lundi 27 juillet 2015

Tour : Chris Froome a vaincu la haine, pas la suspicion

Le leader des Sky a remporté son deuxième Tour de France. Froome aura tout connu en trois semaines: la domination écrasante, l’hostilité du public et une forme de défaillance physique et psychologique.

«Le Tour, c’est un voyage extraordinaire.» Ainsi parlait Christopher Froome en 2013, au soir de sa première victoire dans le Tour. Il venait de succéder à son ­compatriote Bradley Wiggins, et ses façons uniformes de planter son personnage laissaient déjà apparaître un caractère, sinon mécanique, du moins programmé pour assumer un destin qu’aucun spécialiste digne de ce nom n’aurait imaginé si brillant quand il devint cycliste professionnel en 2007. Deux ans plus tard, au fond, le coureur a peu changé. À deux détails près. Ce type ­dégingandé au squelette apparent, si blême et diaphane dans l’effort qu’il effraierait n’importe quel spécialiste en chaire universitaire de médecine, a appris depuis quinze jours la haine dans le regard des autres, puis, ce n’était pas prévu, une forme d’évanouissement progressif, physique et psychologique, qui aurait pu se terminer par une défaillance totale si ses principaux adversaires avaient eu l’audace – et le courage – de le harceler un peu plus. Jusqu’aux Alpes, le double vainqueur du Tour, originaire du Kenya, âgé de 30 ans désormais, ex-étudiant en Afrique du Sud, citoyen britannique et résident monégasque, pensait avoir donné tous les gages d’une aisance non discutable sous la férule d’une équipe surpuissante, la Sky, qui aurait tellement professionnalisé sa manière de préparer ses champions qu’elle serait parvenue à l’excellence absolue en toutes choses (1). Mais le chronicœur peut en témoigner: la balade se transforma en épreuves.

samedi 25 juillet 2015

Tour : Thibaut Pinot dans la légende de l'Alpe

Dans une étape courte (110,5 km), entre Modane et l’Alpe d’Huez, le Français Thibaut Pinot (FdJ) remporte une immense victoire de prestige. Comme prévu, Quitana a fait trembler le maillot jaune de Froome, qui remporte son deuxième Tour. C’était une ascension vécue dans le souvenir du grand Fausto Coppi… 

Pinot savoure.
Alpe d’Huez (Isère), envoyé spécial.
Et voilà un moment de grâce, comme nous en avons vécu trop peu durant trois semaines. C’était l’heure du goûter et des sucreries, quelques nuages blancs crémaient le ciel bleu et nous aurions presque aperçu, au-delà des cimes, le corridor des Grandes Rousses et même le pic du Lac Blanc, au-dessus de l’Alpe d’Huez. Thibaut Pinot, seul au monde, fendait le destin et les rangées de spectateurs. Dans un effort qui n’avait plus de prix, sinon celui d’un esprit supérieur, nous vîmes son vélo osciller harmonieusement entre ses jambes, comme si la douleur s’effaçait à chaque mètre. Il allait avec heurts mais s’appliquait férocement à dissimuler ses douleurs pour que personne d’autre que lui-même n’en tirât avantage. Au terme d’une étape souveraine, de celles qui rangent les héros dans le livre des Illustres, le Français de la FdJ retrouva sa puissance légendaire et imposa à la vue de tous cette sorte de dandysme décalé que les cyclistes offrent parfois à l’Histoire.

En signant le plus beau de ses triomphes dans les pentes de l’Alpe d’Huez, Thibaut Pinot venait d’écrire un scénario épatant. Le chronicoeur ne put détacher son regard de cette silhouette à la peau lustrée et parfois si translucide qu’elle semblait cristalline sous le bronzage de trois semaines intenses. Son effort dans toute sa brutalité ressembla à un écorchement, tantôt effrayant, tantôt élégant, qui repoussait et attirait à la fois. « Cette montée me faisait rêver, c'est une étape que tout le monde coche, déclara le vainqueur du jour. C'était beaucoup de stress. Je n'avais aucune information sur les écarts durant toute la montée. J'ai eu beaucoup de malchance dans ce Tour, mais j'y ai toujours cru… C'était ma dernière chance. »

vendredi 24 juillet 2015

Tour : Froome a un visage, il est même humain

Entre Saint-Jean-de-Maurienne et La Toussuire (138 km), l’Italien Vincenzo Nibali, vainqueur de l’édition 2014, remporte la dix-neuvième étape, la reine des Alpes. Quintana a attaqué le maillot jaune et repris 30 secondes. De quoi nourrir des espoirs samedi, dans l’Alpe d’Huez?

