dimanche 30 décembre 2012

Pour le véritable changement, nos voeux de luttes!

Il n’y avait déjà pas grand-chose dans la réformette fiscale du gouvernement, mais pour le coup, après la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe à 75%, si Hollande ne tient pas bon, il n’en restera rien. Sinon la chronique d’un prévisible et pathétique échec...

Ainsi donc, le Conseil constitutionnel a volé au secours des très riches. Eu égard à la composition ultra-conservatrice dudit Conseil, pas de quoi s’étonner. On pourrait même en rire: les sages sont à la République ce que les boursiers sont à l’argent. Mais comment s’amuser d’un épisode aussi lamentable qu’ambigu alors que la France vit l’une des crises sociales les plus épouvantables de son histoire contemporaine? En annulant la fameuse «super-taxe» à 75% pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros, les membres du Conseil ont fait parler le droit – en faisant surtout de la politique!

Février 2011, lors de l'émission "Parole de candidat".
C'est ce jour-là qu'il proposa la taxe à 75%...
Le Conseil constitutionnel refuse que la contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hautes rémunérations touche les individus, puisque l’impôt sur le revenu concerne les foyers fiscaux : dont acte. Mais en retoquant l’une des seules mesures en rupture avec les politiques passées, les sages ont provisoirement enterré l’une des promesses les plus emblématiques de François Hollande. Souvenons-nous. Ce projet phare et symbolique avait été annoncé sans réelle préparation en février 2012, autant pour se démarquer du bouclier fiscal sarkozyste que pour répondre à la vague rouge de la campagne du Front de gauche.

vendredi 21 décembre 2012

Mémoire(s): Normal Ier converti au zapatérisme?

Doit-on considérer que le libéralisme politique et culturel est un tropisme typiquement social-démocrate? Ce qui expliquerait la conversion non négligeable de socialistes au libéralisme économique...

François Hollande et Laurence Parisot.
Normal Ier. (Suite.) Le spectacle de la souffrance d’autrui se donne à voir – à lire plutôt – dans la danse macabre des mots reçus au Palais. Ces temps-ci, les êtres écorchés par la vie écrivent beaucoup à Normal Ier, autant de traces visibles livrées aux tourments d’inquiétudes obsessionnelles. Dans le palmarès des troubles exprimés, la progression de la pauvreté des couches populaires arrive en tête (du genre «la gauche ne peut pas laisser faire ça» ou «que retiendra l’Histoire du quinquennat si la situation des plus démunis ne change pas, au moins un peu?», etc.), suivie de près, de très près même, par les fortes inquiétudes du peuple de gauche face aux politiques conduites (du genre «vous avez été élu pour un changement de société» ou « un nouvel échec du PS au pouvoir sonnerait le glas de tout espoir et pourrait bien emporter toute la gauche », etc.). Des mots pour prémunir tout écart du monde réel.

Gégé. Sans doute Normal Ier se serait-il passé de «l’affaire» Depardieu. Pour des raisons qui nous échappent (des blessures intimes? des rancœurs? le ras-le-bol borderline d’un voyou finalement plus «mégalo» que ses personnages et moins «peuple» qu’annoncé?), notre Gégé national, si brillant à l’écran, a légitimé la plus caricaturale attitude ultralibérale que nous puissions imaginer: les soutiens de Laurence Parisot et de toute la droite réunifiée en témoignent. La France lui a tout donné? Lui pense qu’elle lui a trop pris. Une simple affaire de proportion? En vérité, l’acteur se comporte en sarkozyste de base, singeant les patrons du CAC 40, qui réclament toujours plus malgré la santé parfois poussive de leurs entreprises et qui, une nouvelle fois, se sont allègrement augmentés durant l’année 2012…

lundi 17 décembre 2012

François Hollande: inventaire accablant

Le 6 mai dernier, le peuple de gauche a voté pour un virage social. Et il se retrouve avec un virage social-libéral…
Hollande à Florange... avant son élection.

La semaine dernière, inquiet de voir sa cote de popularité fléchir, particulièrement au sein des catégories populaires, François Hollande se serait longuement confié à un proche. On lui prête cette phrase: «Les réformes de société sont emblématiques pour la gauche, et tenir ses engagements sur ces sujets est important, mais pour les catégories populaires, l’urgence, c’est de manger le soir et de se chauffer l’hiver.» À défaut d’adhérer à l’essentiel de ses décisions économiques et sociales depuis sept mois, nous partagerons au moins avec lui la lucidité de son constat. Et puisque son ministre, Pierre Moscovici, se plaît à citer René Char à tout bout de champ, voilà une occasion comme une autre de mise en garde, avec le poète: «La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil.»

Si l’épisode de Florange a porté un rude coup à la crédibilité du président quant à sa capacité à résister aux puissants, sans parler de sa légitimité à évoquer «la justice sociale» comme moteur de toutes ses décisions, que dira-t-on, ce mercredi, à la lecture du projet de loi sur la réforme bancaire, qui n’aura qu’une lointaine parenté avec ce que le candidat Hollande avait promis?

samedi 15 décembre 2012

Référence(s): que se passe-t-il sous le règne de Normal Ier?

Moins programmatique que pragmatique, le chef de l'Etat serait le produit d’un mélange indéterminé «des» gauches historiques et nous perdrions notre temps à vouloir lui donner une origine et une saveur. A voir...

Normal Ier. Reprenons la lancinante chronique du règne de Normal Ier là où nous l’avions laissée. À ce propos. Convient-il encore de chercher les mots qui ne fâcheraient pas? Est-ce toujours pertinent? En un temps où le vocabulaire s’affadit et où l’on n’évoque plus que la surface des choses pour ne heurter aucune oreille, où l’ont ne dit plus «orage» mais «épisode pluvieux», ni «il va peut-être mourir» mais «son processus vital est engagé», même les mots du nouvel Héritier ont longtemps perdu crudité et saveurs canailles. Il a fallu attendre que son action devienne enfin lisible pour que, lui, retrouve un peu d’embonpoint et de friponnerie verbale, et nous, de quoi analyser le sens de ses actes sans être totalement risible. Soyons donc prudent – mais ferme.

Lecture. La phrase qui suit comprend un risque: sept mois à l’Élysée auront donc suffi pour nous décevoir, nous décontenancer ou nous conforter, selon ce que nous pensions avant le 6 mai dernier. Ce président, qui incarnerait plusieurs personnages «des» gauches historiques, reste aux yeux de certains une véritable énigme idéologique. Historiens, philosophes, sociologues et même anthropologues sont régulièrement conviés au chevet de sa politique pour en décrypter la lecture pratique et/ou symbolique. Beaucoup s’y cassent les dents – hors les habituelles références au delorisme (en priorité), au jospinisme (sa frilosité sociétale), au rocardisme (sa politique contractuelle), au mitterrandisme (cela va de soi), au mendésisme (sortez vos manuels) et même, n’en jetez plus, au jaurésisme (sic). Comme si la célèbre stratégie de synthèse du personnage, transformée depuis peu en méthode dite «du râteau», s’appliquait également à ceux qui commentent son action.

vendredi 14 décembre 2012

Non, Maurice Herzog n'étais pas seul au sommet de l'Annapurna...

[Maurice Herzog vient de mourir. L'occasion pour moi de mettre sur mon blog cet article que j'avais publié dans l'Humanité en décembre 1996 et qui remettait les pendules à l'heure...]

Maurice Herzog n'a pas effectué en solitaire le premier 8.000 de l'histoire, beaucoup le croient ou l'ont cru. Louis Lachenal, guide, a joué à ses côtés un rôle essentiel. Et pourtant la mémoire officielle, impulsée par Herzog lui-même, l'a oublié pendant quarante ans. Une réédition nous aide à comprendre.

Herzog au sommet de l'Annapurna.
«Si je devais y laisser mes pieds, l'Annapurna, je m'en moquais. Je ne devais pas mes pieds à la jeunesse française...» Mais Louis Lachenal les a perdus, ses pieds. Et dans la foulée de cette expédition de juin 1950 devenue (trop) mythique, beaucoup de ses illusions aussi. Amputées. Sectionnées. Broyées à jamais. Comme les mains de Maurice Herzog, son compagnon de galères à quelque 8.075 mètres, premier 8.000 de l'histoire de l'alpinisme sur lequel la mémoire très officielle s'est, en partie, substituée à la réalité. Dans son ouvrage «Annapurna, premier 8.000», traduit en quarante langues et vendu à plus de 10 millions d'exemplaires, Maurice Herzog avait capté toute la gloire. Dans la préface, on y parle d'Herzog-chef d'expédition avec «vénération». Pas un mot de Lachenal. Le guide disparaît, enfoui sous la légende Herzog. Aujourd'hui, la réédition de ses mémoires (1), à partir de carnets de notes, dans une version intégrale et non édulcorée, éclaire pourtant d'un jour nouveau l'épopée de 1950. Et écorne certaines idées.

