jeudi 30 décembre 2021

Abstention, piège à cons

Ne pas voter, à l’évidence, signifie soit nourrir le système libéral, soit créditer les extrêmes droites qui profitent du confusionnisme ambiant et de la crise des institutions.

«La démocratie, c’est ce qu’il reste de la République quand la lumière s’éteint», assure le philosophe ­Régis Debray. À quatre mois d’une échéance électorale décisive, nous continuons d’observer le corps social en parodie, à l’agonie, qui insiste et s’acharne à nous inquiéter. Le tertre piétiné de la citoyenneté est là, sous nos yeux, et nous ne savons ce qu’il adviendra de la présidentielle, sans parler des législatives, deux rendez-vous hantés par le pire des spectres: celui de l’abstention.

Les derniers scrutins ont sonné l’alarme. La désertion des urnes lors des régionales et des départementales, en juin, a atteint un record historique sous la Ve République (hors référendum). L’abstention reste le premier «parti» de France, singulièrement dans les classes populaires et chez les jeunes, lesquels ont boudé à 90%… Depuis, impossible de ne pas échapper à un débat, une tribune, des enquêtes et des chiffres annonciateurs de catastrophes. Des taux de participation aussi faibles et récurrents laissent à penser que notre démocratie – très malade – bascule peu à peu dans ce que nous pourrions nommer une «République de l’abstention», aux conséquences désastreuses.

Abstention, piège à cons! Car ne pas voter, à l’évidence, signifie soit nourrir le système libéral, soit créditer les extrêmes droites qui profitent du confusionnisme ambiant et de la crise des institutions, littéralement à bout de souffle. La monarchie républicaine a non seulement organisé l’irresponsabilité des dirigeants en leur octroyant le pouvoir suprême de mettre en péril nos biens communs, mais elle a également écarté les citoyens du processus de décision politique. La confiance semble rompue, expliquant en grande partie l’accélération du désenchantement du bulletin de vote au risque d’un séparatisme civique de grande ampleur.

Rien n’est pourtant écrit, ni fatal. À condition de retrouver le chemin du développement démocratique – une VIe République – à partir des réelles préoccupations des Français et des valeurs collectives de justice et d’émancipation. Les penseurs progressistes, les syndicats et les forces de gauche prônant les Jours heureux ont un énorme rôle à jouer pour éviter le pire, alors qu’un dispositif politique pensé en haut lieu est mis en place pour sauver le capitalisme financier et empêcher toute alternative de transformation sociale. 

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 30 décembre 2021.]

jeudi 16 décembre 2021

Centimilliardaire(s)

Les projets fous des maîtres du monde.

Capitalisme. Dormons tranquilles, les milliardaires de la tech veulent inventer notre futur… tout en s’occupant de leur présent! Pour eux, il a fallu inventer un nouveau terme, celui de centimilliardaires, afin de les différencier des «petits» milliardaires, tant ils se situent en orbite du capitalisme globalisé. La pandémie a été une période faste pour les trois Américains qui accaparent tous les esprits mondialisés. Même le Figaro le note: «Au cours des vingt derniers mois, leurs fortunes ont atteint des sommets encore plus vertigineux. (…) Aux États-Unis, où la richesse individuelle suscite plus fréquemment l’admiration que la méfiance ou l’envie, leur puissance commence à susciter des critiques.» Les vainqueurs en question de la décennie des crabes, vous les connaissez bien. Elon Musk, le constructeur des automobiles électriques Tesla et des fusées spatiales SpaceX, a vu sa richesse quadrupler et dépasser le PIB de l’Afrique du Sud. Il a ravi à Jeff Bezos, le patron d’Amazon, le titre de personne la plus riche du monde. La fortune de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a dépassé les 100 milliards de dollars. Le bloc-noteur ne résiste pas au bonheur de citer cette précision du Figaro: «Des fuites du fisc américain ont révélé que la plupart d’entre eux ne payaient que très peu et parfois pas d’impôts sur le revenu. Même si c’est de façon totalement légale, puisque leur richesse provient de la montée en flèche de la valeur de leurs actifs, comme les actions et les biens immobiliers…»

