dimanche 30 décembre 2012

Pour le véritable changement, nos voeux de luttes!

Il n’y avait déjà pas grand-chose dans la réformette fiscale du gouvernement, mais pour le coup, après la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe à 75%, si Hollande ne tient pas bon, il n’en restera rien. Sinon la chronique d’un prévisible et pathétique échec...

Ainsi donc, le Conseil constitutionnel a volé au secours des très riches. Eu égard à la composition ultra-conservatrice dudit Conseil, pas de quoi s’étonner. On pourrait même en rire: les sages sont à la République ce que les boursiers sont à l’argent. Mais comment s’amuser d’un épisode aussi lamentable qu’ambigu alors que la France vit l’une des crises sociales les plus épouvantables de son histoire contemporaine? En annulant la fameuse «super-taxe» à 75% pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros, les membres du Conseil ont fait parler le droit – en faisant surtout de la politique!

Février 2011, lors de l'émission "Parole de candidat".
C'est ce jour-là qu'il proposa la taxe à 75%...
Le Conseil constitutionnel refuse que la contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hautes rémunérations touche les individus, puisque l’impôt sur le revenu concerne les foyers fiscaux : dont acte. Mais en retoquant l’une des seules mesures en rupture avec les politiques passées, les sages ont provisoirement enterré l’une des promesses les plus emblématiques de François Hollande. Souvenons-nous. Ce projet phare et symbolique avait été annoncé sans réelle préparation en février 2012, autant pour se démarquer du bouclier fiscal sarkozyste que pour répondre à la vague rouge de la campagne du Front de gauche.

vendredi 21 décembre 2012

Mémoire(s): Normal Ier converti au zapatérisme?

Doit-on considérer que le libéralisme politique et culturel est un tropisme typiquement social-démocrate? Ce qui expliquerait la conversion non négligeable de socialistes au libéralisme économique...

François Hollande et Laurence Parisot.
Normal Ier. (Suite.) Le spectacle de la souffrance d’autrui se donne à voir – à lire plutôt – dans la danse macabre des mots reçus au Palais. Ces temps-ci, les êtres écorchés par la vie écrivent beaucoup à Normal Ier, autant de traces visibles livrées aux tourments d’inquiétudes obsessionnelles. Dans le palmarès des troubles exprimés, la progression de la pauvreté des couches populaires arrive en tête (du genre «la gauche ne peut pas laisser faire ça» ou «que retiendra l’Histoire du quinquennat si la situation des plus démunis ne change pas, au moins un peu?», etc.), suivie de près, de très près même, par les fortes inquiétudes du peuple de gauche face aux politiques conduites (du genre «vous avez été élu pour un changement de société» ou « un nouvel échec du PS au pouvoir sonnerait le glas de tout espoir et pourrait bien emporter toute la gauche », etc.). Des mots pour prémunir tout écart du monde réel.

Gégé. Sans doute Normal Ier se serait-il passé de «l’affaire» Depardieu. Pour des raisons qui nous échappent (des blessures intimes? des rancœurs? le ras-le-bol borderline d’un voyou finalement plus «mégalo» que ses personnages et moins «peuple» qu’annoncé?), notre Gégé national, si brillant à l’écran, a légitimé la plus caricaturale attitude ultralibérale que nous puissions imaginer: les soutiens de Laurence Parisot et de toute la droite réunifiée en témoignent. La France lui a tout donné? Lui pense qu’elle lui a trop pris. Une simple affaire de proportion? En vérité, l’acteur se comporte en sarkozyste de base, singeant les patrons du CAC 40, qui réclament toujours plus malgré la santé parfois poussive de leurs entreprises et qui, une nouvelle fois, se sont allègrement augmentés durant l’année 2012…

lundi 17 décembre 2012

François Hollande: inventaire accablant

Le 6 mai dernier, le peuple de gauche a voté pour un virage social. Et il se retrouve avec un virage social-libéral…
Hollande à Florange... avant son élection.

La semaine dernière, inquiet de voir sa cote de popularité fléchir, particulièrement au sein des catégories populaires, François Hollande se serait longuement confié à un proche. On lui prête cette phrase: «Les réformes de société sont emblématiques pour la gauche, et tenir ses engagements sur ces sujets est important, mais pour les catégories populaires, l’urgence, c’est de manger le soir et de se chauffer l’hiver.» À défaut d’adhérer à l’essentiel de ses décisions économiques et sociales depuis sept mois, nous partagerons au moins avec lui la lucidité de son constat. Et puisque son ministre, Pierre Moscovici, se plaît à citer René Char à tout bout de champ, voilà une occasion comme une autre de mise en garde, avec le poète: «La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil.»