Froome, lâché par Quintana...
La Toussuire (Savoie), envoyé spécial.
Et soudain, dans ses déhanchements inesthétiques si caractéristiques, comme s’il s’employait à abolir tout style en lui, Chris Froome se positionna étrangement en danseuse, à la manière d’un pur grimpeur. L’imminence d’un danger sans doute : le Britannique était attaqué, rien d’anormal, mais cette fois le Colombien Nairo Quintana prit quelques mètres et nous sentîmes le maillot jaune en légère difficulté. Il était pourtant tard – trop tard – dans cette étape royale des Alpes, la plus belle assurément, entre Saint-Jean-de-Maurienne et La Toussuire (138 km) et quatre ascensions au programme, dont l’épouvantable col de la Croix de Fer (2067 m, 22,4 km à 6,9%). Les patrons du peloton se trouvaient alors à six bornes du sommet de La Toussuire, et Froome, avec sa pédalée de moulin à vent, montra des signes de lassitude. Quintana prit vingt mètres, puis cinquante, puis cent…

Le maillot jaune releva le buste et la tête à plusieurs reprises, en recherche d’oxygène, huma une bouffée de taillis frais sur sa gauche, puis, pivotant légèrement le visage sur la droite, retrouva la souffrance du silence sans lever le pied, comme on s’adoucit après une colère. Froome, rapidement délaissé par ses équipiers en perdition (dont Geraint Thomas, quatrième au départ), était seul face à lui-même pour limiter les dégâts. Nous lui vîmes à cet instant précis un visage : un visage humain. Et lui comprit au même moment que tous les silences ne se valent pas. Parfois le bruit des spectateurs sur le Tour, qu’ils soient amicaux ou hostiles, rend au silence une forme de terreur non-dite.

jeudi 23 juillet 2015

Tour : Bardet renoue les lacets de la victoire

Entre Gap et Saint-Jean-de-Maurienne, Romain Bardet (AG2R) remporte la dix-huitième étape également animée par Pierre Rolland, deuxième. Le peloton a escaladé l’une des étrangetés du tracé: les lacets de Montvernier.  

Le triomphe de Romain Bardet.
Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), 
envoyé spécial.
Une vraie bagarre de position, dont il était temps qu’elle survienne… L’étape venait de quitter Gap en direction de Saint-Jean-de-Maurienne (186,5 km), avec sept cols et côtes au programme, quand les premières attaques tranchantes dynamitèrent un peloton encore en roue libre. Le col Bayard à peine avalé, vingt-neuf chevaliers prirent résolument les devants, parmi lesquels nous retrouvions quelques connaissances tricolores ayant annoncé leurs intentions : Thibaut Pinot (FdJ), frustré de la veille, Romain Bardet (AG2R) et plusieurs représentants de la formation Europcar dirigée par Jean-René Bernaudeau (1), Pierre Rolland, Cyril Gautier, Thomas Voeckler et Romain Sicard. De quoi imposer du caractère à une course cadenassée depuis dix jours. Nous pensions à Pierre Rolland, qui, sans doute poussé par l’avenir incertain du groupe vendéen, voulait que l’acte cycliste atteigne ici à l’essence même du tragique caché, dans l’orgueil des êtres qui s’y consacrent. Nous pensions aussi à Romain Bardet, martyrisé lui aussi par les circonstances, plus que jamais pétri de revanche.
 

Tour : les ascensionnistes à flanc de ravin

Entre Digne-les-Bains et Pra Loup (161 km, 17e étape), avec quatre cols et une arrivée au sommet, victoire de l’Allemand Simon Geschke (Giant). Cette étape fut aussi un exercice de mémoire, référence au Tour 1975 et l’exploit de Bernard Thévenet face à Eddy Merckx…

Pra Loup (Alpes-de-Haute-Provence), envoyé spécial.
Dans l’apprentissage du pays en élévation, les ascensionnistes recherche d’ordinaire quelque chose qui les dépasse et disposent d’un avantage hautement supérieur : ils osent se jouer du patrimoine solaire et tentent d’en domestiquer les dangers, d’en braver les frontières. Les cyclistes du Tour écrivent parfois des histoires dont nous faisons mémoire commune et qui, le soir venu, nourrissent les fins de repas. Hier, entre Digne-les-Bains et Pra Loup (161 km), par une fièvre de chaleur écrasante, le peloton a fondu à mesure que le goudron se décollait au passage des boyaux. Avec quatre cols et une arrivée au sommet, cette étape alpestre avait aussi le mérite de revisiter le patrimoine de cette francité effrontée qui condescend une fois l’an à honorer les exploits en tricolore. Cette France du Tour dessine alors les contours d’un Hexagone de salle de classe. Avec ses bordures. Ses reliefs. Et ses héros.


Pra Loup, juillet 1975. Ce fut ici, dans la vallée de l’Ubaye, qu’Eddie Merckx subit la plus incroyable – et la vraie première – défaite de sa carrière céleste, une sorte de chant du cygne vécu par tout un peuple hystérique. L’auteur de cette prouesse portait le nom d’un Bourguignon, un fils d’agriculteur, Bernard Thévenet, qui pénétra si profondément le cœur des Français qu’aujourd’hui encore il reste le « tombeur du Cannibale », celui par qui le cyclisme changea d’époque.