Louis Lachenal est mort en novembre 1955, perdu dans une crevasse de la vallée Blanche. Maurice Herzog, bientôt secrétaire d'Etat, prend lui-même en charge sa veuve et ses deux fils. Cinq années avaient filé depuis le «premier 8.000». Et Lachenal n'avait jamais avalé la pilule.

jeudi 13 décembre 2012

Le gouvernement et Florange: la tache

Selon un document de Bercy, la nationalisation de Florange n’était pas ruineuse pour l’État...

«La clarté est la forme la plus difficile du courage.» Étrange pied de nez: faut-il donc que l’heure soit grave pour que nous osions citer cette formule de François Mitterrand, qu’il s’adressait sans doute à lui-même pour défricher son propre mystère. Appliquant ce concept au dossier Florange, nous pourrions dire que plus le temps passe, moins la clarté se fait – quant au courage… Quoi qu’il dise désormais, Jean-Marc Ayrault a accumulé trop de non-dits vis-à-vis des Français et trop de concessions au profit d’ArcelorMittal pour ne pas 
se voir affubler, par les salariés, du soupçon de trahison.

Pour ne rien arranger, à chaque jour son coup de théâtre. Dans le lot des révélations à charge contre Matignon, ce que le Canard enchaîné nous apprend ne va pas atténuer les tensions politiques et encore moins les rancœurs des ouvriers d’ArcelorMittal. Jusque-là, les études commandées par le gouvernement sur l’éventuelle prise de contrôle par l’État étaient restées secrètes. Elles ne le sont plus. Et, ô surprise, elles viennent contredire tout ou partie de l’argumentation pour justifier l’accord scellé avec le magnat de Calcutta. Les conclusions du document publié sont sans ambiguïté. Si l’on en croit le prétravail réalisé à Bercy, la nationalisation n’était ni ruineuse pour l’État ni juridiquement risquée. Ayrault parlait d’un investissement d’un milliard? Mensonge.

samedi 8 décembre 2012

Résistant(s) : avec les mots de Jacques Decour

Un livre de recueil des articles de presse clandestins du fondateur des Lettres Françaises. De quoi comprendre où se plaçait l’intellectuel durant les années de plomb...

Decour. «Sans doute devons-nous voir dans cette mort, dans la façon dont il la veut et l’accueille, le point le plus sublime auquel pouvait atteindre ce jeune homme si doué, qui promettait beaucoup trop pour pouvoir tenir, s’il avait vécu.» Lorsque la police française arrêta Jacques Decour pour le livrer aux autorités allemandes, le 17 février 1942, elle réquisitionna un recueil qu’il tenait dans la poche intérieure de sa veste. Sur ces pages figurait cette citation extraite d’un texte admirable sur le Rouge et le Noir dans lequel il évoquait la figure de Julien Sorel. Stendhalien dans l’âme, Decour n’était pourtant pas un adepte des autoportraits dans son œuvre romanesque. Mais de roman il ne s’agit point ici. Grâce aux éditions la Thébaïde et à Pierre Favre, qui a réuni ses écrits avec Emmanuel Bluteau, tous les lecteurs peuvent désormais découvrir, soixante-dix ans plus tard, un ensemble de trente-deux articles de presse clandestins de l’auteur, publiés dans l’Université libre, la Pensée libre et les Lettres françaises, organes clandestins de combattants, rassemblés sous le titre "la Faune de la collaboration" (350 pages), de quoi comprendre au premier coup d’œil où se plaçait l’intellectuel durant les années de plomb (1) pour réveiller la conscience de ses compatriotes face à l’occupation et à l’émergence des «écrivains français en chemise brune».

Lettres. Tous les amoureux-lecteurs des Lettres françaises connaissent bien sûr le nom du cofondateur (avec Jean Paulhan) de cette revue mythique, dirigée par Louis Aragon après-guerre, actuellement par Jean Ristat. Mais savent-ils que Jacques Decour, qui avait adhéré au PCF en 1936, avait la passion de l’Allemagne?

jeudi 6 décembre 2012

Florange, "compétitivité": quelle image pour le gouvernement...

Le moment politique est assez terrifiant pour François Hollande.

En cette époque où le choix du significatif est fonction du degré de présence à l’écran, il est des images qui restent plus que d’autres. Comment interpréter les mimiques significatives de la ministre de la Culture et élue mosellane, Aurélie Filippetti, invitée à commenter l’avenir sidérurgique de sa région alors qu’elle venait à Lens pour inaugurer l’écrin du Louvre décentralisé? Elle déclara d’abord sans aucune hésitation: «Il n’y a pas de confiance dans Mittal. Cela fait quatre ans que je suis aux côtés des salariés, la parole de cet industriel ne vaut rien.» Avant d’ajouter, bien sûr, qu’elle avait une «confiance absolue» dans la gestion du dossier Florange par le chef de l’État. Les images peuvent passer ; les mots obligent. Alors que de nombreux députés socialistes expriment de moins en moins sourdement leurs «troubles» devant les décisions économiques du gouvernement, Jean-Marc Ayrault est venu en personne, hier, s’expliquer devant eux. Pour lui, un seul objectif: démentir «de la façon la plus solennelle» tout accord secret avec Lakshmi Mittal, alors que ses services, à Matignon, refusaient de délivrer la moindre information et répétaient jusqu’à l’absurde qu’«un accord industriel entre l’État et un opérateur privé n’a pas à être rendu public». Qu’y a-t-il donc à cacher?

Le premier ministre n’a pas répondu à ses anciens collègues du groupe socialiste, pourtant, il attendait de ces derniers une discipline totale pour soutenir son projet de loi de finances rectificative. Pas simple.

jeudi 29 novembre 2012

ONU : justice pour le peuple palestinien !

La reconnaissance en tant qu’État permettra à la Palestine de replacer le droit international au centre des discussions.

Dans la vie des observateurs engagés que nous sommes, par la grâce 
de l’actualité et l’imagination 
du monde renouvelée, il est des moments très particuliers où se croisent l’Histoire avec un grand H et l’émotion de tout ce qui nous constitue. Il faut alors que les mots utilisés pour le dire s’engrènent dans une étonnante succession de simplicités, à tâtons, avançant ainsi dans la prudence, instruits 
du passé et sans rien ignorer de l’ampleur du chemin à parcourir. Ce qui va pourtant se passer à l’ONU dans les prochaines heures devrait rester comme
un moment important de ce début de XXIe siècle. Tout indique que l’admission de la Palestine comme État observateur au sein des Nations unies sera votée 
par l’Assemblée générale. Comment ne pas s’en réjouir?

De même, comment ne pas se réjouir que la singularité historique de la politique étrangère française, malmenée ces dernières années, soit de nouveau à l’œuvre dans ce dossier ? Après quelques hésitations, Laurent Fabius a en effet confirmé que la France voterait en faveur de cette admission. Cet engagement solennel trouvera un écho favorable chez tous ceux qui, depuis des mois, se mobilisent au fil des initiatives de solidarité envers les Palestiniens. Sans cet élan populaire, que nous avons vu grandir, François Hollande aurait-il aujourd’hui le même courage?

vendredi 23 novembre 2012

Peine(s) : quand Derrida enseignait la déconstruction de l'échafaud

Les éditions Galilée publient le premier volet de «Séminaire. La peine de mort» (vol. 1, 1999-2000, 402 pages). Un événement philosophique.

Derrida. Comme les fragments d’un registre sans date arrachés à une longue nuit, l’envie s’invite parfois par effraction ou par nécessité. Ainsi l’autre soir, saisis par un élan irrépressible qui nous a entraînés loin dans l’insomnie, il nous fallut revisionner une fois encore le formidable documentaire D’ailleurs Derrida, de Safaa Fathy (éditions Montparnasse, 2000), et de nouveau se laisser bercer par le verbe, l’image et la voix – mon Dieu, cette voix ! – de Jacques Derrida, comme un retournement du temps d’autant plus nécessaire qu’à chaque «actualité» éditoriale post-mortem du philosophe, l’émotion de sa disparition et de son manque nous étreint comme au premier jour. Ses premiers mots, dans D’ailleurs Derrida, restent gravés dans le marbre de notre mémoire fondamentale: «Ce qui vient à moi, depuis longtemps, sous le nom de l’écriture, de la déconstruction, du phallogocentrisme, etc., n’a pas pu ne pas procéder à une étrange référence à un “ailleurs”. L’enfance, l’au-delà de la Méditerranée, la culture française, l’Europe finalement. Il s’agit de penser “à partir de” ce passage de la limite. L’ailleurs, même quand il est très près, c’est toujours l’au-delà d’une limite. Mais en soi. On a l’ailleurs dans le cœur, on l’a dans le corps. L’ailleurs est ici. Si l’ailleurs était ailleurs, ce ne serait pas un ailleurs.»

