vendredi 27 février 2015

Après-guerre(s): ce que revenir veut dire

Le recueil "choc" d'un américain vétéran d'Irak, Phil Klay.

Mission. En pleine polémique sur le film de Clint Eastwood American Sniper, dont le succès commercial outre-Atlantique dépasse toutes les prévisions (à suivre?), il est un autre triomphe public, et d’estime celui-là, qui a tout à voir avec le même sujet: la guerre et ses retombées. Ou plus exactement le retour de la guerre, et métaphoriquement de ces guerres menées par l’impérialisme qui hantent tant les esprits états-uniens. Le livre en question, intitulé sobrement ''Fin de mission'' (éditions Gallmeister, 312 pages), composé de douze nouvelles d’une violence inouïe et d’une crudité fascinante et précise, a été écrit par Phil Klay, un inconnu du monde littéraire américain, qui, par cette publication, est entré de plain-pied dans le panthéon du genre en recevant, en 2014, le prestigieux National Book Award. Ancien marine, Phil Klay stationna treize mois en Irak entre 2007 et 2008, durant lesquels il consigna scrupuleusement ce qu’il vit et fit, jusque dans les moindres détails. Ou comment les scènes vécues ne purent rester en lui. Aux États-Unis, les associations se multiplient afin de permettre à ceux qu’on appelle encore, là-bas, les «vétérans», d’exprimer leurs souvenirs, de les faire «sortir» d’eux-mêmes, de les «expurger» comme thérapie à défaut de les renvoyer à l’oubli. Du Vietnam à l’Irak, de la Corée à l’Afghanistan, la descente aux enfers des jeunes Américains rentrés au pays possède un puissant invariant: les traumatismes ne passent pas…

vendredi 20 février 2015

Esprit(s): la température de nos convictions

L'après-11 janvier suscite bien des interrogations. Légitimes.


Réflexion. Plusieurs lectures vivifiantes, ces derniers jours, sur le thème «Quel avenir pour la France du 11 janvier?». Sous-entendu: l’impressionnant et revigorant mouvement citoyen – par son nombre et son exigence revendiquée – né au lendemain des odieux attentats à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher passera-t-il l’hiver? Les avis divergent. Nous-mêmes, qui savons ce que coûte tout optimisme candide, ne sommes pas à l’abri de déconvenues. Si l’événement de ces tueries marque, peut-être, l’avènement de la «déterritorialisation du monde», comme le suggère le juriste Antoine Garapon, dans la dernière livraison de la revue Esprit, en tant que fin du lien historique entre territoires et populations, individus et nations, doit-on pour autant aller jusqu’à penser, comme Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France, que l’esprit du 11 janvier serait à la fois «celui d’un pacte républicain réaffirmé comme celui d’une communauté nationale disloquée»? L’affaire s’avère sérieuse.

lundi 16 février 2015

Soldat Jaurès: l'article de l'Humanité consacré à mon nouveau roman

Article invité: par Alain Nicolas.
 
Un roman très personnel de Jean-Emmanuel Ducoin, intitulé ''Soldat Jaurès'' (Fayard), 
sur le destin du fils de Jean Jaurès mort au front à vingt ans.
 
Soldat Jaurès,
de Jean-Emmanuel Ducoin.
Fayard. 224 pages, 17 euros.
«Quand on est le fils de Jean Jaurès on doit donner l’exemple.» Jaurès avait un fils, on l’a oublié, peu de gens le savaient, d’ailleurs. Louis Jaurès, né en 1898, mort à Pernant, dans l’Aisne, avant d’avoir atteint sa vingtième année. Donner l’exemple, pour lui, c’était s’engager, avant l’âge, être fidèle à sa façon à son père, mort pour avoir tenté d’empêcher cette guerre. «L’internationalisme ­philosophique n’est pas incompatible avec la définition de la patrie, quand la vie de celle-ci est en jeu», disait le jeune homme. Jean-Emmanuel Ducoin est hanté, depuis 2008 et un numéro spécial de l’Humanité sur la der des der, par la figure de ce presque enfant abattu pendant les derniers mois de la guerre.
 
