mercredi 24 avril 2013

Mariage: les mêmes droits pour tous, enfin!

C’est dans la multiplicité des combats pour l’avancée de l’humanité qu’on reconnaît la gauche.

Comme pour le vote des femmes ou l’abolition de la peine de mort, la France n’aura donc pas été pionnière pour accorder le droit au mariage pour tous. Il aura fallu attendre 2013 pour que la République acte une évolution largement anticipée par les citoyens. Ainsi, tenter de traduire en quelques mots simples et précis l’exacte ampleur de notre émotion, hier, lorsque les résultats des votes se sont affichés dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, s’avère une tâche assez illusoire. Il était 17 h 06. La loi venait d’être adoptée. Nous nous sentions à la fois immensément petits et tellement grands face à cette horloge de l’Histoire mise à l’heure, qu’il était temps de dire notre fierté et notre soulagement. 
Les mêmes droits pour tous! Enfin!

Aucune différence ne peut plus servir de prétexte à des discriminations d’État. Cette victoire, arrachée aux obscurantismes, est essentielle pour les couples et les familles. Elle annonce surtout la disparition prochaine d’une inégalité qui, au fil des bouleversements de la vie, était devenue insupportable.
Bien sûr, nous regrettons que les couples de lesbiennes n’aient pas encore obtenu l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA). Mais en ces heures importantes pour l’organisation de toute la société française, comment ne pas penser à tous ceux qui n’ont jamais renoncé au combat du mariage pour tous, affrontant les injures et l’opprobre, qu’ils soient militants des luttes contre les discriminations, défenseurs des droits, acteurs d’associations, élus et autres citoyens anonymes, tous épris de justice sans lesquels rien n’aurait été possible? Cet immense progrès a d’ailleurs valeur d’exemple: quand elle est sous surveillance des citoyens et quand elle se rassemble sur ses promesses, rien n’arrête la gauche! Si le gouvernement montrait autant de zèle à réorienter sa politique économique et sociale, personne n’oserait plus opposer les luttes sociales aux luttes sociétales… C’est dans la multiplicité des combats pour l’avancée de l’humanité qu’on reconnaît la gauche.

Pour en arriver à cette réforme qui parachève l’institution civile qu’est le mariage, jusque-là incomplète, nous aurons traversé – ce n’est pas terminé – un abominable calvaire d’ultra-droitisation. Triste droite, incapable de faire la différence entre la liberté d’expression et le déchaînement de haine et de violence, les agressions physiques de petites frappes extrémistes et intégristes, les intimidations, les chasses à l’homme et les passages à tabac homophobes. Boutin menaçait de «guerre civile» quand la Barjot pronostiquait «du sang». Depuis, les réseaux sociaux sont devenus fous. La haine et l’insulte politique, sexuelle ou identitaire, y pullulent. Avec son corollaire : la biologisation de la famille. Hier matin, une phrase était en tête des mentions sur Twitter: «Il faut tuer les homosexuels.» Honte à ceux qui ont rouvert les portes de l’ignominie...

Dans sa course folle vers l’extrême droite, l’UMP a été complice de cette radicalisation et de ce climat de violence politique à l’état pur, qui, à bien des égards, a ressemblé à une régression démocratique affligeante. Car les digues ont lâché. Hier, le vice-président de l’UMP, Guillaume Peltier, a justifié la présence du député FN Gilbert Collard lors de la manifestation du 21 avril en utilisant cet argument: «Est-ce que vous croyez que Simone Veil, Valéry Giscard d’Estain, Jacques Chirac ont été gênés de défiler aux côtés de Jean-Marie Le Pen le 24 juin 1984 pour l’école libre?» Mensonge. Il y a trente ans, le FN avait défilé dans un cortège à part. Voilà le genre de procédé minable auquel se prête l’UMP. Maintenant, tous les moyens sont bons pour excuser l’inexcusable.

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 24 avril 2013.]

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Cette loi ne constitue aucunement un nouveau droit, lequel apporterait un nouveau pouvoir. Elle est une simple permission accordée par un pouvoir politique aux abois à quelques uns soumis à l'irrésistible injonction de leur surmoi. Lacan: "Rien ne force personne à jouir, sauf le surmoi. Le surmoi, c'est l'impératif de la jouissance - Jouis!".
Elle s'inscrit donc dans une culture néo-libérale-libertaire dont la principale caractéristique est de dissoudre les divisions dogmatiques (Signifiant/signifié, public/privé, homme/femme, papa/maman, psyché/sôma, sachant/ignorant etc...) et les hiérachies pour leur substituer l'implacable logique de la Main invisible, c'est-à-dire de la souveraineté de l'individu-roi, de la monade ayant son principe de vie particulier (F. Engels), l'intérêt individuel dicté par les propagandes politiques et mercantiles, de l'injonction de jouissance.
Oui on peut dire que cette loi (qui restera dans la gorge des citoyens) est un immense progrès: vers l'abîme sans fond dans lequel l'humanité est en train de se jeter.

Anonyme a dit…

Ducoin a quand même raison: découper en tranches les droits est un mauvais réflexe. Le problème avec Hollande n'est pas le "mariage pour tous" mais son absence de perception sociale. En ce sens, Ducoin a parfaitement raison. Ne cherchons pas la petite bête.