne dépend pas des lecteurs et encore moins de “ses” lecteurs.» Ainsi semble-t-il délicat de déterminer précisément ce qu’est l’écrivain, sans parler de sa fonction sociale qui ne s’inscrit pas mécaniquement dans la société comme l’un de ses rouages. D’ailleurs, un très bon livre –voire un chef-d’œuvre– peuvent très bien ne pas être écrits. En somme, personne ne l’attend. Sauf l’auteur. Et, éventuellement, un éditeur. Le dilemme paraît donc fracassant pour qui s’y exerce. Au moins pour une raison: la définition même de l’écrivain n’est-elle pas que, a priori, celui-ci n’écrit jamais par défaut? À partir de ce raisonnement, une question alors se pose: et les livres dans tout ça? Et même une question plus dérangeante par les temps qui courent: et les poètes dans tout ça?
 
Poésie. Connaissez-vous Yvon Le Men? Ici même dans cette chronique, nous avions narré sa mésaventure avec Pôle emploi (lire le bloc-notes du 3 octobre 2014), qui, en juillet 2013, avait lancé contre lui une procédure de contrôle alors qu’il bénéficiait du statut d’intermittent depuis 1986, avant d’être ni plus ni moins radié rétroactivement de ce régime et condamné à rembourser les indemnités perçues depuis 2010, soit 29 796 euros.

dimanche 24 avril 2016

Mouvement social: hier, aujourd’hui…

Comment les forces en lutte de 2016 peuvent-elles puiser dans celles du Front populaire de 1936…
 
Le trouble-fête, par définition, tombe toujours à point nommé en tant qu’intempestif, en une époque qui ne l’est sans doute plus assez et dont on voudrait nous laisser croire, par attitude rigide et péremptoire, qu’elle devrait rester figée dans un modèle libéral dogmatique. À la faveur, ces dernières semaines, d’une résurgence de contestations multiformes, ce que nous appelions jadis la «France sociale», souvent renvoyée dans un vaste musée d’antiquaille, s’invente avec le printemps un arrière-plan qui dessille les yeux. Car ses acteurs n’ont rien d’antiquaires. Ils connaissent même l’histoire dans laquelle puiser ce qui convient de l’être, comme source d’inspiration, à l’aune de ce qu’écrivait Marc Bloch: «Le proche passé est pour l’homme un commode écran; il lui cache les lointains de l’histoire et leurs possibilités de renouvellement.»
 
Ainsi en est-il de 1936 et du Front populaire, que la dernière Agora de l’Humanité, ce samedi, invitait à revisiter et à requalifier à la lumière de notre ici-et-maintenant, comme pour remettre le temps et ce qu’il nous a transmis à l’intérieur de ses gonds.

jeudi 21 avril 2016

Hamlet(s): ou proto-Hamlet ?

Quand l'écrivain Gérard Mordillat par sur les traces de Shakespeare. Un grand moment de lecture.
 
Mystère. To be or not to be… Qui ne connaît Hamlet? Qui n’a vu au moins une représentation théâtrale au fil de son existence scolaire ou d’adulte ou, plus rare, un film référencé (celui de Kenneth Branagh tenait la route), voire un documentaire quelconque narrant les us et coutumes du bon jeu d’acteur pour affronter ce monument? Qui n’a ouvert le texte, lu des scènes fabuleuses, hantés par des mots, des phrases qui ont transgressé des générations entières en réduisant leurs questionnements au miracle le plus précieux: l’universalité? «Le temps est disloqué. Ô destin maudit, Pourquoi suis-je né pour le remettre en placeOu encore: «Il faut que je sois cruel, rien que pour être humain. Commencement douloureux! Le pire est encore à venir.» Ce samedi, sachez-le, nous fêterons les quatre cents ans de la mort du plus célèbre William de l’histoire des hommes: Shakespeare. Derrière le nom de l’auteur indépassable en langue anglaise plane le mystère (absolu?) d’une vie aux zones d’ombre géniales et inégalables. Officiellement, nous ne disposons de lui que d’un seul portrait, et, paraît-il, que de quatorze mots écrits de sa main. Les biographes ne connaissent d’ailleurs pas sa date de naissance, mais celle de son baptême: le 26 avril 1564. Et de sa mort: le 23 avril 1616. Et encore, chacun digresse à l’infini sur le lieu avéré de son trépas… Sans parler de son œuvre elle-même, véritable coffre aux trésors où chacun peut se noyer tout entier sans jamais en épuiser les richesses.
 