Mort. L’actualité éditoriale principale de Jacques Derrida ce mois-ci nous provient (sans surprise) des remarquables éditions Galilée, qui publient le premier volet de «Séminaire. La peine de mort» (vol. 1, 1999-2000, 402 pages, 35 euros).

mercredi 21 novembre 2012

Communes en difficulté : égalité territoriale ?

Sevran n’est pas un cas isolé. D’autres villes connaissent le même désengagement financier de l’État…

Parfois, le sentiment de sombrer dans un gouffre où l’ombre seule domine et grandit sur le sol même où se portent vos pas vous contraint à agir autrement. Nous pouvons penser ce que nous voulons de l’action choisie par le maire de Sevran, Stéphane Gatignon. Pour certains, il y eut de l’indécence dans sa grève de la faim, en raison de la violence désespérante du geste, de son symbole ultime, et aussi parce qu’il occultait mécaniquement sa propre responsabilité dans la gestion de quelques dossiers dans sa ville. Pour d’autres, au contraire, l’acte extrême fut l’expression d’un courage politique et citoyen ne visant qu’à un but : s’affamer pour sauver sa ville de la déroute financière. Quelle que soit son opinion, une chose est sûre. Cette escalade dans le mode opératoire aura au moins eu l’intérêt d’attirer l’attention sur la situation dramatique de certaines communes. Et singulièrement de leurs populations, souvent les grandes oubliées.

Prenons la mesure. Venue des territoires, grands ou petits mais surtout de plus en plus pauvres, nous remonte une inquiétude de moins en moins sourde et d’autant plus urgente que cette «crise dans la crise» accélère ce que nous pouvons appeler désormais des «fractures territoriales». Pour bien se faire comprendre et ne pas évoquer uniquement les communes, prenons l’exemple simple et presque absurde de la Seine-Saint-Denis.

dimanche 18 novembre 2012

Oubli(s) : de la "Der des ders" au mélange des genres...

Connaissez-vous les poilus Jean Lambert et Jean-Julien-Marie Chapelant, tous les deux honorés le 11 novembre dernier? De quoi réfléchir, à l'heure des confusions mémorielles.

14-18. Qui étais-tu, toi qui as traversé le siècle dans le silence des morts disparus, pour un long temps oublié des mémoires officielles, comme anéanti aux hommes par des souvenirs enfouis sous le chaos matriciel? Qui étais-tu, toi l’enfant de Bésingrand, petit village béarnais coincé sur la rive gauche du gave de Pau dont les flots lèchent l’esprit des âmes fortes, à Luz-Saint-Sauveur, à Argelès-Gazost, à Pau, avant de se jeter dans l’Adour. Qui étais-tu, toi, fils d’une famille de métayers, les Lambert, toi qui te prénommais Jean? Si l’on en croit ceux qui ont établi tes derniers instants, tu as été porté disparu le 23 août 1914, bien loin de tes Pyrénées natales. Ton dernier souffle, tu l’as poussé à Gozée, en Belgique, et tes yeux, dans un ultime sursaut de terreur ou de poésie de survie, ont sans doute aperçu des herbes folles dont tu ne connaissais pas les noms. Tu es tombé, sur cette terre de mâchefer martelée par la mitraille, le cœur ouvert aux sangs mêlés. Peut-être as-tu poussé un cri d’horreur, un cri tôt englouti par la fureur du néant, un cri qui, sache-le, nous parvient si clairement que, quatre-vingt-dix-huit ans plus tard, nous avons passé des heures à tenter d’exhumer les faits, à les imaginer, dans un travail si ingrat et ridicule d’imprégnation qu’il nous a accaparés jusque tard dans la nuit, faisant de nous le témoin anachronique d’une tragédie universelle.

vendredi 9 novembre 2012

Panique(s) : pourquoi J.K. Rowling m'a convaincu

Avec "Une place à prendre" (Grasset), l'auteur d'Harry Potter nous embarque dans l'autopsie d’un monde en perdition. C'est une réussite. Et voilà pourquoi...

Rowling. Pour lutter – malgré soi – contre le scepticisme dominant qui s’octroie les mérites de toutes opinions préétablies sur tout et n’importe quoi, il n’est jamais trop tard pour ne pas taire ses faiblesses (assurément considérées comme telles) et pourquoi pas passer aux aveux, même les plus incongrus, quitte à s’attirer les foudres de la « critique » instituée en oligarchie journalistique (propre aux personnages d’anciens régimes)... Livrons ainsi sans détours la plus improbable des confessions qu’il se puisse imaginer par les temps qui courent : oui, le bloc-noteur a aimé le dernier livre de J.K. Rowling. Voilà, c’est dit. Avec d’autant plus de sincérité qu’il y a comme une évidence à imaginer que toutes les précautions d’usage ne serviront ni de caution morale ni de paratonnerres à toutes les diatribes possibles et imaginables, et au fond assez légitimes si l’on n’a pas lu les 680 pages du livre en question. «Comment ? Il a osé lire ça, lui, et en plus il a aimé? Inconcevable, mon dieu!» Inconcevable peut-être, mais bien réel. «Une place à prendre», publié chez Grasset pour l’édition française, s’avère non seulement digne d’intérêt mais passionnant à plus d’un titre, à condition de vouloir dépassionner la discussion sur le buzz médiatique ayant précédé la sortie mondiale du livre (pas simple), mais surtout à condition de parvenir à oublier «Harry Potter», la première oeuvre qui fit connaître J.K. Rowling (encore moins simple). L’auteur avait prévenu: ce texte «destiné aux adultes» ne ressemblerait en rien à sa série blockbusterisée pour la jeunesse. Elle n’avait pas menti.

samedi 3 novembre 2012

Perversion(s) : quand Christine Angot nous désole...

Avec Une semaine de vacances (Flammarion), l'écrivain nous invite à une lecture aussi éprouvante que choquante. Explications.

Angot. «La voiture démarre. Sur les lauzes, qui recouvrent les toits, il y a peu de neige.» Il faut attendre longtemps avant la première éclaircie littéraire. «Ça, ça renforce l’impression d’être dans un endroit hors du monde, à part, et que les vies sont différentes.» Patienter de longues, très longues minutes, dans notre progression, avant la toute première respiration des mots, offrant le moment de répit tant attendu à force d’être restés à bout de souffle. «Il n’y a rien. Pas un rideau qui s’ouvre, pas un visage, pas un enfant, pas un vieillard.» Comme si, enfin, nous venions d’ouvrir une fenêtre pour brasser l’air d’un coup de vent favorable et réparateur. «Il n’y a personne en vue sous cette gamme de gris nuancés à l’infini, en harmonie avec les nuages, nimbés par la lumière céleste qui les transperce.» Nous sommes à la page 58. Il y en a 137 en tout. Peu – et beaucoup à la fois. La lecture du dernier livre de Christine Angot, Une semaine de vacances (Flammarion), est l’une de ces épreuves journalistiques contraintes – quoiqu’un peu tardive – qui laissent des traces indélébiles. De l’ordre de l’indicible. Quelque chose que nous ne savons immédiatement classifier en toute sincérité.

Excitation. Écrit, paraît-il, en deux semaines du côté de l’auteur, destiné à être lu en deux heures du côté des lecteurs (trois heures en vérité, en comptant les pauses salvatrices), le livre de Christine Angot reprend donc le récit de l’Inceste (Stock, 1999) pour mener une expérience d’écriture grave (dans tous les sens du terme), radicale (pour le lecteur non préparé) et dangereuse (quant au procédé littéraire). Comment résumer cette histoire de pédophilie ou d’inceste – allez savoir – pour que chacun puisse, en son âme et conscience, accéder à ce texte en pleine connaissance de cause?

jeudi 1 novembre 2012

Révoltes de 2005 : leçons, mais quelles leçons ?

Les banlieues depuis 2005? Le chômage progresse, la paupérisation galope, les solidarités sociales sont à bout de souffle...
La date peut paraître anodine. Mais celle-ci charrie autant de souvenirs inébranlables que d’amertumes difficiles à dépasser. Voilà sept ans et quatre jours très exactement que Zyed Benna, dix-sept ans, et Bouna Traoré, quinze ans, périssaient électrocutés dans un transformateur EDF, à Clichy-sous-Bois. Le 27 octobre 2005. Prélude à un mouvement inédit de révoltes urbaines, qui prit toutes les formes: spontané, revendicatif, partagé, parfois violent et/ou enflammé. Qu’on se rende compte, ce n’est qu’aujourd’hui, sept ans après, déjà, que la Cour de cassation doit se prononcer sur le pourvoi formé par les familles des victimes. Elles espèrent toujours la tenue d’un procès en correctionnelle pour les deux policiers suspectés d’avoir pourchassé Zyed et Bouna…

À l’époque, une partie des Français découvrait, il était temps, la réalité de la fracture sociale de certaines banlieues et, avec elle, la radicalisation des difficultés socio-économiques. A-t-on tiré les leçons des révoltes de 2005? Mais quelles leçons, quand la paupérisation galope et que 70% des familles vivent sous le seuil de pauvreté, quand le taux de chômage y dépasse les 40%-50%, quand un gamin sur deux vit l’échec scolaire, quand les solidarités sociales sont à bout de souffle? Stigmatisation, discriminations économiques, sociales et culturelles: ici, ce que la République a de meilleur semble avoir reflué, vaincu par on ne sait quelle logique inégalitaire...

vendredi 26 octobre 2012

Champion(s) : le vélo après Armstrong...

