vendredi 8 août 2014

8 août 1914: la Russie pré-révolutionnaire entre dans une guerre qui cherche encore son nom…

(La Grande Guerre, les débuts - 5/5) Joseph Joffre, chef d’état-major, comprend que l’offensive vers Mulhouse est sur le point d’échouer. L’armée devra tôt ou tard se replier « de la Somme aux Vosges ». Les Russes entrent dans le conflit par une offensive. Lénine prépare la Révolution. Les écrivains s’en mêlent.

Mulhouse.
En apparence, les informations qui s’égrènent sous ses yeux s’avèrent contradictoires. Dans le halo d’une lumière jaunie par l’incandescence déclinante des bougies, Joseph Joffre a compris. Nous sommes au petit matin du 8 août 1914 et le chef d’état-major, dans le bureau de son QG installé à Vitry-le-François, en Champagne-Ardenne, n’a quasiment pas dormi. Il farfouille dans sa moustache machinalement, tirant sur ses poils blancs comme pour les arracher un à un. Lui sait que l’offensive vers Mulhouse est sur le point d’échouer. Les comptes-rendus militaires, formels, présentent un tableau assez pessimiste. Alors que l’opinion publique française est entretenue dans la conviction que leurs troupes tiennent la majeure partie du territoire belge, la réalité est plus sombre. Hormis Anvers, qui n’est pas encore occupée par les Allemands, tout le reste du pays va inexorablement tomber aux mains de l’ennemi. Pour Joffre, la Belgique est perdue. Toutes les forces devront se concentrer sur le territoire national.

Joseph Gallieni, qui sera bientôt nommé gouverneur militaire de Paris, puis ministre de la Guerre, commente avec sévérité les actes de son ancien subordonné. Pour lui, pas de doute, la capitale est déjà menacée, il faudra prochainement exiler le gouvernement à Bordeaux. Quant à l’armée, elle devra tôt ou tard se replier « de la Somme aux Vosges » pour défendre l’essentiel et bloquer les Allemands coûte que coûte.

jeudi 7 août 2014

7 août 1914 : l’offensive dans l’est est précaire, le contexte économique a changé…

(La Grande Guerre, les débuts - 4/5) Joffre a de quoi se réjouir. La ville alsacienne de Thann, qui était allemande depuis le traumatisme de 1870, vient d’être libérée par les troupes françaises. Mais l’offensive en Lorraine et en Belgique est bloquée. L’Europe a beaucoup évolué. Les industriels voulaient-ils la guerre?

A peine débutée, cette guerre sent déjà le chaos et le fer. Elle ne ressemble décidément à aucune autre. Au siège de l’état-major, où Joseph Joffre ne quitte plus son bureau, les généraux épluchent les rapports heure par heure, les lisent à haute voix, en décryptent les moindres allusions périphériques. Ils y découvrent des histoires de wagons moroses, la nuit, pour transporter les troupes, des premiers récits de visages blafards sous les lumières des lampes à pétrole, de groupes d’hommes rassemblés là où c’est possible, devant les maisons paysannes, dans les champs, dans des campements improvisés, dans le cœur de certaines villes où les places d’armes ont été réquisitionnées. Partout, les lourds souliers à clous résonnent sur les routes ou les chemins caillouteux, tandis que les hommes, à la moindre halte, mâchonnent du singe filandreux et du pain élastique. Quels que soient les lieux, les conditions de guerre sont identiques. D’abord l’attente, les recensements, les regroupements. Puis les premières escarmouches, au son des canons ennemis. Plus rarement des faces-à-faces au fusil, à la baïonnette.

En cette fin de matinée du 7 août 1914, Joffre a de quoi être réjoui. C’est officiel: la ville alsacienne de Thann, qui était allemande depuis le traumatisme de 1870, vient d’être libérée par les troupes françaises.

mercredi 6 août 2014

6 août 1914 : la France attaque dans l’est, l’artillerie lourde est insuffisante…

(La Grande Guerre, les débuts - 3/5) Les noms des premiers morts arrivent sur le bureau du président du Conseil, alors qu’une loi d’exception vient d’être adoptée en France : tout le pouvoir passe entre les mains des chefs militaires. C’est la suspension de l’Etat de droit. L’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Russie.