Lectionnaire. À l’occasion du quatre centième anniversaire, rééditions, inédits, portraits et critiques fleurissent pour tenter de dresser le portrait de l’auteur du Roi Lear ou d’Othello –mais surtout d’Hamlet. À la faveur de cette production éditoriale plutôt abondante, suivez le conseil du bloc-noteur: procurez-vous de toute urgence le dernier opus de Gérard Mordillat, "Hamlet le vrai" (édition Grasset, 172 pages), et de grâce –surtout si vous êtes familier de la pièce!–, laissez-vous embarquer dans l’un des récits les plus fabuleux et savoureux de ces derniers temps.

mardi 19 avril 2016

CGT: ce qu'affiche révèle...

Une matraque et un insigne de CRS, près d’une flaque de sang, titrés: «La police doit protéger les citoyens et non les frapper.» Cela justifie-t-il autant de haine de classe?

Alors, tout est bon? Tout est permis et possible, sans frein ni mesure? Tout serait ainsi acceptable dans le débat public? La voilà donc, la France de 2016 dont quelques-uns des principaux hiérarques actuels de l’orthodoxie dominante se permettent d’utiliser le moindre prétexte pour tenter de dézinguer le plus vieux syndicat, qui a tant donné et œuvré pour l’existence même des droits sociaux et la consolidation de la dignité des plus faibles? Il aura suffi d’une affiche, volontairement provocante, pour qu’un véritable tir de masse s’abatte sur la CGT, dont le congrès, à Marseille, en gêne manifestement plus d’un… Ce qu’affiche révèle, tout de même! Et ce qu’elle dit, par effet miroir, de l’état de ceux qui croient nous dominer!
 
«Honteuse», «immonde», «abjecte»… Depuis hier matin, les adjectifs en forme de coups ne manquent pas –venant de la droite comme de la gauche d’ailleurs–, pour qualifier l’affiche diffusée par le syndicat Info’com de la CGT dénonçant les violences policières des dernières semaines.

vendredi 15 avril 2016

Carnivore(s): pourquoi cette violence faite aux animaux?

Chaque année, nous tuons 70 milliards de mammifères et d’oiseaux et 1 000 milliards d’animaux marins pour notre consommation. Notre rapport à la vie, à la mort et au vivant s’en trouve-t-il toutefois bouleversé?

Protéines. Pourquoi parler de cela, ici et maintenant? Pourquoi évoquer semblable sujet, quand tant d’autres, plus «importants», plus «essentiels», se bousculent et se disloquent dans les fracas de l’actualité? Pourquoi –mais enfin!– consacrer un peu de temps indispensable à d’autres tâches pour écrire, comme un vol dans la nuit, sur la violence faite aux animaux? Admettons volontiers que les nouvelles et récentes révélations de l’association L214, qui vient de mettre en évidence la pratique de traitements cruels dans un abattoir français, un de plus, n’y sont pas pour rien. Depuis des années, nous connaissons le discours dominant, qui consiste à n’accabler que le système agro-industriel (où les ouvriers, au passage, connaissent d’épouvantables conditions de travail) et son système d’«industrialisation de la mort» à des fins «pratiques», autrement dit pour nourrir la masse des citoyens que nous sommes. Sauf que lesdites révélations ne concernent en rien les filières industrielles, mais bien la «viande bio», vous savez, cette production «éthique» qui donne bonne conscience aux âmes sensibles et impose depuis quelques années un nouveau précepte que la petite bourgeoisie gnangnan bêle sur tous les tons, «la mort qui a du sens», s’exonérant d’une réflexion simple qui parcourt pourtant l’esprit des humains depuis au moins deux siècles: il n’y a pas de mort heureuse dans les abattoirs. D’où cette interrogation: d’où provient ce rapport pathologique de notre culture à l’animal, vulgaires protéines sur pattes?

jeudi 7 avril 2016

République(s): ce qui arrive...