Toutes les victoires du monde valent-elles qu’on dépouille l’homme de son esprit, de sa morale, de son libre arbitre? Et que dire d’une performance quand elle se mesure dans le sang?

Vélo. Nous n’entrons jamais par effraction dans la sacristie du vélo, les yeux embués par l’émotion trahie, titubant mais cherchant çà et là, épars parmi nos propres convulsions, quelques traces de notre sport aimé, de notre Tour chéri, nous disant que, toute foi devenue impossible, il nous fallait cheminer parmi les ombres en préservant l’Idée par laquelle nous refusons l’exécution. Les initiés le savent : le cyclisme a toujours été 
un cercle de feu que les mots seuls peuvent verbaliser. Las. Mangé par le temps (celui de la globalisation) et le dopage (celui de la biochimie sanguine et génétique), le vélo a cessé d’être cet art figuratif que le chronicœur de Juillet a croisé trop brièvement lors de ses toutes premières Grandes Boucles 
– déjà 23 au compteur… Pourtant, en tendant bien l’oreille, nous percevons la rumeur du siècle dernier, le sifflement des roues sur l’asphalte et les cris du peuple du Tour. Mieux, en chaussant des lunettes grand braquet, le nez dans les Saintes Écritures, nous dénichons dans le livre des Illustres de quoi nous consoler les yeux. Des histoires à veiller à la chandelle. Pour ne pas avoir à nous rouler comme un bidon dans le fossé.

Armstrong. Écœurés par la métamorphose des corps et la perversion des esprits au service du biopouvoir, que pouvons-nous dire qui n’ait été jamais énoncé ou suggéré, à défaut de nous trouver une place, une petite, en intelligence et en raison? Croyez-nous, par sa vérité nue qu’aucune tricherie 
ne peut aliéner totalement, le vélo permet de sonder les âmes.

mardi 23 octobre 2012

Armstrong : enfin, la roue tourne

Célébré par Bush et Sarkozy, l'ex-septuple vainqueur du Tour désormais déchu de tous ses titres, fut le symbole du catéchisme marchand.

«Armstrong n’a aucune place dans le cyclisme. Il mérite d’être oublié.» En entendant ces mots, hier, dans la bouche du président de l’Union cycliste internationale, Pat McQuaid, il nous fallut un long moment d’introspection pour mesurer à sa juste valeur le poids des années endurées comme l’ampleur du cataclysme annoncé. Comprendre ne va jamais sans tremblements, surtout quand il s’agit du plus grand scandale du sport moderne. Depuis la lecture du rapport de l’agence antidopage américaine (Usada) et ce qu’elle appelle «une conspiration du dopage le plus sophistiqué jamais révélé dans l’histoire», il ne pouvait en être autrement. Exit l’ex-idole de juillet. Enfin!

Acteur cynique d’une époque née de la métamorphose des corps par le sang et la génétique, Lance Armstrong avait mis en place «un système mafieux» pour «assurer le secret» sur une organisation gigantesque, au service d’une icône incomparable et inégalée. Souvenons-nous.

lundi 22 octobre 2012

Poilu(s) : Jean Echenoz réinvente 14-18 par les mots

Avec son dernier livre, l'écrivain réussit le tour de force de nous faire pénétrer dans l’horreur vécue, avec son concret, sa déchéance, ses états d’âme et même la souffrance et la mort au combat, sans jamais s’embourber dans la grande fresque guerrière.

Jean Echenoz.
Echenoz. L’enfer est à venir – dans pas longtemps. Et avec lui une certaine banalisation du non-pensable – en tant qu’imaginaire enfoncé. Pour l’instant, les croyances de l’amour se brûlent d’elles-mêmes comme un mystère déchiffrable à mesure que s’élancent ou se résignent les incitations aux grâces de la vie. Dans les toutes premières pages de 14 (éditions de Minuit), le dernier roman de Jean Echenoz, une certaine Blanche est amoureuse de Charles et celui-ci parade, comme les autres, avant de partir au front, fleur au fusil et joie aux lèvres. Nous sommes en août 1914. Charles, jeune mobilisé, sur lequel Blanche porte «un sourire fier de son maintien martial», traîne avec lui une bande de copains. Ils s’appellent Anthime, Padioleau, Bossis et Arcenel, autant de patronymes qui éveillent l’imagination à leur simple lecture, sûrement dénichés sur quelques monuments aux morts. Témoins privilégiés des réalités d’une histoire mondiale racontée à hauteur d’homme.

Cauchemar. Nous voilà avec un garçon boucher, un équarrisseur, un bourrelier, un contremaître. Des camarades de pêche et de bistros. Ils «partent» à la guerre. Et nous partons avec eux ; nous les accompagnons, plutôt ; et chemin faisant nous tentons d’imaginer ce que ces hommes, ces gamins, pouvaient ressentir et penser alors que le chaos allait s’abattre sur eux, transformant l’insouciance de leur existence en cauchemar absolu.

vendredi 19 octobre 2012

Cyclisme et dopage : le système Ferrari mis à jour

La Gazzetta Dello Sport vient de révéler les rouages du système mis en place par le docteur italien Michele Ferrari. Un vaste système de comptes bancaires en Suisse, de faux contrats et d'évasion fiscale pour financer le dopage...

Le médecin Michele Ferrari.
L'Espagne avait l'affaire Puerto, une vaste organisation de dopage autour du tristement célèbre docteur Fuentes. L'Italie découvre (sans vraiment le découvrir d'ailleurs) le système Ferrari. Déjà abondamment cité dans le rapport de l'USADA sur Lance Armstrong, le médecin italien de 59 ans a pendant des années régné sur un réseau à grande échelle de dopage: voilà ce que vient de révéler la Gazzetta dello Sport, jeudi 18 octobre, en s'appuyant sur l'enquête judiciaire de Padoue mené depuis 2 ans. Les juges ont carrément démasqué une entreprise qui pesait "un chiffre d'affaires de 30 millions d'euros", impliquant, tenez-vous bien, vingt équipes professionnelles entre 2008 et 2011... Michele Ferrari est ainsi poursuivi pour "association pour contrebande", "vente et administration de produits dopants", "blanchiment d'argent" et "évasion fiscale". N'en jetez plus!

jeudi 18 octobre 2012

Armstrong abandonné de tous

Après son sponsor Nike, au tour de Trek, du brasseur Anheuser-Busch et d'autres encore, de lâcher le cycliste américain.

Lance Armstrong, de plus en plus seul. Pour un peu, un soupçon d'émotion se cacherait derrière l'écriture de ces quelques mots... mais n'exagérons pas, tout de même! L'ex-septuple vainqueur du Tour a en effet été brutalement lâché, mercredi 17 octobre, par l'un de ses plus solides soutiens, l'équipementier Nike, puis par Trek, le fabricant des cycles avec lesquels il a gagné tous ses titres de gloire, par le brasseur Anheuser-Busch, par une société de boisson énergétique (FRS), par une compagnie de nutrition sportive (Honey Stinger) et même par le fabricant des casques Giro… Tout cela en quelques heures. Comme si l’opération «débarrassons-nous d’Armstrong» avait été concertée par toutes les sociétés qui s’étaient associées à lui durant si longtemps.

Une semaine après le rapport accablant de l'Agence américaine antidopage (Usada), qui a détaillé son rôle dans «le programme de dopage le plus sophistiqué jamais vu dans l'histoire du sport» (et que je raconterai ici-même dans quelques jours sous la forme d’un feuilleton), l'Américain de 41 ans a également annoncé qu'il démissionnait de la présidence de Livestrong, l'association de lutte contre le cancer qu'il avait fondée en 1997 sous le nom de «Lance Armstrong Fondation», peu après avoir vaincu la maladie. Ainsi donc, cerné de toutes parts, Armstrong a choisi de s'éloigner de sa fondation afin, déclare-t-il, de la préserver des dommages collatéraux et lui «épargner les effets négatifs liés à la controverse entourant (s)a carrière de cycliste».

Le poison eurocrate : quand Bruxelles veut privatiser la Sécu !

Livrer notre Sécurité sociale
à la concurrence transformerait notre système public en un marché d’assurances privées.