Si l’épisode de Florange a porté un rude coup à la crédibilité du président quant à sa capacité à résister aux puissants, sans parler de sa légitimité à évoquer «la justice sociale» comme moteur de toutes ses décisions, que dira-t-on, ce mercredi, à la lecture du projet de loi sur la réforme bancaire, qui n’aura qu’une lointaine parenté avec ce que le candidat Hollande avait promis?

samedi 15 décembre 2012

Référence(s): que se passe-t-il sous le règne de Normal Ier?

Moins programmatique que pragmatique, le chef de l'Etat serait le produit d’un mélange indéterminé «des» gauches historiques et nous perdrions notre temps à vouloir lui donner une origine et une saveur. A voir...

Normal Ier. Reprenons la lancinante chronique du règne de Normal Ier là où nous l’avions laissée. À ce propos. Convient-il encore de chercher les mots qui ne fâcheraient pas? Est-ce toujours pertinent? En un temps où le vocabulaire s’affadit et où l’on n’évoque plus que la surface des choses pour ne heurter aucune oreille, où l’ont ne dit plus «orage» mais «épisode pluvieux», ni «il va peut-être mourir» mais «son processus vital est engagé», même les mots du nouvel Héritier ont longtemps perdu crudité et saveurs canailles. Il a fallu attendre que son action devienne enfin lisible pour que, lui, retrouve un peu d’embonpoint et de friponnerie verbale, et nous, de quoi analyser le sens de ses actes sans être totalement risible. Soyons donc prudent – mais ferme.

Lecture. La phrase qui suit comprend un risque: sept mois à l’Élysée auront donc suffi pour nous décevoir, nous décontenancer ou nous conforter, selon ce que nous pensions avant le 6 mai dernier. Ce président, qui incarnerait plusieurs personnages «des» gauches historiques, reste aux yeux de certains une véritable énigme idéologique. Historiens, philosophes, sociologues et même anthropologues sont régulièrement conviés au chevet de sa politique pour en décrypter la lecture pratique et/ou symbolique. Beaucoup s’y cassent les dents – hors les habituelles références au delorisme (en priorité), au jospinisme (sa frilosité sociétale), au rocardisme (sa politique contractuelle), au mitterrandisme (cela va de soi), au mendésisme (sortez vos manuels) et même, n’en jetez plus, au jaurésisme (sic). Comme si la célèbre stratégie de synthèse du personnage, transformée depuis peu en méthode dite «du râteau», s’appliquait également à ceux qui commentent son action.

vendredi 14 décembre 2012

Non, Maurice Herzog n'étais pas seul au sommet de l'Annapurna...

[Maurice Herzog vient de mourir. L'occasion pour moi de mettre sur mon blog cet article que j'avais publié dans l'Humanité en décembre 1996 et qui remettait les pendules à l'heure...]

Maurice Herzog n'a pas effectué en solitaire le premier 8.000 de l'histoire, beaucoup le croient ou l'ont cru. Louis Lachenal, guide, a joué à ses côtés un rôle essentiel. Et pourtant la mémoire officielle, impulsée par Herzog lui-même, l'a oublié pendant quarante ans. Une réédition nous aide à comprendre.

Herzog au sommet de l'Annapurna.
«Si je devais y laisser mes pieds, l'Annapurna, je m'en moquais. Je ne devais pas mes pieds à la jeunesse française...» Mais Louis Lachenal les a perdus, ses pieds. Et dans la foulée de cette expédition de juin 1950 devenue (trop) mythique, beaucoup de ses illusions aussi. Amputées. Sectionnées. Broyées à jamais. Comme les mains de Maurice Herzog, son compagnon de galères à quelque 8.075 mètres, premier 8.000 de l'histoire de l'alpinisme sur lequel la mémoire très officielle s'est, en partie, substituée à la réalité. Dans son ouvrage «Annapurna, premier 8.000», traduit en quarante langues et vendu à plus de 10 millions d'exemplaires, Maurice Herzog avait capté toute la gloire. Dans la préface, on y parle d'Herzog-chef d'expédition avec «vénération». Pas un mot de Lachenal. Le guide disparaît, enfoui sous la légende Herzog. Aujourd'hui, la réédition de ses mémoires (1), à partir de carnets de notes, dans une version intégrale et non édulcorée, éclaire pourtant d'un jour nouveau l'épopée de 1950. Et écorne certaines idées.

Louis Lachenal est mort en novembre 1955, perdu dans une crevasse de la vallée Blanche. Maurice Herzog, bientôt secrétaire d'Etat, prend lui-même en charge sa veuve et ses deux fils. Cinq années avaient filé depuis le «premier 8.000». Et Lachenal n'avait jamais avalé la pilule.

jeudi 13 décembre 2012

Le gouvernement et Florange: la tache

Selon un document de Bercy, la nationalisation de Florange n’était pas ruineuse pour l’État...