Que se passe-t-il tous les jours, toutes les nuits, à Paris, place de la République?


Changement. «Ils pourront couper les fleurs, ils n’arrêteront pas le printemps.» Certaines phrases peuvent paraître éloquentes ou faussement poétiques à l’excès, mais elles disent parfois la volonté claire, affirmée, de celles qui marquent les esprits et témoignent d’un esprit combatif –par les temps qui courent, prenons-le pour tel. Que se passe-t-il du côté de la place de la République, à Paris, chaque soir, chaque nuit, à l’occasion du mouvement Nuit debout, dont les contours restent à définir, ce qui, en soi, ne constitue pas un problème. «Une nouvelle façon de faire de la politique est en train de naître», clame un participant. Quelques centaines de personnes investissent l’un des antres parisiens les plus emblématiques –surtout depuis les attentats de janvier 2015–, les réseaux sociaux relaient à juste titre, les références aux Indignés espagnols sautent aux yeux, et voilà que nos cœurs se gonflent, que nos espoirs se réveillent, dans le prolongement d’un mouvement social existant, celui contre la loi travail, tandis que nos rêves de convergences des luttes nous étreignent légitimement. Un autre dit, et entendons-le: «Le simple fait que des gens soient présents jusqu’à 4 heures du mat pour penser une nouvelle société est déjà une victoire.» Comment lui donner tort? Comment ne pas s’en réjouir? Comment ne pas imaginer mieux? Au fond, cela prouve une évidence qui parcourt toutes nos têtes de progressistes sachant planter nos ego-histoires en allant si possible à l’essentiel (entendez par là, l’intérêt général), car le temps presse: l’attente d’un changement radical est tellement puissante que la moindre flammèche nous donne des raisons d’y croire. Et vous savez quoi? Tant mieux!

Politique. Bien sûr, le miroir du temps inciterait plutôt le bloc-noteur à la rêverie, au pas de côté, mais les désarrois d’un promeneur solitaire n’ont rien pour retenir l’attention –et heureusement. Ce qui compte ici-et-maintenant, ce ne sont plus les souvenirs oiseux des uns et des autres, amertumés dans les illusions perdues, mais bien ce qu’affirmait l’autre soir l’économiste Frédéric Lordon, venu parler aux occupants de cette place de la République transformée en agora: «Il est possible qu’on soit en train de faire quelque chose.»

mardi 5 avril 2016

Panama Papers: Le Pen Connection

Pendant que Marine Le Pen dénonce à s’en époumoner «le pouvoir de nuisance de la finance mondialisée qui joue contre l’intérêt général», les comptables de son parti détournent de l’argent à l’étranger. Mensonges idéologiques. Mensonges financiers. Tout est dit.
 
Et au milieu de la fournaise du Panama Papers, qui éclaire d’un jour nouveau les mécanismes du casse mondial organisé entre puissants, et accessoirement combien cela coûte à nos sociétés maintenues sous l’éteignoir antisocial, voilà donc que nous découvrons –sans grande surprise pour ce qui nous concerne– les noms de quelques amis du clan Le Pen, que le Monde qualifie d’«experts en paradis fiscaux». Et c’est peu dire. Le Consortium international de journalistes d’investigation (ICI) a permis de mettre au jour un système ultra-sophistiqué de dissimulation d’avoirs financiers, organisé dans des centres offshore d’Asie et des Caraïbes «par le premier cercle de fidèles de la présidente du Front national», précise le quotidien du soir, «pour sortir de l’argent de France au moyen de sociétés-écrans et de fausses factures». Les dossiers du cabinet panaméen Mossack Fonseca, qui ne constituent qu’une infime, très infime partie de la réalité de l’évasion fiscale à l’échelle planétaire, apportent également des éléments saisissants sur l’argent personnel de Jean-Marie Le Pen, dont un bout de la fortune aurait été planqué dans une opacité parfaitement ordonnée. Où l’on parle de billets, de titres, de lingots et de pièces d’or. À la faveur de ces révélations mondiales, les masques du conglomérat familial et de ses proches viennent de tomber!