Les monstres modernes agissent 
avec la froideur implacable 
de leur époque. La preuve, nous ne nous méfions jamais assez des eurocrates de Bruxelles. Toujours à l’affût d’une occasion pour tenter de constitutionnaliser le libéralisme dans les moindres interstices de leurs directives, ils ont l’art d’immiscer leur poison sous la forme de mots obscurs, en apparence indolores, mais qui, inoculés par surprise, ont la puissance des venins mortels. Ainsi, quelle ne fut pas la surprise de quelques députés européens en découvrant l’une des annexes d’une proposition de directive sur la «passation des marchés publics». Maître d’œuvre, l’ineffable Michel Barnier, alias commissaire européen au Marché intérieur et aux Services. Ce projet propose ni plus 
moins que de livrer la Sécurité sociale à la concurrence. 
Par le biais d’appels d’offres, notre actuel système public 
se transformerait en un marché d’assurances privées.

L’affaire est sérieuse. Introduire des mécanismes dits de «concurrence» au sein d’un secteur jusque-là sanctuarisé autour des principes sacrés de solidarité signifierait la fin d’un des derniers piliers de notre pacte social. La possibilité de soigner gratuitement, quelle que soit la gravité du mal et quel que soit le niveau de vie du malade, reste une prérogative fondamentale de la République que nous ont léguée les membres du Conseil national de la Résistance.

mardi 16 octobre 2012

Mordillat : «Un écrivain sert à ne jamais renoncer à l’esprit critique»

Pour la rentrée littéraire, l’écrivain et réalisateur Gérard Mordillat, toujours résolument engagé, frappe un grand coup avec Ce que savait Jennie (Calmann-Lévy), un roman qui emprunte à l’opéra pour sa construction, au conte philosophique pour le récit romanesque – plus que jamais aux prises avec le réel. Le personnage de Jennie vous hantera longtemps après lecture… Voici l'entretien que j'ai réalisé avec lui.

-Le titre de votre dernier livre, Ce que savait Jennie, porte l’écho d’une œuvre célèbre d’Henry James, Ce que savait Maisie…
Gérard Mordillat. De Maisie, Henry James écrit, je cite de mémoire: «Le destin de cette petite fille était de comprendre bien plus que toute autre petite fille n’avait jamais compris avant elle.» Je dirai exactement la même chose de Jennie. De treize ans à vingt-trois ans, c’est cette extraordinaire compréhension du monde que le livre raconte à travers les aventures de sa vie…

-Quelle est la situation de Jennie?
Gérard Mordillat. Sa situation familiale est éclatée. Jennie vit avec Olga, sa mère, et Mike, le compagnon de celle-ci. Mike n’est pas son père, il est celui de Malorie, une autre fille, qu’il a eue avec Olga. Jennie considère Malorie comme sa sœur et plus encore comme son enfant puisque c’est elle qui s’en occupe du matin au soir. Sur le plan géographique et affectif, je dirais que Jennie vit dans une grande solitude et un grand isolement. Mike travaille dans le bâtiment, part tôt et rentre tard, Olga travaille en usine, la maison qu’ils habitent est à peu près au milieu de nulle part, entre une route et une voie de chemin de fer. Pour autant, nous ne sommes pas dans le quart-monde. Tout le monde travaille, la famille est logée, ils ont de quoi manger, de quoi s’habiller, Jennie et Malorie sont scolarisées. C’est une situation modeste, celle de bien des familles en France ; une situation que certains, à droite, n’hésiteraient pas, j’en fais le pari, à décrire comme «privilégiée»…

-Quelle a été la construction de ce livre?
Gérard Mordillat. En écrivant ce livre, j’avais en tête un opéra en quatre actes ou un chant à plusieurs voix, la Force du destin, de Verdi, ou les Kindertottenlieders (le Chant des enfants morts), de Mahler. Acte I. Juillet 2000, Mike, le beau-père de Jennie, fête ses quarante ans avec ceux du chantier et sa famille.

lundi 15 octobre 2012

Héritier(s) : l'aspiration à l'égalité des enfants de l'immigration

Le savez-vous? 97% des enfants d’immigrés sont de nationalité française. Conclusion? Rien ne sépare les héritiers de l’immigration du reste de la société.

Quartier. «La douleur de la banlieue… déborde, éclabousse et perturbe… La promiscuité, l’échec scolaire, le chômage sécrètent cet ennui qui égare et expulse ceux qui en souffrent vers la marge.» Relisant l’autre jour ces quelques mots de Tahar Ben Jelloun, nous avancions, à tâtons, au milieu de souvenirs épars jusqu’aux heures avancées de la nuit en écoutant, çà et là, le quartier hurler à en vivre. Des gémissements de voiture au loin. En bas, la rumeur trop pleine d’une infatigable jeunesse. Et puis dessus, dessous, le bruit lassant et répétitif de vies désœuvrées qui ne cessent de déraper faute de routes tracées. Vous voulez du vécu, de la matière à réalité? En voici, terrible et troublante, re-belle, repoussante et aimante. «Comment agir encore pour que cela change?» dit un voisin sans y croire. «La cité n’est pas un territoire étranger, c’est la France», affirme Abd Al Malik, le poète rappeur, cri du cœur contre cris de haine. Cet inhabitable, cet irrespirable sont autant de recours
pour le combat qu’ils épuisent l’idée même de lassitude. Le mystère est là, indéchiffrable. Nulle absence ne touche davantage le bloc-noteur que son quartier populaire éloigné, sa solidarité, sa solidité obtuse, son bouillonnement malgré sa misère, qui adoucissent toute envie d’autres lieux, d’autres immensités humaines.

Pauvreté. Pendant que certains s’affichent dans la Ville lumière, qui scintille aux abords de l’autre côté du périph, d’autres subissent des conditions d’existence que la pudeur nous empêche de décrire. Les sociologues appellent cela «la radicalisation des difficultés socio-économiques» des territoires en question. Banlieue: concentré des tensions françaises?

vendredi 12 octobre 2012

Affaire Armstrong : des complicités à l'UCI ?

La lecture du rapport volumineux de l'Agence antidopage américaine laisse apparaître de possibles protections...

Mentir tout le temps, tricher massivement, conspirer, organiser des réseaux et acheter le silence de tous pour parvenir à ce que l’agence antidopage américaine, l’Usada, appelle «une conspiration du dopage le plus sophistiqué jamais révélé dans l’histoire»… Dans les grandes lignes, nous savions à quoi nous attendre. Nous avons désormais les preuves détaillées! Oui, Lance Armstrong et son entourage avaient bien mis en place «un système mafieux» pour «assurer le secret» sur une organisation gigantesque. (LE RAPPEL DES FAITS.)

Mais l’Usada, dans son rapport de plus de mille pages, ne fait pas qu’accabler l’Américain et ses affidés de l’époque. Entre les lignes, elle accuse l’Union cycliste internationale au mieux de complaisance, au pire de complicité. L’enquête révèle en effet que Johan Bruyneel, le directeur sportif, et Lance Armstrong lui-même étaient manifestement au courant des jours et des heures des contrôles antidopage concernant leur équipe. De même, l’Usada explique qu’il «y a moins d’une chance sur un million» pour que les paramètres sanguins du Texan, en 2009, au moment de son come-back, «aient été naturels». Armstrong aurait-il bénéficié de protection(s) au sein même de l’UCI? À l’évidence, le grand déballage ne doit pas s’arrêter là…

[COMMENTAIRE publié dans l'Humanité du 12 octobre 2012.]

mardi 9 octobre 2012

Intouchable(s) : ce que nous dit le succès d'un film...

Alors que le DVD est sorti récemment, ce triomphe en millions de spectateurs est-il proportionnel à la détresse sociale de ce début de XXIe siècle ?

Succès. «Seul l’amour et l’amitié comblent la solitude de nos jours. Le bonheur n’est pas le droit de chacun, c’est un combat de tous les jours. Je crois qu’il faut savoir le vivre lorsqu’il se présente à nous.» Orson Welles avait le don des choses simples et l’art d’en complexifier le sens. Que dirait-il, ici-et-maintenant, face à ce dilemme très contemporain : comment toucher les cœurs par temps de catastrophe? Et comment se mettre en situation de «s’ouvrir» aux autres sans calcul ni tricherie? Question (à tiroirs) tellement brûlante que chacun, depuis quelques semaines, y va de son petit commentaire plus ou moins savant pour expliquer et décrypter 
le surprenant et tonitruant succès public du film Intouchables. Déjà dix millions – et presque autant affirmant «vouloir le revoir». De quoi rester tétanisés par l’ampleur du phénomène, dans la mesure où l’analyse de l’objet cinématographie en lui-même ne nous apporte pas de réponses significatives. Le talent des auteurs? Pourquoi pas. La justesse du jeu des acteurs? À l’évidence. L’incroyable histoire d’amitié de deux personnages que tout sépare? Sans doute. Et après, beaucoup de bruit pour rien? Comme avec Titanic ou Bienvenue chez les Ch’tis, qui résistent peu à l’examen critique? Ou beaucoup d’entrées pour de bonnes raisons – évidemment autres qu’artistiques?

