lundi 19 septembre 2011

Cloaque(s) : quand la France se déshonore...

Époque. Face à l’actualité kidnappée par le cloaque des ambitieux dépourvus d’éthique, exprimons brièvement notre envie de transformer l’arène médiacratique en un théâtre d’ombres à ciel ouvert où le public – les citoyens – ne serait plus spectateur mais acteur. Pour ne plus seulement subir mais agir. Refouler la passivité de l’air du temps… L’autre soir, dans un espace clos où régnait une drôle de lumière, un écrivain mondain très «rentrée littéraire», prenant pour exemple 
la légèreté de son existence dorée, déclamait: «Et si c’était ça le bonheur, rien que l’instant présent, pas trop de rêves, surtout pas une promesse de lendemain.» Discours attrayant pour époque trouble et anxiogène. Toujours le même mal-être, parasite qui dévore le cœur et l’âme. Aucune progression sans rappel. Sentiment de crise en creux qui enserre dans les bras de l’abîme les victimes d’un monde rendu aux extrémités ?

Égout. «Le réel, c’est quand on se cogne», disait 
Jacques Lacan. Or le réel, à quelques mois d’une échéance électorale attendue et redoutée, ressemble à un égout pestilentiel dans lequel on voudrait nous noyer. Ici, un ponte local suspecté d’association de malfaiteurs. Là, un ancien président jugé pour emplois fictifs. Un peu plus loin, un ancien premier ministre accusé d’avoir réceptionné des valises et des tambours africains bourrés de billets de banque. À ses côtés, un «collègue» soupçonné d’avoir profité de rétrocommissions. Sans parler du reste. Un ex-futur-président qui aurait reçu des sommes en liquide de Bettencourt. La mise en examen d’un intermédiaire soupçonné d’avoir joué un rôle-clé dans l’affaire Karachi (la vente de sous-marins au Pakistan). Un ministre 
de l’Intérieur (n’ayant décidément rien pour lui) qui, quand 
il était secrétaire général au Palais, proposait ses «bons offices» dans certaines dictatures. Et même un ancien patron des RG ralliant la cause lepéniste… Face à cette fragrance fangeuse qui donne la nausée, nous sentons comme la fin de quelque chose que nous prédisons depuis si longtemps au royaume du prince élu, qu’il n’y a pas de quoi se montrer présomptueux : la faillite morale de nos institutions monarco-républicaines. Celle-ci atteint un tel degré d’incandescence que tout semble propice à un changement radical de République – qu’on l’appelle sixième ou, pourquoi pas, première, histoire de revenir à l’originelle… À ce propos. À ceux qui doutent encore que les Français soient désormais prêts à un tel bouleversement, est-il nécessaire de rappeler ici l’attachement viscéral de nos concitoyens à la politique, sans lequel ils crieraient depuis longtemps au «Tous pourris!» et se seraient déjà définitivement détournés de la chose publique. Ce que nous refusons de croire.

Barbouze. Le dernier épisode en date, pour le moins scabreux, provoque éclats et fureurs – et pour cause. 
Les accusations fracassantes de Robert Bourgi, alias «porteur 
de mallettes» et autres «valises», officiellement avocat d’affaires de profession (sic), ont de quoi en inquiéter plus d’un. Pour cet obscur serviteur des coups tordus de la droite version barbouze, Jacques Chirac et Dominique de Villepin auraient 
reçu des millions, entre 1995 et 2005, de la part 
de quelques chefs d’État de Françafrique. L’homme, qui s’excuse publiquement de n’avoir «aucune preuve» à fournir autre que sa «parole» (re-sic), élargit l’accusation à Giscard, Mitterrand, Pompidou et Le Pen, qui, selon lui, malgré son «discours xénophobe», aurait «fait le détour par Libreville et Abidjan avant les élections présidentielles de 1988»… Bourgi, qui travaille assidûment pour Nicoléon depuis 2005, a-t-il informé 
le prince-président de ces informations cataclysmiques? Et pourquoi la justice n’a-t-elle pas été saisie? À moins que ces révélations, pour l’heure impossibles à vérifier, ne finissent par mettre en relief l’une des faces cachées de la Sarkozye: en prétendant épargner Nicoléon et en jurant qu’«il n’est mandaté par personne», Bourgi a aussi jeté le soupçon sur le Palais. Car celui-ci, loin d’être un homme isolé (et Alexandre Djouhri, et Ziad Takieddine?), fut longtemps un protégé. En témoigne le discours de Nicoléon prononcé à huis clos en septembre 2007, lorsqu’il remit à l’intéressé la Légion d’honneur. Devant quelques ambassadeurs d’États africains, Nicoléon rendit hommage à «une amitié de vingt-quatre ans» et se félicita de «pouvoir continuer à compter» sur la participation de Bourgi «à la politique étrangère de la France, avec efficacité et discrétion». Reste trois questions. Quel crédit accorder aux déclarations de Bourgi, tardif repenti autoproclamé? En droit, aucun. Doit-on pourtant croire globalement ce qu’il déclare? Oui. Ses propos sont-ils le fruit d’une manipulation ? Oui. Un cloaque, on vous dit…

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 16 septembre 2011.]

(A plus tard...)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour ce texte admirable. J'ai eu le plaisir de te serrez la main à la Fête de l'Huma et j'ai commencé à livre ton livre sur Marx. Continue!!! Vive l'Huma!!!
Alain (du 91)

Anonyme a dit…

Oui, voici un article très étonnant par sa vivacité d'esprit et son intelligence de construction. Sympathique de lire ça. Vraiment.

Anonyme a dit…

"Le réel c'est aussi quand on se cogne aux fins de mois qui commencent en début de mois"...ceci étant le résultat de ce cloaque infernal... pourtant de l'argent il y en a dans les valises...la mafia politique est en train de gangrener la république....de ruiner la France et d'affamer le peuple...il faut que les lignes bougent...et vite...PAT