mardi 4 avril 2023

Les prédateurs

L’accaparement des terres, une autre forme de colonialisme.         

Si l’accaparement des terres reste un phénomène historiquement lié à la colonisation, l’actuelle course folle aux surfaces cultivées se mêle directement aux structures nébuleuses du système financier international – soutenues, évidemment, par certains États dont beaucoup furent des colonisateurs. Jadis, des États s’appropriaient des territoires entiers et contraignaient les soumis à travailler au profit des intérêts occidentaux. De nos jours, les nouveaux maîtres siègent dans les grandes tours de verre des capitales de l’industrie financière et agricole internationale. Seule constante à travers les siècles: les populations locales et la nature en subissent toujours les conséquences.

Au nom du «libéralisme économique», les prédateurs de la haute finance du capitalisme globalisé ont inventé une autre forme de colonialisme. L’accaparement des terres conduit à la faim, à la pauvreté et à la violence. Plus de la moitié des transactions foncières concernent des terres cultivables ancestrales, sur lesquelles des monocultures destinées à l’export viennent remplacer les cultures vivrières des habitants, qui perdent ainsi leur sécurité alimentaire. Qu’importe les droits humains et l’environnement. Car, contrairement aux mensonges des spoliateurs, les monocultures sacrifient des forêts, libérant du CO2 dans l’atmosphère et détruisant la biodiversité. Double avantage pour ces «investisseurs» sans scrupule: ils profitent d’abord de la vente du bois, puis de la culture de palmiers à huile, de soja, de canne à sucre, de coton, etc.

Encouragés par les pays industrialisés et les institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI, OMC, FAO), les fonds agricoles de grandes banques, les compagnies d’assurances, les fonds spéculatifs, les fonds de pension et les multinationales tirent bénéfice de la vente au rabais des ressources naturelles et des terres, qui, depuis vingt ans, concerne environ 300 millions d’hectares sur la planète, soit une zone plus vaste que toute la surface agricole utile d’Europe. Les pays du Sud sont bien sûr les plus frappés, singulièrement l’Afrique: 60% des grands investissements mondiaux dans l’agriculture industrielle concernent ce continent…

[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 4 avril 2023.]

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