Fraternité. La première manière d’entrevoir une partie de la réalité est sans doute de raisonner cul par-dessus tête. Par retournement. En temps de catastrophe globale, donc intime (comme sur le Titanic), l’abolition des classes (sociales) face à l’inéluctabilité du drame se produit d’autant plus symboliquement qu’elle en révèle toutes les injustices (sa condition détermine son rang). Chacun s’y retrouve donc. Intouchables provoque le même effet, en tant qu’il verbalise la catastrophe hors classes tout en jouant avec les classes: la catastrophe personnelle touche n’importe qui, le riche comme le pauvre, le Blanc comme le Black. Et le handicapé côtoie le stigmatisé.

lundi 8 octobre 2012

Qui sont les pigeons ?

En renonçant à son projet de taxer plus les revenus de cessions d’actifs, le gouvernement adresse un message de soumission à l’égard du patronat.

Jadis, nous apprenions que la vocation suprême «de la» politique consistait à décréter, avec le peuple et contre les intérêts dominants, quelle idée était utile à l’humanité, lesquelles étaient futiles ou malfaisantes. Voilà désormais que certaines des décisions «politiques» se prennent sous 
la pression de quelque lobby à la vulgarité bien-pensante, sans même prendre le temps d’étudier si l’avidité ne serait pas, par hasard, la source et la ressource de leur envie 
de prédation ou de négation de l’intérêt général.

Ainsi donc, il aura suffi qu’une poignée d’entrepreneurs, alias «les pigeons», vienne dénoncer les projets fiscaux du gouvernement pour que celui-ci annonce une invraisemblable volte-face. Et pas n’importe laquelle. En assurant que le gouvernement «reverrait sa copie» sur la taxation des revenus de cessions d’actifs, Jérôme Cahuzac, Pierre Moscovici et Fleur Pellerin ont montré des signes de faiblesses, pour ne pas dire de lâcheté, tout en adressant un message de soumission à l’égard du patronat… En moins de quatre jours, le gouvernement Ayrault a cédé à un groupuscule maniant à merveille l’art de la manipulation médiacratique. Que dénoncent en effet, la main sur le cœur et le verbiage haut, ces bons messieurs «entrepreneurs», jamais les derniers à donner des leçons de maintien en néocapitalisme appliqué et choc de compétitivité? Rien d’autre que la fin d’un privilège!

vendredi 5 octobre 2012

Pourrissement(s): après le drame d'Echirolles

Comment expliquer les assassinats de deux jeunes par une bande? Comment expliquer ce qui s'apparente parfois à une barbarie ordinaire?

La marche "blanche".
Échirolles. «L’attaque n’a pas duré plus de deux minutes.» Un témoin raconte et pleure – le vent se lève au loin, les feuilles jaunissent. «Les agresseurs se sont ensuite immédiatement évaporés.» Nous mettons en sourdine nos soupirs assouplis – comme pour encager nos tourments. Devant la douleur exposée, notre fragilité nous accable tant, que nous pourrions croire qu’elle est sa propre fin… Puisque le réel est plus violent que toutes les formules de style, afin de donner la chair 
à voir et ne pas se cacher derrière une pudeur devenue inutile, faut-il donc avoir peur de certaines expressions ? De quoi les meurtres de deux jeunes à Échirolles sont-ils le signe, sinon d’une barbarie ordinaire parfois banalisée, minimisée? Mais après le battage médiacratique, lorsqu’un semblant de lucidité nous assaille, une seule question vaut d’être posée: qu’est-ce qui a pu conduire un groupe de jeunes gens à s’adonner à un déferlement de violence si inouï qu’il a provoqué la mort de deux hommes, la stupeur et la désolation de tout un pays?

Effarement. Un mauvais regard suffit ; avant de tuer. Comment? Pourquoi? À moins que ce «pourquoi» ne reste une interrogation si mystérieuse que sa nécessité finisse par se perdre elle-même. Que dire encore, sinon notre effarement devant les faits?

lundi 1 octobre 2012

Malaise(s): le Qatar veut faire l'aumône dans les banlieues...

Le gouvernement a finalement accepté le projet polémique d’un fonds pour les banlieues, financé en grande partie par un émirat omniprésent en France...

Le PSG, version Qatar.
Vérité. Heurt de vérité. Connaissez-vous l’ultime cours au Collège de France de Michel Foucault? En parcourant l’intégralité de ce texte dans le Courage de la vérité (Gallimard-Seuil, 2009), il est frappant – pour ne pas dire admirable – de constater comment et pourquoi le philosophe s’assignait à lui-même les risques du «dire-vrai», dévoré, hanté par la vérité, non comme discours ou concept absolu, mais comme acte: ne pas feindre ou taire. Pour lui, dès lors, malgré l’aridité du procédé et les dangers à encourir, le philosophe doit devenir «missionnaire universel du genre humain», «médecin de tous», mais aussi homme du «scandale de la vérité», «agressif», celui qui va «secouer les gens, les convertir», qui veut «changer le monde» plutôt que de rendre les gens heureux.

Qatar. Qu’on se rassure, le bloc-noteur ne joue pas au philosophe enragé… Mais puisque la coïncidence fait genre et que ce texte tomba sous nos yeux précisément cette semaine, ce je-ne-sais-quoi d’appropriation méthodologique fut bien utile pour ne pas réfréner notre colère devant l’officialisation de la perfusion financière qatarienne pour les quartiers populaires. Vous l’avez vu comme nous. Le gouvernement a finalement accepté le projet polémique d’un fonds pour les banlieues, financé en grande partie par un émirat omniprésent en France. Et comme nous, forcément, vous vous êtes longuement interrogés sur l’interprétation à donner à cet étrange «feu vert» de l’État, en hésitant même sur le sens, donc l’ampleur, de votre éventuelle réaction épidermique. Rien de plus logique.

vendredi 28 septembre 2012

A Nîmes, la «corrida historique» de José Tomas…

C’est l’aficionado Francis Marmande, dans le journal Le Monde, qui nous informe d’une nouvelle de la plus haute importance: le toréro espagnol José Tomas n’a rien perdu de son génie!

José Tomas, à Nîmes, dimanche 16 septembre 2012.
 Du 12 au 16 septembre, lors de la Féria des Vendanges à Nîmes, quelques privilégiés ont, entre autres choses (mano a mano Morante-Manzanares, El Juli-Castella, etc.), assisté à un spectacle du mythique José Tomas en solo. Soyons précis: seul contre six. Le journaliste et chroniqueur du quotidien Le Monde, Francis Marmande, nous a délivré l’information, mardi 18 septembre 2012, dans un court article dont il a le secret. Francis Marmande écrit d’emblée qu’il s’agissait d’«un exploit pour toreros exceptionnels et en pleine forme» et un «défi pour José Tomas, 37 ans, trente-sept fois grièvement blessé», qui avait dit, un soir de 2000, «quand je vais toréer, je laisse mon corps à l'hôtel».

Citons Francis Marmande sans aucun scrupule tant la langue s'impose à nous: «Dans un étrange état de grâce et de sérénité, un sourire inhabituel aux lèvres, José Tomas a donc affronté six toros d'élevages différents, le dimanche 16, de 11h30 à 14h02. Autour? Flotte de jets privés à l'aérodrome de Garons loué depuis des mois. Marché noir stratosphérique. Arènes archi-combles. (…) Costume anthracite et or avec motifs mexicains pour le maestro. Pluie de récompenses. Sortie en triomphe par la Porte des consuls. Public en lévitation. Conversations de bar pour sept siècles. Internet en surchauffe. Relance d'un intérêt vacillant. Le torero déjà légendaire n'a pas, c'est le moins qu'on puisse dire, raté son rendez-vous avec Nîmes. Onze oreilles et une queue symbolique, plus un toro gracié. Peu avare de superlatifs par temps ordinaires, la critique taurine parle déjà de ‘’corrida historique’’, de ‘’corrida du siècle’’.»

jeudi 27 septembre 2012

Chômage : l'hécatombe

Le 6 mai dernier, les Français n’ont pas voté pour le chômage de masse, l’austérité et le renoncement !