Tour : la guerre de Cent ans n'aura pas lieu

Pour l’entrée dans les Alpes, entre Bourg de Péage et Gap (201 km, 16e étape), l’Espagnol Ruben Plaza Molina (Lampre) l’emporte. Chris Froome domine toujours son sujet, même si la polémique Sky se poursuit…

Gap (Hautes-Alpes), envoyé spécial.
L’attente d’une descente ancrée dans l’histoire du Tour, fût-elle récente, a toujours quelque chose de dépréciatif. Celle de La Rochette, qui file à tombeau-ouvert en direction de Gap, fut le théâtre épique, en 2003, de la célèbre chevauchée de Lance Armstrong à travers champ, mais, surtout, de la terrible chute de Joseba Beloki, qui se solda par un abandon, un poignet, un coude et une hanche brisés, et une fin de carrière tronquée. Il était 16h50, hier, sous une canicule assommante, quand les coureurs s’essayèrent aux vertiges du vide. Bienvenu dans les Alpes, là où, d’ici samedi, le peloton affrontera des pourcentages déments. Entre Bourg de Péage et Gap (201 km), comme un prélude, les montagnes déchiraient l’horizon et leurs roches formaient des compositions insolites taillées telles des sculptures issues du fonds des âges.

Dans les rares odeurs de rhododendrons, l’avant-garde du peloton était composée de vingt-trois échappés, bientôt dispersés par l’escalade du col de Manse, principale difficulté du jour (2e cat., 8,9 km à 5,6%). Nous retenions notre souffle, tout en nous respirait la crainte devant l’imminence d’un accident qui ceint les spectateurs d’un halo de chaleur angoissé. Dans le rôle des casse-cous absolus, l’Espagnol Ruben Plaza Molina (Lampre), parti dans la montée, se montra le plus sérieux dans la descente et remporta l’étape, avec, à ses trousses, le Slovaque Peter Sagan (Tinkoff), porteur du maillot vert, dont les prises de risques nous souleva le cœur.
 

lundi 20 juillet 2015

Tour : une odeur d'urine se répand sur la Sky

Depuis son numéro de puissance mardi dernier dans les Pyrénées, Chris Froome et toute l’équipe britannique Sky sont pris pour cible par les spectateurs. Samedi, le maillot jaune a reçu un jet d’urine… 
 

Valence (Drôme), envoyé spécial.
Les champions cyclistes restent d’épouvantables mélancoliques qui ne cherchent que le regard d’autrui dans la performance avérée. Voyez comme leurs yeux passent de l’exorbitation à la bouffissure, comme sporadiquement ils s’avancent puis se replient sous les meurtrières de leurs paupières, tellement bien camouflées par des lunettes high-tech que nous ne devinons que rarement l’ampleur de leurs tourments. Derrière le mur assourdissant de leur apparence, ils portent néanmoins en eux une fragilité qui fascine et les enveloppe, chaque fois que leurs corps chétifs sont jetés à une vindicte qui n’a plus rien de populaire, quand certains rêvent secrètement de les voir jetés au sol. Même Jacques Anquetil et Eddy Merckx, pour ne citer qu’eux, connurent jadis la haine de spectateurs qui ne supportaient pas leur écrasante domination et cette forme d’arrogance inhérente à la performance d’exception…
 
Entendons-nous bien. Nous n’irons pas jusqu’à comparer Chris Froome, le leader de l’intrigante équipe Sky, avec les monstres sacrés de la Petite Reine.

samedi 18 juillet 2015

Tour : à Mende honorable pour Bardet et Pinot

Lors de la splendide 14e étape entre Rodez et Mende (178,5 km), les deux Français d’AG2R et de la FdJ ont été piégés dans le final par le Britannique Stephen Cummings (MTN-Qhubeka).

Mende (Lozère), envoyé spécial.
Ô magnificence! quand tu nous tiens par le bout de tes paysages… Ce samedi 18 juillet, entre Rodez et Mende (178,5 km), le chronicoeur a traversé l’Aveyron et la Lozère de part en part, jugeant, à l’aune de son plaisir renouvelé, l’extraordinaire beauté d’un panorama poétique à plus d’un titre. Au petit matin, avant de rejoindre le village-départ, ce fut d’abord une brève escale à Bozouls pour y découvrir son fameux « Trou », un canyon monumental jadis classé parmi les sept merveilles du Rouergue. Comme une lente ambition de mise à distance, certes éphémère, mais où nous pouvions recentrer ce qui nous avait semblé s’être dispersé, un silence de grâce se fit devant ce cirque naturel en forme de fer à cheval, creusé dans les calcaires secondaires du Causse Comtal au fond desquels coule paisiblement un mince torrent, si délicat que nous l’apercevions à peine du haut d’un belvédère impressionnant. A 500 mètre d’altitude, le village se niche des deux côtés de ce site géologique improbable. La partie historique, réputée pour son incomparable position de défense, avec son église romane du XIIe siècle, bâtie par des premiers de cordée du christianisme à la pointe du promontoire. Puis la partie moderne, d’où le tableau prêtait à la rêverie, à la méditation bien méritée après quinze jours de Tour à user les pneus d’une automobile en surchauffe.
 
Nous n’avions encore rien vu. Cette quatorzième étape – taillée pour des yeux bleus de romance au féminin – ne manquait ni de relief ni de beauté, de quoi s’affranchir des banalités.