Que sait-on de lui? À dix-sept ans, son baccalauréat en poche, il devance l’appel de sa classe et rejoint un ­régiment de dragons. En 1918, il est aspirant dans un bataillon de chasseurs à pied. Pendant l’offensive Ludendorff, où l’Allemagne jette ses dernières forces et obtient presque la percée décisive, il est blessé à Chaudun, en tentant de retarder l’avancée allemande. On le transporte à Pernant, où il meurt le 3 juin 1918. Voilà tout ce qu’on sait. Ce qu’on ne sait pas, c’est à la littérature de le dire, non de l’inventer, mais de le reconstruire, d’«inciser le corps de la mémoire commune» avec les outils de l’enquête pour le faire décoller sur les ailes de la fiction.

vendredi 13 février 2015

Stratégie(s): réflexions après l'élection du Doubs

La résistible ascension du Front National? A voir…

 
Doubs. Souvent, la bravoure et l’audace vont de pair avec la peur. L’extralucidité qu’elle diffuse s’aiguise à travers l’imagination crépusculaire et offre la chance de paroles et d’actions qui sauvent. Il y a des jours, comme ça, où certains rendez-vous électoraux laissent un goût amer et une impression d’avant-vu. Prenez le scrutin législatif dans la 4e circonscription du Doubs, dimanche dernier: 51% d’abstentions, plus de 8% de votes blancs et nuls, et au final, moins de 3% d’écart entre les candidats du PS et du Front national. La gauche du second tour s’en est sortie, mais in extremis… Dans ce duel gauche-extrême droite, deux premières conclusions s’imposent et valent analyse. Primo: dans ce genre de circonstances, le parti de Fifille-la-voilà est à droite, très à droite, et à ce titre elle récupère une bonne partie du vote de la droite dite «classique», ce qui confirme, si besoin était, que l’essentiel du vote lepéniste de ces dernières années provient directement de cette droite traditionnelle et nicoléonienne qui a brûlé son âme à force de courir derrière les thématiques frontistes et identitaires.

Le nouvel horizon des Amis de l'Humanité

Article invité: par Caroline Constant.
 
Fondée en 1996, l’association a décidé, ce week-end, de modifier ses statuts pour prendre un nouvel essor. Le directeur du journal, Patrick Le Hyaric, a insisté sur la nécessité de lire l’Humanité.
 
Ernest Pignon-Ernest, le président de l'association.
Jean-Emmanuel Ducoin, le secrétaire national.

Les Amis de l’Humanité ont bientôt vingt ans. C’est l’âge de tous les possibles et de toutes les conquêtes. Samedi 7 février, près de deux cents adhérents se sont réunis en assemblée générale annuelle, à la Maison des métallos, dans le 11e arrondissement de Paris. L’occasion, pour les Amis, de constater, sous la houlette de leur secrétaire national, Jean-Emmanuel Ducoin, qu’il est temps de prendre un nouvel essor. Car l’association est coincée dans une contradiction: d’un côté, elle multiplie, avec bonheur, les initiatives et les rapprochements avec d’autres organisations (CGT, Attac, Ligue des droit de l’homme, Ligue de l’enseignement, etc.), de l’autre, elle perd des adhérents – en moyenne cinquante par an – depuis 2011, a signalé la trésorière Colette Millereux. «Il nous faut inventer un autre chemin», a souligné Jean-Emmanuel Ducoin. La modification des statuts de l’association prévoit que les cotisations des adhérents dans leur association remontent à l’association nationale, histoire d’être redistribuées, notamment en direction des projets naissants qui ont besoin d’être financés. La proposition a créé un large débat dans la salle, avec des propositions pour rendre cette mesure effective et efficace. Les Amis ont au cœur un credo: cette volonté d’ouverture au mouvement progressiste de ce pays, qui a toujours été inscrit dans l’ADN de l’association. «Il ne faut pas s’isoler, il faut résister à la tentation de rester au chaud en famille», a complété Jean-Emmanuel Ducoin.
 