«Le corps social perd tout doucement son lendemain.» Cette terrible formule de Paul Valéry concernait le royaume de France au temps de Montesquieu, avant 1789. Nous ne la choisissons pas au hasard pour évoquer l’ici-et-maintenant d’une actualité sociale épouvantable. Bien sûr, nous ne sommes probablement pas à la veille d’une révolution. Mais où en sommes-nous avec «notre lendemain»? Depuis hier, comme si le franchissement des caps symboliques servait à une prise de conscience plus collective qu’individuelle, les Français s’interrogent sur leur avenir en regardant, effarés, le taux de chômage officiel : la barre des trois millions vient d’être franchie. Un seuil plafond que la France n’avait pas atteint depuis bientôt vingt ans. Et encore, gardons-nous des comparatifs hasardeux, puisque seules certaines catégories de chômeurs sont désormais comptabilisées dans les statistiques certifiées conformes. Exit les chômeurs ayant exercé une activité réduite courte, un temps partiel, des stages, des formations, etc. Le vrai chiffre des sans-emploi en âge de travailler dépasse sûrement la barre des cinq millions, peut-être plus…

Et Michel Sapin? Le ministre du Travail n’en démord pas. «Inverser la courbe du chômage à la fin de l’année 2013» serait «un objectif de mobilisation, un objectif qui paraît atteignable». Cette forme singulière d’optimisme ne nous trompe pas. Fin 2013: c’est dans quinze mois! Autrement dit, M. Sapin nous annonce comme un fait acquis que le désastre social, non seulement ne s’arrêtera pas, mais risque de s’aggraver.

lundi 24 septembre 2012

La satire, une preuve de démocratie

Si la liberté d’expression n’est pas absolue, la démocratie ne devient-elle pas précaire?

«Il y a des caricatures plus ressemblantes que des portraits, des caricatures où l’exagération est à peine sensible et, inversement, on peut exagérer à outrance sans obtenir un véritable effet de caricature.» Au moins sur ce point, nous nous accorderons aisément avec Bergson pour accepter tout relativisme individuel. Notre maître Larousse lui-même, dans la définition qu’il donne du mot caricature, ne cache pas notre part de subjectivité: «Représentation grotesque, en dessin, en peinture, etc., obtenue par l’exagération et la déformation des traits caractéristiques du visage ou des proportions du corps, dans une intention satirique.»

Ce fut donc la loi du genre: Charlie Hebdo ne pouvait pas manquer de participer au «débat» sur l’islam qui agite le monde depuis qu’aux États-Unis, un obscur et détestable film d’un provocateur américano-égyptien sert de prétexte à une vague de manifestations antiaméricaines et, souvent, antioccidentales… Seulement, depuis quelques jours, des personnalités ont dénoncé le parti pris des dessinateurs de Charlie Hebdo, qui, en caricaturant Mahomet, «se retrouveraient aux côtés de fanatiques islamophobes» et transformeraient les islamistes «en premiers défenseurs de l’islam». Donc, au prétexte qu’il y aurait une limite à la provocation et qu’il convient de «réfléchir avant de craquer une allumette sur une poudrière», il ne serait pas interdit d’interdire, afin de tenir compte du contexte dans lequel se pratique l’art de la caricature ou de la satire.

samedi 22 septembre 2012

UCI : McQuaid veut-il vraiment "éradiquer" le dopage?

Le président de l'Union cycliste international reconnaît une "vraie culture du dopage" dans son sport mais refuse une commission spéciale pour faire toute la lumière...

Pat McQuaid.
En marge des championnats du monde, qui se tiennent jusqu’au dimanche 23 septembre aux Pays-Bas, le président de l’UCI, Pat McQuaid, a tenue une conférence de presse pour évoquer l’un des sujets les plus sensibles du moment. Le dopage, bien évidemment… L'homme est d'abord revenu sur le cas Lance Armstrong, puisque tous les observateurs s’étonnent de la lenteur de la décision des instances mondiales concernant le lourd dossier de l’Américain. Pat McQuaid a annoncé que l’UCI n’avait «pas l’intention d’aller en appel» pour contester la décision de l’USADA (l’agence antidopage américaine), sauf, bien sûr, «si l'examen des documents devait révéler un problème important». McQuaid a par ailleurs confirmé que sa fédération attendait toujours de l'USADA la «décision motivée» et le «dossier complet de l'affaire Lance Armstrong». Rappelons que le septuple vainqueur du Tour de France (1999 à 2005) a vu ses résultats sportifs ni plus ni moins annulés par sa fédération à partir de 1998 pour cause de dopage. McQuaid: «Il n'y a pas de délai réglementaire pour que l'Usada nous transmette ce dossier. Nous aurons ensuite 21 jours pour prendre une décision.»
Alleluia.

vendredi 21 septembre 2012

Eloge(s) de la Fête de l'Humanité...

La fierté de la Fête nous gonfle un peu. Question: comment la «poursuivre» et préserver jusque dans les moindres détails sa diversité, sa richesse?

Fête. Griffonnées dans le secret des arrière-stands, à l’ombre des estrades, les pages d’après-Fête nourrissent toujours le soupçon. Les lecteurs peuvent en effet s’imaginer quelque projet laudateur et, plus encore, le déchaînement ronflant de ruses et d’effets de plume pour dire et ne pas taire son propre enthousiasme devant ces instants réenchantés, si semblables chaque septembre recommencé, et pourtant si différents qu’ils forcent les portes de notre admiration. Ceux qui vinrent cette année, au moins le savent. Les jours de Fête de l’Humanité restent longtemps en nous, trace-sans-trace d’un immense bonheur qui nous dépasse. Et puisque la pudeur doit parfois s’effacer derrière l’évidence, admettons que l’irruption du génie collectif est une sorte d’ébranlement. Entre caresses reçues. Et coups de poing assénés. À moins que ce ne soit l’inverse.

Peuple. Rien de moins, donc, que de donner à la poésie sa vraie place, sans négliger le reste, ce qui émeut et énerve, ce qui tire les larmes et rend fou, l’éloge en humanité d’un instantané lumineux, éclairé par ceux qui le constituent avec, chevillé au corps, l’espoir insensé d’assouvir nos rages de poseurs d’idéal.

lundi 17 septembre 2012

La gauche (socialiste) au pouvoir est-elle vouée à décevoir?

Nous sommes instruits du passé et nous ne pouvons plus ignorer ce qui ressemble à un éternel recommencement, à savoir une petite espérance suivie d’une déception...

Crainte. Portés par un élan qui nous entraîne plus loin que nous-mêmes, toujours nous étreignent l’angoisse du gouffre, la peur du nulle part… Ces temps-ci, une légitime question nous hante tous, et, plus ou moins maladroitement, nous tentons de la formuler sans trop laisser la place à une radicalité définitive. Le «tous» s’adresse à ceux qui préservent en eux la même brûlure de la conscience, le même appétit pour l’idéal de progrès en marche, en somme la même soif de gauche! Voici donc notre version toute personnelle de cette interrogation lancinante: puisque nous sommes instruits du passé et que nous ne pouvons plus ignorer ce qui ressemble à un éternel recommencement, à savoir une petite espérance suivie d’une déception, pourquoi la gauche (socialiste) au pouvoir est-elle vouée à décevoir ceux qui l’ont installée au pouvoir? En d’autres termes, cette crainte est-elle plus légitime que jamais?

Désarroi. Ne fuyons pas les termes du débat. Car les premiers mois de la présidence de François II ressemblent à la bande-son d’un monde de moins en moins caché où dominent toujours, sans vraie rupture, les heurts d’une société in-humaine, où le chômage de masse et la paupérisation galopante deviennent la marque immanente de cette situation.

jeudi 13 septembre 2012

Jules Vallès: le littérateur des barricades

L’auteur de l’Insurgé ne peut être dissocié du journal 
qu’il fonda, le Cri du peuple, intimement lié au flamboiement de l’insurrection de la Commune de 1871.

«Debout entre l’arme et l’outil, prêt au travail et à la lutte, le peuple attend.» De la veille à l’insomnie, de la nuit sauvegardée au sommeil impossible, Jules Vallès conserva la même brûlure de la conscience, le même appétit de tenir ouvert le registre du combat. Ses ennemis, nombreux par-delà le XIXe siècle, l’ont dit «forban», «saltimbanque», «graine d’assassin» et même «immonde parmi les immondes», selon Léon Bloy… De son vivant et bien après, le Jules Vallès aux mains noircies de poudre et d’encre a tout connu, lui l’héritier de ceux qui inventèrent le journalisme moderne au nom d’une vieille règle immanente qui dicte sa loi : lorsque le peuple se dresse et aspire à l’émancipation, l’exultation collective passe par une profusion de journaux…

Pourtant, «l’œuvre» journalistique de ce communard en blouse rouge resta longtemps dans les limbes de l’histoire alors que ses écrits romanesques, admirés pour la trilogie (l’Enfant, le Bachelier et l’Insurgé), furent encensés. Le grand historien Henri Guillemin déclama ainsi sa passion: «Quand on pense au temps qu’il a fallu pour que la critique officielle reconnaisse que Vallès appartient à la plus haute lignée. Sans la moindre hésitation, je le place dans le peloton de tête des écrivains français, ceux qui savouraient les syllabes, dégustateurs de sonorités, créateurs de ces rythmes suprêmes» (1). L’écrivain et le journaliste ? Une seule et même personne.

mercredi 12 septembre 2012

Les films sur Raymond Aubrac doivent être diffusés à la télévision

Raymond Aubrac.
Laissera-t-on l’amnésie collective sournoisement endormir l’esprit critique?