Un Belge mate la 13e étape du Four de France

Entre Muret et Rodez (198,5 km), la 13e étape a été remportée par le Belge Greg Van Avermaet (BMC). Ce fut une journée de tous les excès : ceux de la chaleur !
 
La chaleur sur le maillot jaune.
Rodez (Aveyron), envoyé spécial.
Et le vainqueur du jour porte un nom redouté par tout cycliste en herbe: canicule. Il fallait être sur la route du Tour, ce vendredi 17 juillet, à fureter devant le peloton, à pique-niquer entre la caravane publicitaire et les régulateurs de la course, pour comprendre ce que les chaleurs extrêmes produisent sur les organismes humains. De Muret à Rodez (198,5 km), le Tour aurait mérité d’être rebaptisé «le Four», parole d’un spectateur torse-nu croisé à mi-chemin entre Lavaur et Graulhet, qui, «exceptionnellement», disait-il, avait cette fois le mérite de «mettre beaucoup d’eau» dans son Ricard. C’était une foule venue encore en masse pour accueillir les coureurs sur l’une des plus belles étapes visuelles de cette édition, parfois le long du Tarn, dans un décor d’immensité alentour composé de plaines et de collines taillées par la main de l’homme. Le chronicoeur et ses passagers se sentirent le visage doux, les cheveux collés aux temps, comme emportés en avant, déjà aspirés par le vide de chaleur laissés derrière eux, négligemment embarqués par l’enthousiasme de ce Peuple du Tour qui ne se dément toujours pas.
 

vendredi 17 juillet 2015

Tour : le spectre du passé sur un plateau

Pour la dernière arrivée au sommet dans les Pyrénées, entre Lannemezan et le plateau de Beille (195 km), adjugée sous des trombes d’eau, l’Espagnol Joaquim Rodriguez s’impose. Froome poursuit sa balade.
 
Chris Froome avant le départ.
 
Plateau de Beille (Ariège), 
envoyé spécial.
L’acte cycliste par excellence atteint-il encore, de-ci de-là, à l’essence même du tragique caché, dans la ferveur qui doit s’y consacrer? Quand Cyrille Guimard, notre maître, répète dans le creux de l’oreille du chronicœur: «Quelle ambiance, mon dieu, quelle ambiance!», c’était la preuve éclatante que quelque chose de supérieurement triste se propageait dans la caravane. Et quand il ajoutait: «La course devient presque accessoire», nous nous sommes dit que l’heure des enthousiasmes et du lyrisme réunis était derrière nous.
Un spectre hante le Tour ; le spectre de la triche. De la triche en grand, qu’elle soit médicale ou mécanique, ce que le président de l’Union cycliste internationale, Brian Cookson, dit prendre «très au sérieux». Pas un suiveur n’échappe à ce genre d’évocation. Depuis la démonstration de Chris Froome à La Pierre-Saint-Martin, suivie de la publication d’une vidéo furtive sur sa montée au Ventoux, en 2013, la rumeur s’est emparée du maillot jaune. Elle ne le quittera plus, quoi qu’il dise, quoi qu’il fasse, même une hypothétique défaillance serait désormais mise sur le compte d’un mauvais dosage ou d’un « désarmement » précipité. Appliquons au vélo une idée empruntée à Karl Marx: le passé pèse d’un poids très lourd sur le cerveau des vivants. Ce fameux «passé qui ne passe pas», faute d’avoir été vraiment analysé, déconstruit, repensé.
 

jeudi 16 juillet 2015

La Brigade du rire s’empare du Tour

Première grande étape des Pyrénées, entre Pau et Cauterets (188 km). Victoire du Polonais Rafal Majka. Chris Froome continue de se balader. Les rumeurs le concernant alimentent la caravane. Même Lance Armstrong exprime des doutes…


Chris Froome.
Cauterets (Pyrénées-Atlantiques), envoyé spécial.
La montagne d’ordinaire se prête à la poétisation des circonstances, plus rarement à leur soumission. Comme pour revisiter l’idée que le Tour ne dépend pas uniquement de ses champions, qu’il continue malgré tout de créer des mythologies et qu’il domine ceux qui l’incarnent. Il était environ 15h30, hier, quand le long vertige avec le silence des hauts-lieux débuta dans les lacets du mythique Tourmalet (HC, 17,1 km, à 7,3%), emprunté par La Mongie et placé juste après l’ascension du col d’Aspin (première cat.). Etait-ce dans ce curieux plaisir de la souffrance vue et acceptée qui provoquent le tremblement des corps sous l’épreuve d’une pédalée saccadée, que le chronicoeur tenta, en vain, d’oublier la «stupéfaction Froome» de la veille?