Moyens. Les polémiques reflètent à merveille le rôle considérable de ce triumvirat de la finance, ainsi que la manière dont ils aspirent à façonner notre à-venir. Entre projets fous et influence sur la société dite «moderne» qui surclasse, et de loin, celle des autres multimilliardaires de la planète, ils sont à la fois visionnaires et pragmatiques, destructeurs et bâtisseurs, mais surtout actifs, à partir de leurs propres projets économiques, des évolutions du capitalisme dont ils détiennent en partie les clefs du futur. Leur pouvoir, ils le détiennent de leur immense richesse qui leur fournit des moyens comparables ou souvent supérieurs à bien des États, renvoyant les Ford et autres Rockefeller au rang d’ancêtres amateurs. Commentaire savoureux du Figaro: «Leur individualisme, leur défense de la libre entreprise et leur hostilité aux impôts les rapprochent des courants conservateurs. Mélange d’idéaux technocratiques et d’utopies libertaires, ils ont en commun une croyance dans le progrès technique pour réparer les dégâts commis par l’industrialisation et répondre aux grandes angoisses eschatologiques de notre temps.»

Horizon. Nous y voilà. Se prêtant le destin absolu d’ingénieurs persuadés de leur vision du monde hyperlogique et hyperbolique, ils rêvent d’offrir un nouvel horizon à l’humanité par la conquête de l’espac ou d’une réalité virtuelle. Elon Musk, à la tête de Tesla et de SpaceX, dit: «L’histoire va bifurquer dans deux directions. L’une d’elles consiste à rester sur Terre pour toujours, et à faire face à un événement dramatique d’extinction de masse. L’alternative est de devenir une civilisation spatiale et une espèce multiplanétaire.» Mark Zuckerberg, qui développe son nouveau monde par la réalité virtuelle augmentée, déclare: «Nos plus grands défis nécessitent des réponses mondiales, comme la fin du terrorisme, la lutte contre le changement climatique et la prévention des pandémies.» Quant à Jeff Bezos qui fournit aussi les puissants serveurs qui stockent près d’un tiers des informations sur Internet aux États-Unis, y compris celles du gouvernement et de la CIA, il ose: «La publicité est le prix à payer pour une pensée incomparable. L’intelligence est un don, la gentillesse un choix.» Ces gens-là veulent nous sauver de nous-mêmes. Sans aucune philanthropie.

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 17 décembre 2021.]

mardi 14 décembre 2021

Tableau noir

L'école craque sous nos yeux... 

L’éducation nationale, version Jean-Michel Blanquer, ne manque pas d’idées… ni de toupet. Alors que les établissements scolaires pâtissent cruellement de bras pour pallier les absences non remplacées des enseignants, des fonctionnaires à la retraite sont appelés à la rescousse. Vous avez bien lu. Voilà la bouteille à la mer lancée par l’institution publique dans de très nombreux départements: le recours aux vétérans.

En vérité, le Covid et ses conséquences ne sont qu’un catalyseur et un accélérateur d’un problème plus général, lié non pas à une «crise de vocation» mais bien à une crise de recrutement. Malgré la prime d’activité annoncée par Blanquer, le nombre de candidats aux concours d’enseignants poursuit sa chute. D’où le recours massif aux contractuels. D’où cette impression de «grande débrouille». Des parents d’élèves, exaspérés, activent leurs réseaux. Et certains rectorats postent des annonces à Pôle emploi ou sur Leboncoin…

Ce tableau noir n’est pas sans nous rappeler ce qui se passe à l’hôpital. L’école craque sous nos yeux. D’autant que le contexte sanitaire ne s’arrange pas, contrairement aux données «officielles» du ministère, qui minimise l’impact et la réalité de la propagation du virus. Chacun a bien compris que le nombre de classes fermées était artificiellement diminué grâce au nouveau protocole. Un exemple: tandis que le ministère déclarait 48494 élèves malades en une semaine, le ministère de la Santé en trouvait, lui, 21787 pour la seule journée du 6 décembre. Cherchez l’erreur. La pagaille est totale. Mais Jean-Michel Blanquer joue la montre.