«La clarté est la forme la plus difficile du courage.» Étrange pied de nez: faut-il donc que l’heure soit grave pour que nous osions citer cette formule de François Mitterrand, qu’il s’adressait sans doute à lui-même pour défricher son propre mystère. Appliquant ce concept au dossier Florange, nous pourrions dire que plus le temps passe, moins la clarté se fait – quant au courage… Quoi qu’il dise désormais, Jean-Marc Ayrault a accumulé trop de non-dits vis-à-vis des Français et trop de concessions au profit d’ArcelorMittal pour ne pas 
se voir affubler, par les salariés, du soupçon de trahison.

Pour ne rien arranger, à chaque jour son coup de théâtre. Dans le lot des révélations à charge contre Matignon, ce que le Canard enchaîné nous apprend ne va pas atténuer les tensions politiques et encore moins les rancœurs des ouvriers d’ArcelorMittal. Jusque-là, les études commandées par le gouvernement sur l’éventuelle prise de contrôle par l’État étaient restées secrètes. Elles ne le sont plus. Et, ô surprise, elles viennent contredire tout ou partie de l’argumentation pour justifier l’accord scellé avec le magnat de Calcutta. Les conclusions du document publié sont sans ambiguïté. Si l’on en croit le prétravail réalisé à Bercy, la nationalisation n’était ni ruineuse pour l’État ni juridiquement risquée. Ayrault parlait d’un investissement d’un milliard? Mensonge.

samedi 8 décembre 2012

Résistant(s) : avec les mots de Jacques Decour

Un livre de recueil des articles de presse clandestins du fondateur des Lettres Françaises. De quoi comprendre où se plaçait l’intellectuel durant les années de plomb...

Decour. «Sans doute devons-nous voir dans cette mort, dans la façon dont il la veut et l’accueille, le point le plus sublime auquel pouvait atteindre ce jeune homme si doué, qui promettait beaucoup trop pour pouvoir tenir, s’il avait vécu.» Lorsque la police française arrêta Jacques Decour pour le livrer aux autorités allemandes, le 17 février 1942, elle réquisitionna un recueil qu’il tenait dans la poche intérieure de sa veste. Sur ces pages figurait cette citation extraite d’un texte admirable sur le Rouge et le Noir dans lequel il évoquait la figure de Julien Sorel. Stendhalien dans l’âme, Decour n’était pourtant pas un adepte des autoportraits dans son œuvre romanesque. Mais de roman il ne s’agit point ici. Grâce aux éditions la Thébaïde et à Pierre Favre, qui a réuni ses écrits avec Emmanuel Bluteau, tous les lecteurs peuvent désormais découvrir, soixante-dix ans plus tard, un ensemble de trente-deux articles de presse clandestins de l’auteur, publiés dans l’Université libre, la Pensée libre et les Lettres françaises, organes clandestins de combattants, rassemblés sous le titre "la Faune de la collaboration" (350 pages), de quoi comprendre au premier coup d’œil où se plaçait l’intellectuel durant les années de plomb (1) pour réveiller la conscience de ses compatriotes face à l’occupation et à l’émergence des «écrivains français en chemise brune».

Lettres. Tous les amoureux-lecteurs des Lettres françaises connaissent bien sûr le nom du cofondateur (avec Jean Paulhan) de cette revue mythique, dirigée par Louis Aragon après-guerre, actuellement par Jean Ristat. Mais savent-ils que Jacques Decour, qui avait adhéré au PCF en 1936, avait la passion de l’Allemagne?

jeudi 6 décembre 2012

Florange, "compétitivité": quelle image pour le gouvernement...

Le moment politique est assez terrifiant pour François Hollande.

En cette époque où le choix du significatif est fonction du degré de présence à l’écran, il est des images qui restent plus que d’autres. Comment interpréter les mimiques significatives de la ministre de la Culture et élue mosellane, Aurélie Filippetti, invitée à commenter l’avenir sidérurgique de sa région alors qu’elle venait à Lens pour inaugurer l’écrin du Louvre décentralisé? Elle déclara d’abord sans aucune hésitation: «Il n’y a pas de confiance dans Mittal. Cela fait quatre ans que je suis aux côtés des salariés, la parole de cet industriel ne vaut rien.» Avant d’ajouter, bien sûr, qu’elle avait une «confiance absolue» dans la gestion du dossier Florange par le chef de l’État. Les images peuvent passer ; les mots obligent. Alors que de nombreux députés socialistes expriment de moins en moins sourdement leurs «troubles» devant les décisions économiques du gouvernement, Jean-Marc Ayrault est venu en personne, hier, s’expliquer devant eux. Pour lui, un seul objectif: démentir «de la façon la plus solennelle» tout accord secret avec Lakshmi Mittal, alors que ses services, à Matignon, refusaient de délivrer la moindre information et répétaient jusqu’à l’absurde qu’«un accord industriel entre l’État et un opérateur privé n’a pas à être rendu public». Qu’y a-t-il donc à cacher?

Le premier ministre n’a pas répondu à ses anciens collègues du groupe socialiste, pourtant, il attendait de ces derniers une discipline totale pour soutenir son projet de loi de finances rectificative. Pas simple.