Chacun attendait la grande bataille, observant d’un coin de l’œil le porteur du maillot jaune, dégingandé par sa carcasse voûtée dont l’extrême maigreur, sous la peau diaphane, laisse une impression de fragilité extrême. Las, nous n’assistâmes qu’à une course au train, une forme d’escamotage du géant Tourmalet (un affront) par les principaux favoris. Exit Péraud, Bardet, Pinot et consorts. Devant, il fallut attendre la montée terminale vers Cauterets, (6,4 km à 5%) pour une impossible régalade. Victoire du Polonais Rafal Majka, rescapé de l’échappée du matin. Et ballade de santé pour Chris Froome, qui contrôla sans se forcer ses adversaires (Quitana et Contador), reprenant même des secondes à Nibali dans le final. D’où la question : pourra-t-il seulement être attaqué dans les jours qui viennent?
 

mercredi 15 juillet 2015

Ni hasard ni justice : Froome écrase le Tour

Le peloton a quitté Tarbes vers La Pierre-Saint-Martin (167 km), mardi 14 juillet, sans l’Italien Ivan Basso, qui a annoncé souffrir d’un cancer à un testicule. Première arrivée au sommet: Christopher Froome gagne l’étape et fait le ménage.

Ivan Basso.
 
La Pierre-Saint-Martin (Hautes-Pyrénées), envoyé spécial.
Le cancer frappe paraît-il au hasard ; n’y voir aucune justice immanente ; a priori. La caravane a quitté Tarbes, hier, en direction des Pyrénées tant redoutées, et les suiveurs avaient au fond du cœur autant d’empathie que de questions sans réponse. Un coureur manquait à l’appel, un Italien, Ivan Basso, 37 ans, ex-gloire des années Armstrong qui, à l’image de l’Américain, ruisselait jadis de bonheur et d’arrogance dans les exactions sans frein d’un cyclisme à la dérive. Vainqueur à deux reprises du Giro (2006 et 2010) et dauphin du Texan en 2005 sur le Tour, l’actuel capitaine de route d’Alberto Contador a donc annoncé qu’il souffrait d’un cancer à un testicule. Le mimétisme avec Armstrong – lui-même victime de cette maladie en 1996 qui faillit le faucher dans sa jeune vie –,  avait de quoi troubler jusqu’aux plus incrédules d’entre-nous.

Lors d’une conférence de presse organisée durant la journée de repos, lundi à Pau, Ivan Basso, l’œil vif et la tête haute, a confirmé qu’il quittait l’épreuve, qu’il allait être opéré d’urgence avant de débuter un tout autre combat, le plus important de son existence. Flanqué d’un Alberto Contador en pleurs, Basso a expliqué qu’il avait ressenti une «vive douleur», conséquence d’une chute subie dans la cinquième étape.
«J’ai consulté un cancérologue de Pau, a-t-il confessé. C’est cette chute qui a déclenché la douleur. Il m’a surtout dit que sans cette chute et cette douleur, j’aurai peut-être attendu deux ans avant de savoir que j’avais un cancer. Il m’a dit: ‘’C’est quelque part une chance pour vous que vous soyez tombé car ce genre de cancer se guérit très bien s’il est pris à temps.» Les cyclistes affirment souvent qu’une chute n’est jamais le fruit du hasard, que la course s’effeuille comme une fleur solitaire, folle et pleine de sagesse quand elle égrène le meilleur et le pire. Le pire vient de survenir pour lui, bien qu’il ait déjà connu les affres du dopage lors de la fameuse affaire Puerto en 2006, l’un des plus grands scandales du cyclisme. Accusé «d'usage de substance ou de méthode dopante», il fut condamné par la justice italienne à deux ans de suspension. La tumeur dont il souffre désormais n’en serait qu’à un stade très précoce. Qu’on se le dise. Même un (ex?) tricheur assiégé par son corps en révolte ne mérite la sanction suprême de la maladie.

Hier, c’était donc 14 Juillet. Changement de décor, sous un soleil harassant.

lundi 13 juillet 2015

Tour : de la chair bretonne, parole d’Hinault

Il y a trente ans, en juillet 1985, le Blaireau remportait son cinquième Tour. Durant trois jours, la Grande Boucle 
a visité les terres bretonnes de son dernier vainqueur français. En éternel héros à la carrière tellurique.

Bernard Hinault, sur le Tour 2015.
Plumelec (Morbihan), 
envoyé spécial.
Et la parole se fit chair. «Où que vous soyez ici, la mémoire du vélo s’impose à nous comme le vent, la pluie, la vie et la mort.» Ne dites surtout pas à Laouenan, un Breton de soixante-douze ans, qu’il accorde à l’espace mythique du Tour une importance telle qu’elle lui garantit une présence des esprits pouvant irriter tout rationaliste de Juillet. «Quand vous respirez le vélo, vous êtes la terre, la nature, les arbres et le feu.» Son regard scintilla d’un éclat noir dont la brillance intérieure n’appelait aucune contradiction. Lui croit savoir – mais a-t-il seulement tort? – que le capital symbolique du Tour donne encore à lire une certaine idée du genre, un résidu du rêve, une fabrique à ramener l’enfance. Plus qu’ailleurs sans doute, la structuration de la légende trouve une part de ses origines en Bretagne, terre dévolue à la gloire de la Petite Reine qui rend perceptible, sur un mode à la fois narratif et onirique, la grande idée de Michelet, héritière de la Révolution, selon laquelle la France est une personne. Quand le peuple du Tour, par les yeux et dans les cœurs, prend corps par l’intermédiaire des exploits pédalant de leurs pareils, hommes durs à la tâche. En Bretagne, cette France du Tour est aussi une personne. Elle porte même un nom, Bernard Hinault.
 