vendredi 6 février 2015

Fétichisme(s): être-en-France

Il y a un mois, un mois déjà, la tragédie Charlie…

Ame. Un mois. Un mois déjà que des amis s’en sont allés par le fer et le sang, assassinés parce que journalistes ou caricaturistes, blasphémateurs ou bouffeurs de dévots et d’idoles de toute nature, irrespectueux en toutes choses et toujours plus ou moins éveilleurs de consciences rabougries, en une époque où tout se tend et se distend, où les hiérarchies essentielles s’effacent derrière le tout-se-vaut, où soufflent plus que jamais les airs de la démagogie libérale et de la marchandisation des êtres jusqu’à leur intimité, parfois leur inconscient même. Un mois, oui, un mois que leurs voix ont été anéanties dans le chaos d’un carnage inqualifiable qui n’a pas tué que des individus mais une certaine idée d’être-en-France, de faire-République, d’imaginer l’autre comme élément d’un soi-collectif si singulier qu’il a pu transcender dans l’histoire l’idée d’universalité en tant qu’objectif. Ce qui est mort avec les morts, nos morts, ce qu’ils ont emporté malgré nous, c’est une part de leur innocence, donc une grande partie de la nôtre, sachant qu’il nous faudra coûte que coûte poursuivre quelque chose, creuser le même sillon, labourer leur trace-sans-trace puisque «toute âme est une mélodie qu’il s’agit de renouer», si l’on en croit Mallarmé.

mardi 3 février 2015

Nouveau rapport de forces en Europe?

Alexis Tsipras, engagé dans une tournée anti-austérité afin de compter ses soutiens en vue d’un allégement de la dette, pourra tester les yeux dans les yeux la sincérité de François Hollande.

Alexis Tsipras.
Souvenons-nous. Avant son élection, François Hollande voulait s’attaquer à la finance et réorienter l’Europe. Ces desseins n’étaient que des mots… Après avoir tenté, en vain, de rencontrer Hollande dès mai 2012 pour parler de l’avenir de l’Union européenne, Alexis Tsipras est invité ce mercredi à Paris par le président de la République. Le premier ministre grec, engagé dans une tournée anti-austérité afin de compter ses soutiens en vue d’un allégement de la dette, pourra tester les yeux dans les yeux la sincérité du chef de l’État français. Une manière de le mettre au pied du mur, de le rappeler à ses contradictions. Face à l’audace de la politique proposée par Tsipras, comment réagira François Hollande, dans sa volonté affichée d’aborder «l’ensemble des questions» soulevées par la nouvelle situation en Grèce? Continuera-t-il à s’aligner benoîtement sur Angela Merkel? Ou aura-t-il le courage d’ouvrir un vrai dialogue? Ce mercredi, la France sera observée comme jamais par les peuples européens: elle s’honorerait de rouvrir officiellement le débat.

dimanche 1 février 2015

"Soldat Jaurès": la critique vidéo de Gérard Collard

Le libraire et chroniqueur littéraire Gérard Collard possède la librairie La Griffe Noire, à Saint-Maur-des-Fossés, l'une des trente plus importantes de France. Il a lancé en 2009 le Salon international du livre au format de poche, il fait également partie de l'équipe de rédaction du blog lesdeblogueurs.tv et participe à plusieurs émissions de télé, tous les vendredis dans Le Magazine de la santé, sur France 5, ou sur le plateau de Valérie Expert, dans On en parle, sur LCI.
Voici la critique qu'il vient de réaliser concernant mon dernier roman, "Soldat Jaurès", sorti mi-janvier aux éditions Fayard.

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https://www.youtube.com/watch?v=C2KEaO2T7jc