Et pendant ce temps? Le Parlement n’a rien trouvé de mieux que de proposer une loi LaREM qui va chambouler à bas bruit tout le primaire: la création d’une fonction de directeur d’établissement, dans la droite ligne de la visée libérale macroniste. Autonomie, nous dit-on, quand il s’agit de transformer l’école en entreprise, avec sa logique managériale propre et ses dérives prévisibles. Emmanuel Macron n’a-t-il pas déjà annoncé des expérimentations permettant aux futurs directeurs de «choisir l’équipe pédagogique»? L’éducation nationale n’en portera bientôt plus que le nom…

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 14 décembre 2021.]

vendredi 10 décembre 2021

Éclat(s)

Des mots sur des maux, par Régis Debray.

Rire. «La vie nous joue des tours, à domicile et à tout âge. Finalement, elle est plus drôle qu’on ne croit. Une raison de plus pour la prendre au sérieux.» Ainsi écrit Régis Debray dans Éclats de rire (Gallimard), son dernier livre. Au passage de l’été, le philosophe, médiologue et écrivain a traversé une épreuve physique, sous la forme d’un accident vasculaire cérébral, dont il dit: «Un trouble dans l’hippocampe, et voilà une joyeuse pagaille. Le lien ne se fait plus, la cocasserie s’installe. Cohérence en baisse, trous de mémoire, déséquilibre garantis. Le tout s’en va, les riens remontent.» Et il ajoute: «Le glaneur des deux rives n’en demande pas plus. Et comme un homme se déconstruit en moins de temps qu’il lui en a fallu pour se construire, on peut profiter de sa mise en pièces pour prendre en note l’intempestif.» Le résultat par la plume, «du décousu main», selon sa propre définition, est prodigieux de drôlerie et de profondeur intellectuelle, entre «remembrances, épigrammes, pirouettes, brèves de comptoir», bref, autant de petits énoncés et autres aphorismes ou anecdotes qui se succèdent «sans logique ni protocole» au nom de la vie, de la Raison et de l’esprit, non sans venir titiller les grandes visions panoramiques du monde d’ici-et-maintenant, ce qu’il nomme la «généralité molle». Il précise d’ailleurs: «Pour les idées qu’on se fait du vaste monde, il est conseillé de se rendre sur place, comme pour acheter chaussures et pantalons. La vente par correspondance, pour le on-dit ou la bienséance, est une commodité rentable, mais source d’erreurs graves.»

Solitude. Rendant hommage à Georges Perec, qui lui prêta jadis son appartement parisien, et à Fidel Castro, qui l’adouba côté engagement révolutionnaire, Régis Debray rappelle que tenir tête à la plus grande puissance du monde lorsque nous ne sommes rien d’autre qu’un «trublion périphérique» force le respect, puisqu’«un rien peut faire tomber». Se qualifiant volontiers de «castro-perecquiste», l’homme n’oublie pas, en premier plan collectif, le bon usage d’une nation par la narration, mêlé des rêves d’un Chateaubriand et des chœurs de l’Armée rouge. «Comment sortir du lot dans le tout-à-l’ego ambiant? demande-t-il. En faisant comme tout le monde, c’est-à-dire en montrant n’importe comment, où et quand, qu’on n’est pas n’importe qui. Le cercle vicieux rend fou – ou méchant.» Et puisque le prix à payer d’être soi confine à la solitude, Debray met en garde les imprudents: «Se prendre pour ce que l’on est en fait, sans délire ajouté, c’est le début de la fin. Une dépression assurée, non remboursée par la Sécurité sociale.»