samedi 11 juillet 2015

En Bretagne, le Français Alexis Vuillermoz fait le Mûr

Entre Rennes et Mûr de Bretagne, une étape longue de 181,5 kilomètres disputée samedi 11 juillet, le Français Alexis Vuillermoz apporte à la France sa première victoire. Le premier «positif» avait quitté le Tour la veille. Le jour où le sulfureux docteur Mabuse faisait une curieuse apparition…

Le triomphe d'Alexis Vuillermoz.
Mûr de Bretagne (Côtes-d’Armor), envoyé spécial.
Le revoilà donc, ce Mûr de Bretagne, montagne façon ligne droite sortie du granit de la Haute Cornouaille. Si le cyclisme a survécu à toutes les proses de couleurs, celle de cette terre empierrée où le cyclisme est devenu roi, a pris, samedi 11 juillet, toutes les teintes d’une fabuleuse haie d’honneur. Une foule considérable de Bretons endiablés a accueilli l’arrivée de la huitième étape, dans un final unique en son genre, une côte dressée tel un mont qui offrait aux coureurs de quoi s’affronter à la dure sur deux kilomètres d’une ascension sèche à 6,9% de moyenne. Le chronicoeur regarda donc cette bagarre bercée d’antiques ondes de choc avec, à l’esprit, un (petit) avant-goût des Pyrénées, que le peloton entamera dès mardi prochain après dix jours très éprouvants. 

vendredi 10 juillet 2015

Au Havre, le Tour a la fête qui tourne

Le Tchèque Zdenek Stybar remporte au sprint la sixième étape, jeudi 9 juillet, marquée par la chute du maillot jaune Tony Martin. Il franchira, grimaçant de douleur, l’arrivée au Havre, ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
 
Les falaises d'Etretat.
Le Havre (Seine-Maritime), 
envoyé spécial.
«Pour le Tour de France, j’ai la fête qui tourne.» La force d’une formule symbolique comme lien sacré de la généalogie des mots accolés au vélo tient parfois du mystère. Ou du génie. C’était au kilomètre 160 de l’étape, à l’instant même où l’avant-garde du peloton allait entamer la côte du Tilleul, que le chronicœur, allez savoir pourquoi, repensa à ces mots d’Antoine Blondin (1) comme réponse aux interrogations d’un jour de juillet. Un œil sur le road-book, l’autre sur le paysage maritime qui déchirait l’horizon, cheveux au vent, nous revisitions la Côte normande dans sa sauvagerie ensorceleuse, si belle dans sa découpe façonnée par le lent travail des marées tempétueuses. De Dieppe au Havre, sur plus de cent vingt bornes, Blondin aurait adoré lécher la Manche du regard et juger à l’aune des coups de pédale la force d’une filiation de coureurs.
 

jeudi 9 juillet 2015

Tour: la Somme de mélancolies et de requiem

Au terme d’une cinquième étape pluvieuse, mercredi 8 juillet, entre Arras et Amiens (189,5 km), l’Allemand André Greipel remporte le premier sprint massif du Tour. Le Français Nasser Bouhani abandonne sur chute, avant même de voir l'Historial de la Grande Guerre de Péronne.

Amiens (Nord), envoyé spécial.
En mélancolie cycliste, les jours de pluie et d’impression de froidure s’offrent aux méditations dignes d’un requiem. Hier matin, à Arras, avant de filer vers Amiens pour une étape plate comme le Pas-de-Calais et la Somme réunis (189,5 km), les suiveurs ont découvert un ciel si bas et si relâché qu’ils se sont demandé si les dieux du vélo n’avaient pas été exclus dans la nuit pour fait avéré de tricherie. A force de nous habituer à la canicule, la chute des températures étaient telles, environ treize degrés, qu’il devenait presque difficile de se projeter vers l’avenir. Les questions ne manquent pourtant pas, afin d’y voir plus clair sur le caractère de cette édition 2015.

mercredi 8 juillet 2015

Tour : les souffrances tiennent le haut du pavé

A l’issue d’une étape aux parfums de Paris-Roubaix, disputée mardi 7 juillet entre Seraing et Cambrai (223,5 km), l’Allemand Tony Martin gagne l’étape et prend le maillot jaune. Thibaut Pinot a encore perdu trois minutes…

Cambrai (Nord), envoyé spécial.
Un ciel crémeux, faussement velouté, menaçant à tout instant de se charger de plomb. Un soupçon de vent que la lourdeur des terres meubles accompagne d’exhalaisons fugaces. Une ambiance de kermesse dispendieuse en cris d’amour, celui du peuple à l’heure de la bière, pour que la tenaille des souffrances à endurer enserre aussi les coureurs de la nécessité de la contemplation… C’était un jour peu ordinaire, en vérité, une traversée d’est en ouest pour la plus longue étape de cette édition, 223,5 kilomètres entre Seraing et Cambrai, avec comme fétiche une phrase qui a tourné en boucle dans nos véhicules, une phrase insignifiante en apparence mais qui s’apparente à un mauvais rite et gonfle d’orgueil le suiveur dans sa singularité: «Ca y est, nous sommes entrés en France!», l’air de suggérer sans vraiment oser le dire qu’il était temps.