Le lundi 16 avril 2012, Raymond Aubrac recevait les honneurs militaires aux Invalides, quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle. L’ensemble des responsables politiques du pays étaient présents et astreints au silence, comme pour mieux méditer le message de cet homme. La sortie, le 4 septembre dernier, du coffret réalisé par Pascal Convert et édité par l’INA regroupant les films Raymond Aubrac, les années de guerre et Raymond Aubrac, reconstruire (ce dernier pour l’instant inédit) préfigure la diffusion, que l’on espère prochaine mais hélas sans en être assurés pour l’instant, de ces deux documentaires sur France Télévisions.

Raymond Aubrac s’attristait toujours un peu de ce que ses visiteurs le questionnent, avant tout, sur son passé. Conscient que l’histoire ne se répète jamais deux fois de manière identique, il ne se posait pas en donneur de leçons et vivait au présent. En se préoccupant de l’avenir, tout particulièrement de celui de la jeunesse. Il ne cédait pas pour autant à l’amnésie collective qui sournoisement gagne et endort l’esprit critique. Après le formidable livre de Pascal Convert, Raymond Aubrac, résister, reconstruire, transmettre (Éditions du Seuil), les films Raymond Aubrac, les années de guerre et Raymond Aubrac, reconstruire permettent de mieux connaître le parcours de cet homme qui savait que la discrétion est la meilleure des armes pour celui qui souhaite, non la gloire personnelle, mais des résultats effectifs.

lundi 10 septembre 2012

Annie Ernaux: "Le pamphlet fasciste de Richard Millet déshonore la littérature"

Je me permets de citer longuement des extraits d'une tribune donnée par l'écrivain Annie Ernaux au journal Le Monde, daté du 11 septembre 2012, pour dénoncer le dernier livre de Richard Millet, intitulé Eloge littéraire d'Anders Breivik (Gallimard). Je m'associe pleinement au contenu du texte d'Annie Ernaux...

Annie Ernaux.
"J'ai lu le dernier pamphlet de Richard Millet, Langue fantôme suivi d'Eloge littéraire d'Anders Breivik (P.-G. de Roux, 120 p., 16 €) dans un mélange croissant de colère, de dégoût et d'effroi. Celui de lire sous la plume d'un écrivain, éditeur chez Gallimard, des propos qui exsudent le mépris de l'humanité et font l'apologie de la violence au prétexte d'examiner, sous le seul angle de leur beauté littéraire, les "actes" de celui qui a tué froidement, en 2011, 77 personnes en Norvège. Des propos que je n'avais lus jusqu'ici qu'au passé, chez des écrivains des années 1930. Je ne ferai pas silence sur cet écrit à la raison que réagir renforce la posture de martyr, d'écrivain maudit, qu'il s'est construite. Ou qu'il s'agirait là d'un délire, d'un "pétage de plombs" ne méritant pas une ligne. C'est dédouaner facilement la responsabilité d'un écrivain réputé pour savoir manier la langue à merveille. Richard Millet est tout le contraire d'un fou. Chaque phrase, chaque mot est écrit en toute connaissance de cause et, j'ajouterai, des conséquences possibles." (...)

L'évasion morale de Bernard Arnault

Le capital et le profit n’ont pas de patrie: pourquoi voudriez-vous que le patriotisme économique soit le fort de Bernard Arnault?

Voilà donc l’image que se font certains de notre pays. Voilà donc les lois de l’argent et le sentiment d’impunité. Voilà donc la caste des puissants en smoking, d’ordinaire bien dissimulés derrière leur phrasé et l’onctuosité de leur élégance moralisante. Vous aussi, vous la sentez l’haleine fétide de ceux qui usent et abusent de leurs privilèges jusqu’à s’essuyer les pieds sur notre bien commun, la République? Affirmons-le sans détour: toutes les raisons invoquées pour «expliquer» le souhait du super-patron, Bernard Arnault, de revendiquer la nationalité belge ne résisteront pas à l’examen de conscience. Le signal est donné, et pas n’importe lequel, un point c’est tout.

Le boss de l’empire du luxe LVMH, première fortune de France et d’Europe, quatrième mondiale, aura beau raconter la plus belle histoire pour enrober de miel sa «tentation de Bruxelles», nous savons, nous, qu’en voulant quitter la France au plus mauvais moment, il signe une véritable déclaration de guerre. Une guerre économique, politique et idéologique. Une guerre de classe…

dimanche 9 septembre 2012

Hésitation(s): cet été, de quoi certains faits furent-ils les noms?

Qu'y eut-il de commun entre certaines déclarations estivales et les "violences" à Amiens, au coeur du mois d'août? Petite réflexion, à la faveur de la rentrée...

Echos. Le temps a paru hésiter, avant de s’emballer – une brusquerie d’autant plus cruelle que, les années s’additionnant aux années, l’exécution de la durée finit par sonner comme une sanction, un film projeté en accéléré provoquant cette improbable contraction de notre horloge universelle… Au cœur d’un été triomphant, les silences furent heureusement troués 
par des échos lointains plus ou moins assourdissants. À l’ombre des montages, sur le pré pentu où s’épanchent des humains, des chats, des chiens et même parfois des poules égarées 
par le chant du coq ininterrompu, nos rêveries se fixaient comme autant de piailleries démesurées. Mais l’œil malin continuait discrètement d’éplucher la presse quotidiennement.

Casseurs. Dans le maelström, les mots se bousculèrent sans forcément se corréler. Un jour de canicule, le philosophe Alain Badiou déclarait sans détour: «Hollande nous fera cadeau d’un capitalisme fleuri. Dans ses grandes lignes, il représente une gauche de droite, disons une déclinaison particulière 
de la droite.» Le lendemain, l’écrivain Richard Millet, auteur d’un livre abjecte (Éloge littéraire d’Anders Breivik, Gallimard), dont il revendique à dessein les moindres adjectifs, assurait sans aucune honte: «Dans cette décadence, Breivik est sans doute ce que méritait la Norvège, et ce qui attend nos sociétés qui ne cessent de s’aveugler pour mieux se renier.»

vendredi 7 septembre 2012

BCE : fumée blanche...

En laissant comprendre que le financement des dépenses publiques par la BCE était non seulement possible mais indispensable, un petit tabou vient donc de vaciller: bien d’autres devront tomber pour sortir de l’Europe austéritaire...

Mario Draghi.
Ainsi donc, jusqu’à l’hypnose, tous les acteurs politiques et économiques de la zone euro avaient les yeux tournés, jeudi 6 septembre, vers le siège de la Banque centrale européenne. Son patron, Mario Draghi, devait confirmer les promesses qu’il avait avancées au début de l’été. «Prêt à tout pour préserver l’euro», il avait laissé entendre que la BCE pourrait se doter d’un nouvel outil d’achat de dettes des États pour abaisser les taux d’intérêt, devenus pour certains si prohibitifs qu’ils ruinent toute projection d’avenir. Alors, hier, lorsque Super Mario a annoncé que, effectivement, la BCE achèterait «sur le marché secondaire des obligations d’État» sans fixer «de limite quantitative», c’est comme si une fumée blanche venait de s’échapper de l’Eurotower de Francfort…

Ne plaisantons pas. L’information s’avère assez capitale.

samedi 28 juillet 2012

Esprit olympique, es-tu là ?

Les jeux Olympiques ne sont-ils devenus qu’artefacts et purs spectacles d’un rêve éventé?
«Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre.» Faut-il donc en appeler à Pierre de Coubertin pour se demander si la glorification de la geste sportive consiste uniquement à la soumettre à la nécessité épique des épreuves, à leur indéfectible incertitude, aux exploits insoupçonnés et aux détresses intimes? À chaque déification sportive, démesurément mise en scène par l’hyper-bulle économico-médiatique, nos interrogations ressurgissent. Plus grands? Plus chers? Moins humains? En somme: esprit olympique, es-tu encore là?

A l’heure où va scintiller la flamme des jeux Olympiques de Londres, brûlant tous les feux cathodiques en mondovision, nous aurions toutes les raisons de nous détourner de ce spectacle outrageant de puissance communicative, penser qu’il n’est plus qu’un théâtre désenchanté par l’appât du gain immédiat, l’antre piétiné d’une humanité ayant perdu le sens de son symbole suprême, jadis nommé «monde amateur», renvoyé depuis aux calendes grecques, squatté par des héros qui, pour beaucoup, ne méritent plus notre mythification…