Troupes canadiennes à Mons, en Belgique.
Derrière la vitre entrebâillée, le président du Conseil jette un œil sur le ciel lumineux, d’un gris bleuté dur, qui se confond au loin avec les brumes de chaleur d’un été parisien harassant. La confirmation, symbolique, vient d’arriver sur son bureau, ce 6 août 1914. Juste une feuille, des noms griffonnés. René Viviani attendait l’information, comme si l’infortune des premières heures du conflit devrait être incarnée par quelques destins tragiques. Il lut: André Peugeot, caporal, tué par une patrouille de uhlans à Joncherey, près de Belfort, le 2 août. D’après le rapport militaire, il s’agirait du «premier mort français». René Viviani se gratte le menton. Un autre nom est écrit en dessous du premier: Emile Pouget, chasseur, tué à Vitonville, en Meurthe-et-Moselle, le 4 août. Le président du Conseil voulait savoir, il sait.

Le matin même, alors que l’Autriche-Hongrie venait de déclarer la guerre à la Russie, il a tenu un conseil des ministres restreint pour apprécier la situation. La mobilisation des hommes dans la force de l’âge, alors que les récoltes ne sont pas encore totalement rentrées et que les villages se vident progressivement mais massivement des forces vives, risque de provoquer de graves troubles.

mardi 5 août 2014

5 août 1914 : Joffre installe son QG loin de Paris, pour une guerre courte…

(Grande Guerre, les premiers jours - 2/5) Le général du génie, nommé chef d’état-major le 27 juillet 1911, a quitté la capitale depuis quelques heures pour s’installer à Vitry-le-François, en Champagne-Ardenne. Tous les Européens imaginent que le temps des guerres longues est révolu. Les départs la « fleur au fusil » sont marginaux.

Joffre, chef d'état-major.
Un observateur attentif aurait pu voir ses talons décollés pivoter nerveusement sur l’avant-pied et faire tressauter ses genoux sous la table. Ce 5 août 1914, le général du génie Joseph Joffre, nommé chef d’état-major le 27 juillet 1911, reste calme devant tous ses interlocuteurs. Pourtant le cortège de ses angoisses devient intérieurement bruyant à mesure que l’échéance, la vraie, approche. Cette fois ça y est. Depuis quelques heures, il a quitté Paris pour installer son quartier général à Vitry-le-François, en Champagne-Ardenne. Il signe des décrets d’urgence, transmet des ordres aux différents corps d’armées et tient informé le président du Conseil, René Viviani, et le président de la République, Raymond Poincaré, qui viennent de décréter « la trêve des partis ». Paris n’est que mélange d’allégresses et d’incertitudes, alors que, dans l’est, sur une ligne de front qui n’est pas encore constituée, les troupes commencent à s’agglutiner, venues de toute la France.

lundi 4 août 2014

4 août 1914: la guerre générale est déclarée le jour où la France enterre Jaurès…

PHOTOS ROGER-VIOLLET
(Grande Guerre, les premiers jours - 1/5)  L’Allemagne envahit la Belgique. Les députés français votent à l’unanimité 
les crédits de guerre. Les députés allemands, sociaux-démocrates en tête, font 
de même au Reichstag. Le Royaume-Uni entre dans le conflit. À Paris, ce sont
les obsèques officielles du tribun socialiste. 

Mais où donc retentit le premier coup de feu? À moins que ce ne soit le bruit métallique et hurlant d’un canon à l’aveuglante visée? Nous sommes le 4 août 1914, il y a tout juste cent ans. Une chaleur moite règne sur la partie occidentale de la vieille Europe, et la tension, qui n’a cessé de monter depuis des semaines entre les dirigeants des empires et des gouvernements, a sombré dans le chaos diplomatique. L’heure du tocsin a sonné et plus rien ne peut arrêter l’engrenage infernal. L’horrible vérité du fer et du sang va parler, sur un théâtre de guerre dont on imagine, déjà, qu’il sera unique dans l’histoire des hommes. En moins de trois jours, l’Allemagne a déclaré la guerre à la Russie, puis à la France, puis à la Belgique. La France a lancé la mobilisation générale. Le Luxembourg a été envahi par les troupes allemandes, qui viennent de procéder au premier bombardement aérien, à Lunéville, avant de pénétrer en Belgique par la région d’Aix-la-Chapelle. Les combats font rage dans les forts de Liège, mais rien ne semble empêcher la progression des forces belligérantes.