Espoir. Le philosophe au long cours – celui du temps-long et du phrasé permanent pour l’expliquer en détail – n’a jamais caché la nécessité vitale de monter au feu, non sans lucidité, mais en gardant toujours en soi «quelque illusion lyrique». Tout est affaire d’engagement fondamental et de vocabulaire pour l’inciter, malgré l’épuisement spirituel – et contre l’époque de moins en moins épique. Il écrit: «“Décadence” déconsidère. Cela sent par trop le réac, le moisi, voire le facho. “Déclin” est moins compromettant et plus grand genre, cela fait Empire romain (…). “Fin de siècle”? Chaque chose en son temps, on n’est qu’au début du nôtre. “Fin de partie”, c’est rigoureux comme du Beckett, mais cela manque de charité.» Magistrale rhétorique, moins dépourvu d’espoir qu’il n’y paraît. Surtout quand il prévient la jeunesse du monde par ces mots, plaqués sur des maux: «Laissons les irresponsables vanter “la fin des idéologies”. Ils portent atteinte à la morale publique. En tant que permanente incitation au suicide collectif, voir les choses en face, sans conneries ajoutées, devrait relever du Code pénal.» Il cite aussi Julien Gracq, son grand ami: «Le sens de la formule, c’est dangereux. Méfiez-vous. Cela peut tuer.» Et Régis Debray conclut: «Il avait tort: on a survécu. Il avait raison: mais dans quel état!» Du grand art. Et par les temps qui courent, de la pensée sereine.

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 10 décembre 2021.]

mardi 7 décembre 2021

Contre-courant

Vraiment à droite, la France qui vient? 

A priori, le paysage médiatico-politique des derniers jours ne devrait pas nous inciter à l’optimisme. Entre la désignation de Valérie Pécresse à la droite de la droite LR, qui vient parapher la fin d’une certaine idée du gaullisme (pour peu qu’on y ait jamais cru), et le meeting de l’odieux Éric Zemmour, qui concentra à Villepinte à peu près tout ce que l’extrême droite peut offrir de pire, mélange absolu de haine verbale et de violences physiques mises en pratique, tout l’espace public nous apparaît broyé par les immondices d’une France rance et dégoûtée de sa propre destinée universaliste et républicaine. Soumis à la domination massive de l’émotivité conditionnée, le pouvoir de la Raison semble molesté par la magie du «live» et des thèmes imposés.

À une question près, néanmoins: l’ultradroitisation de notre pays est-elle une réalité si tangible que nous n’y pourrions rien? En somme, à cinq mois d’échéances électorales décisives, les citoyens français sont-ils vraiment hantés par le «grand remplacement» et toutes les thèses indignes scandées par les âmes sombres du poujadisme et du néopétainisme, quand bien même de nombreuses études viennent en contredire l’idée? La France qui vient ne ressemblera sans doute pas à ce que nous promettent les prophètes de malheur…

Ne confondons pas la puanteur des débats proposés par certaines chaînes d’information avec la réalité du corps social environnant, plus divers qu’on ne l’imagine. Si un positionnement «à droite toute» inspire beaucoup d’esprits, n’oublions pas que les «valeurs de gauche», elles, continuent de progresser régulièrement – et de manière très structurée parmi les jeunes générations. Une récente étude d’EVS (European Values Study) montrait par exemple «une hausse des valeurs de tolérance et d’égalité» en France, tandis que notre société «devient plus permissive, moins conservatrice». Quant à l’attachement à la justice sociale, il demeure essentiel pour plus de 70% de nos concitoyens, sans parler de l’aspiration à la «solidarité», au «partage des richesses», à «l’intervention de l’État», à «la réduction des inégalités», etc.

Une espèce de «socle commun» se trouve là, sous nos yeux, à portée de mains collectives. À contre-courant des idées reçues, les dynamiques de fond de la société française ne sont pas forcément là où la majorité des projecteurs posent leurs faisceaux. 

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 7 décembre 2021.]

vendredi 3 décembre 2021

Ignoble(s)

L’adversaire de Zemmour-le-voilà? La République.