Au kilomètre 140, les coureurs ont donc pénétré sur le territoire national. Au moins le cœur accompagnait cette procession traditionnelle, lorsque le Tour s’élance depuis l’étranger. Mélancolie historique autant que géographique, chaque Juillet recommencé condescend à cette francité insolente propre à la Grande Boucle, forte de l’exemplarité de ses coutumes. Le chronicoeur hélas n’échappe pas à la règle du genre. Ajoutons qu’il y avait dans l’air aussi ce petit rien qui encadrait la scène d’ambiance. Résumons-le d’un mot: grandiose. Oui, quelque chose de grandiose. Et d’électrique.

mardi 7 juillet 2015

Tour: les chemins de croix du mur de Huy

Au sommet du «chemin des Chapelles», lundi 6 juillet, victoire de l’Espagnol 
Joaquim Rodriguez. L’Anglais Chris Froome s’empare du maillot jaune au terme d’une étape marquée par une gigantesque chute collective.
 
Joachim Rodriguez.
Mur de Huy (Belgique), envoyé spécial.
Un parfum de souvenirs ensuqués d’éblouissements, comme si nous agitions sans relâche nos yeux d’hier et d’avant-hier sur des lieux qui nous hantent, tels des fantômes taillés dans la pierre. Le Tour reste un exercice de visitation de la passion référencée par les lieux, particulièrement quand il honore les théâtres historiques du cyclisme, absorbé dans la tautologie topographique qui glorifie, presque autant que les coureurs, les valeurs du sol et de l’enracinement. Bienvenu sur les hauteurs de Huy, son fort, ses bateaux de croisière sur la Meuse encanaillée, ses musées et ses dernières bigotes vêtues de noir qu’honorent une fois l’an les héros de la Petite Reine lors d’une des deux classiques ardennaises, la Flèche Wallonne. Ici, les amoureux du genre en appellent au vélo comme patrimoine, comme valeur immanente qui réunifie l’espace et le temps. De quoi alimenter ce que l’amour a oublié dans l’amour. Le pèlerinage. La redécouverte.

lundi 6 juillet 2015

Tour: en mer du Nord, les fracas de la course au large

Entre Utrech et la province de Zelande (166 km), dimanche 5 juillet, les favoris à la victoire finale sont entrés dans la bataille à la faveur de la pluie et du vent. Belle opération pour Contador et Froome. Victoire pour Greipel. Maillot jaune pour Cancellara.

Zelande – Neeltje Jans (Pays-Bas), envoyé spécial.
Déjà une impression de fracas. Un étrange sentiment de course au large rehaussé par les caprices de la météorologie locale, si changeante qu’elle vous rince sans prévenir. En arrivant d’Utrecht, d’est en ouest sans se retourner, la province de Zelande ressemble à ces dépaysements surréalistes que seules les aventures humaines de l’extrême offrent quelquefois. La Grande Boucle en est une. Imaginez un peu le décor. Autour de nous, à perte de vue, des landes de terre léchées par la mer du Nord que les vents mêlent à leur destinée incertaine. Des vagues d’une rare brutalité en cette saison, qui viennent s’échouer comme des bateaux ivres sur les barrières anti-tempêtes les plus vastes du monde, qualifiées de «huitième merveille du monde» et érigées sous le nom de code «plan Delta» à la suite des inondations historiques et dramatiques de 1953.

Penchés en avant pour se protéger des embruns et de la pluie mêlés, des spectateurs harnachés progressent dans le grand nulle-part pour se positionner au mieux. Une fille du cru nous lance un «Good luck!» ravageur. Les mouettes surexcitées braillent à s’en rincer le gosier. Quant aux odeurs de moules, elles diffusent dans l’air des sucs embusqués. Dans ce pays de contraire, vous avez devant vous un paysage qui coupe le souffle à force d’abaisser l’horizon.

samedi 4 juillet 2015

Le maillot jaune pour Dennis, celui de l’hypocrisie pour Astana

Le jeune Australien Rohan Dennis remporte le contre-la-montre disputé à Utrecht. Dès le premier jour, l’équipe Astana est empêtrée dans une affaire de dopage supposé…

Utrecht (Pays-Bas), envoyé spécial.
La foule semble ne faire qu’une et s’agite comme les figurants d’un décor d’opéra sur le jour clair, accablé de chaleur (jusqu’à 32°). La fournaise néerlandaise a quelque chose de réconfortant pour le chronicoeur, heureux de retrouver le cliquetis des vélos et le cul et les jambes des coureurs bientôt affutées avant trois semaines au long cours. Comme si le chaudron du Tour, bouillant de centaines de milliers de spectateurs massés sur le parcours du contre-la-montre ouvrant la 102e édition (13,8 km), diffusait une odeur de souffre propice à toutes les étincelles. Les meilleures. Ou les pires.