Clip. Un naufrage français en cache toujours d’autres, quand toutes les manipulations – bien plus calculées qu’on ne l’imagine – se déversent sans retenue. Le clip de Zemmour-le-voilà, ayant pour fonction d’annoncer sa «candidature» à la fonction suprême, dépasse l’entendement en tant que nouveau genre aussi absurde qu’accessoire. Résumons: pour qui se prend-il, l’histrion, puisque, pour lui, tout est permis? Son métier, nous le connaissions: la haine. Sa fonction essentielle aussi : la polémique raciste, ­misogyne et pétainiste. Son rôle fondamental: distiller de l’ignominie pour diviser, rompre, fracturer une société pourtant malade des inégalités. L’indécence n’a donc plus de limite. Singer ainsi le général, celui de l’Appel du 18 juin, les yeux rivés sur son texte, devant un micro vintage, plongé dans une fausse pénombre d’heures sombres. En vérité, tout concorde dans ce mauvais théâtre du révisionnisme ambiant, poussé jusqu’au paroxysme du ridicule et de la caricature, qui en disent long sur l’atmosphère idéologique. Une pantalonnade fétide assumée. Celle d’un néofascisme tranquille. Celle d’une extrême droite verbeuse aux références abjectes et pédantes. Sans parler des tentatives de récupération, de Barbara (qui chanta Göttingen, «les enfants sont tous les mêmes, à Paris ou à Göttingen») à Brassens, de Gabin à Sautet, de Voltaire à Rousseau… N’en jetez plus. Les morts sont en nous et n’ont rien à voir avec cet exhibitionnisme crapuleux, eux qui, tous, auraient exécré la France vichyste, précisément celle qu’il tente à toute force de réhabiliter pour la ressusciter.

Pétainiste. Petit rappel, face à ce simplisme, à cette démagogie sans nom, grossière et mensongère. L’idéologue contre-­révolutionnaire Zemmour-le-voilà, directement inspiré de la «révolution nationale» pétainiste, n’emprunte pas seulement aux années 1930 les thématiques religieuses et symboliques, mais aussi les stratégies de conquête du pouvoir, offrant une «réponse» unique à tous les problèmes: l’immigré, le musulman. Comme hier avec le juif, tout devient «basique», «limpide». Aucun interdit ne l’arrête. La preuve: il réhabilite Pétain en «sauveur de juifs français»­ – distinguant ces derniers des juifs étrangers au nom de la préférence nationale. Pourquoi cette tentative odieuse? Parce que, à ce jour, Vichy restait le mur infranchissable entre la droite et l’extrême droite. En ravivant la théorie du glaive et du bouclier, absolument délirante, Zemmour-le-voilà tient à associer dans un même «corpus historique» de Gaulle et Pétain. Bref, rapprocher les deux droites, son obsession. Logique implacable: la France d’abord, éprise d’un continuum sans fin, où tout se vaut, même le pire. La France, oui. La République, non. Voilà l’adversaire qu’il conviendrait d’abattre: la République. L’homme n’avait-il pas déclaré, en 2019: «Le nazisme est parfois un peu raide et intolérant»?

Hanau. Ce clip ressemble à un évident exercice de diversion. Beaucoup porteront plainte pour «utilisation d’images non autorisées», et pour cause. Lui se drapera dans la posture «victimaire», du «pourchassé», comme le revendiqua longtemps un certain Trump. Eux contre tous. Mécanique désormais bien connue. Demeure néanmoins un paradoxe. Pour enjoliver son laïus, Zemmour-le-voilà a lorgné l’Allemagne et le Danube, en choisissant la Symphonie n°7, de Beethoven, créée à Vienne en décembre 1813 lors d’un concert patriotique donné au bénéfice des blessés autrichiens de la bataille de Hanau. Posant devant une bibliothèque où trône une icône orthodoxe de la Vierge Marie, il assène en guise de fond sonore une musique utilisée par l’empereur d’Autriche, pour mobiliser son peuple contre la France. Une autre forme de nationalisme, vanté par Wagner, aux relents bientôt hitlériens. Un choix pas si étrange(r) que cela. Nous nous souvenons du refrain: «Radio-Paris ment», et de la suite du couplet. L’ignoble a choisi son camp. 

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 3 décembre 2021.]