Lars Boom.
Débutons comme il se doit par le pire. Disons plutôt: le presque pire. Avant même que le premier coureur ne s’élance dans les rues d’Utrecht, samedi à 14 heures, l’équipe Astana du tenant du titre (l’Italien Vincenzo Nibali) nous a rejoué, sans le vouloir évidemment, mais pas vraiment contre son gré, l’un de ses sketches favoris. Comment doper l’un de ses coureurs sans en avoir l’air et sans franchir les limites tout en les franchissant! Essayons d’expliquer simplement et brièvement pourquoi le coureur Néerlandais Lars Boom, l’un des principaux capitaines de route de Nibali, s’est retrouvé en quelques heures au milieu de ce chaudron en ébullition.

vendredi 3 juillet 2015

Bernard Hinault, un héros français

C'était en juillet 1985. Et de cinq! De retour en jaune sur les Champs alors qu’il a failli tout perdre entre Toulouse et Luz-Ardiden, le «Blaireau», monstre de courage et de panache, avait refusé de rompre avec le fil de son histoire... Il se hissait au rang des plus grands cyclistes de tous les temps.
 

Il venait de se hisser plus haut que lui-même et d’abaisser la ligne d’horizon, et pourtant ce jour-là, au cœur du Paris de juillet, tout en bas des Champs-Élysées, sur un podium improvisé, venaient de s’atténuer les tempétuosités si hargneuses qui l’habitaient depuis toujours. La capitale était belle et rayonnante, le décor urbain avait pris les teintes tricolores que l’homme du jour ne renierait jamais, et devant cette bacchanale de sollicitations qu’il repoussait d’un geste du menton, comme un excès de fierté, le héros du cyclisme français, qui avait assis sa réputation et les lignes de son palmarès par un orgueil démesuré et un talent hors norme, décida de rester quasiment muet pour savourer intérieurement l’accomplissement total, scellé dans le crépuscule d’un âge d’or dont personne ne savait rien encore. Il appartenait désormais à l’histoire. À l’histoire seule.
 
Ce 21 juillet 1985, Bernard Hinault, dans la plénitude de ses 30 ans bientôt révolus, enfilait le dernier maillot jaune au terme de l’ultime étape. Il venait de remporter son cinquième Tour de France. La planète vélo n’avait d’yeux que pour lui. Des yeux lumineux, frénétiques et incontrôlables, où se lisaient l’admiration et l’émotion mêlées. Il y avait de quoi: cinq Grandes Boucles à son actif –ce qui le propulsait au niveau du grand Jacques Anquetil et d’un certain Cannibale–, auxquels il convenait d’ajouter trois Tours d’Italie, deux Tours d’Espagne, trois Dauphiné Libéré, un Tour de Romandie, un titre de champion du monde, deux Liège-Bastogne-Liège, un Paris-Roubaix, deux Tours de Lombardie, et tant d’autres exploits que des livres entiers ne suffiraient pas à les narrer dans leurs exactitudes. Plus de 200 victoires en 10 ans et un goût immodéré pour l’écrasement des adversaires, qu’il laissait souvent brisés sous ses roues. Un gagnant de la race des seigneurs, que seul le Belge Eddy Merckx, bardé d’un palmarès invaincu et inatteignable, lui conteste encore au panthéon du sport. Merckx le plus grand? Pourquoi pas. Hinault le plus impressionnant? Une évidence.

jeudi 2 juillet 2015

Pays-Bas: au pays du vélo, le Tour se sent comme chez lui

La ville d’Utrecht a déboursé la somme record de 6 millions d’euros pour s’offrir le Grand Départ et ainsi profiter du rayonnement de la plus belle course cycliste du monde. Le profil de la 102e édition s’annonce grandiose.

Utrecht (Pays-Bas), envoyé spécial.
La fournaise n’annonce pas toujours le pire. «Quand l’extrême chaleur s’invite au départ d’un Tour de France, c’est toujours la marque des grandes années, une bénédiction des cieux!» Le légendaire Cyrille Guimard, revenant d’un footing matinal par plus de trente degrés à l’ombre, s’anime déjà comme un théâtre ambulant et prédit «l’enfer pour les coureurs, le paradis pour les suiveurs… et pour les autres, c’est leur problème». Les températures harassantes écrasent Utrecht mais le grand barnum du Tour, installé dans un gigantesque et luxuriant Parc des expositions, ne fonctionne pas au ralentit contrairement à la population locale, si peu habituée au climat saharien qu’elle semble fléchir sous le poids de l’air saturé. «Ah! le Tour, le Tour… vive le Tour!» Toutes les bouches irradient de bonheur. Pensez donc, inscrire le nom de la ville des Traités Louis-quatorzien dans l’histoire du cyclisme, ça vaut toutes les promotions! C’est un peu comme si chaque habitant se devait de justifier les six millions d’euros –un record– déboursés par la communauté d’agglomération pour accueillir ce Grand Départ. Peu importe le prix, le Tour est un soleil autour duquel il convient de tourner.