lundi 13 décembre 2010

Face au sarkozysme et à Le Pen, quelle gauche pour demain ?

Ces temps-ci, le microcosme politico-médiacratique a de quoi nous inquiéter. Il suffisait de regarder À vous de juger, jeudi soir sur France 2, pour en percevoir toute la perversité. Ce fut d’abord le honteux tapis rouge déroulé sous les pieds de Marine Le Pen, qui, durant une heure et demie et sans vrais contradicteurs, eut le loisir de surfer à sa guise sur la crise économique, sur les ruines d’une France en atomisation sociale avancée, sur le pourrissement ultra-droitier du sarkozysme, sur les misères du monde libéral et les méfaits de l’Europe… la bonne blague ! La tentative de ripolinage opérée par la leader d’extrême droite fut une nouvelle fois grossière, pourtant, l’animatrice Arlette Chabot tomba dans le piège : «Vous parlez comme la gauche ?» demanda-t-elle naïvement à la fifille de papa. Servir ainsi de porte-plats aux revendications de haine de l’autre, à la destruction souhaitée des liens sociaux et des solidarités républicaines, était plus qu’indécent. C’était une insulte à l’idée que nous nous faisons 
des services publics et de la parole publique en général, dévaluée, maltraitée. Et si le danger FN existe, comme en témoignent tous les sondages, il faudra le combattre avec courage et non en gobant passivement les paroles plus ou moins adoucies d’une Le Pen en voie de banalisation…

Mais ce n’est pas tout. Après la tribune libre accordée aux âmes noires de l’«œuvre française» pseudo-moderne, nous avons eu le droit à une séquence surréaliste consacrée au Parti socialiste, façon ultra Ve République. Nos éditocrates réunis semblaient plus disposés à évoquer 
la question des primaires que celle du programme. Reconnaissons que, en ce moment, certains protagonistes du PS se prêtent volontiers à ce type de réflexes. Si, pour une majorité de militants socialistes, les primaires sont attendues avec bienveillance, beaucoup expriment leurs craintes qu’une vulgaire «guerre des chefs» ne vienne anéantir la construction des idées. La bataille des ego aurait débuté et avec elle, comme un vieux film tôt rembobiné, la machine à désillusionner le peuple de gauche… Entre nous, ces débats de postures sont-ils à la hauteur des enjeux actuels ? Il n’y a pas de quoi sourire. La France va mal. Et si les classes populaires se demandent légitimement : «Comment en finir avec le sarkozysme ?», c’est d’abord parce qu’elles expriment leurs souffrances sociales après des années de sacrifices… Refuser la spectacularisation de la politique et la personnalisation à outrance est donc une question de dignité citoyenne. Toute la gauche doit y réfléchir – non comme un défi, comme une exigence.

Le sarkozysme est en crise et le socle sur lequel le prince président avait construit son succès s’est profondément effrité. Quand on est de gauche, il y a tout lieu de s’en féliciter. Mais s’en contenter ne suffira pas, ce serait même mortifère. Après la séquence sociale que les Français viennent d’imposer au pouvoir, nous savons que nos concitoyens sont durablement ancrés dans une contestation du système, qu’ils critiquent désormais sans modération les «logiques du capitalisme financier» ou les solutions du FMI… Comment douter que c’est évidemment sur cet idéal d’égalité et de justice que doit 
se construire une dynamique de gauche ? Pour répondre 
à la révolte (massive) contre les injustices, la gauche 
doit préparer et inventer bien plus qu’une «alternance» douce et paisible, mais bel et bien un changement 
de société qui refonderait la République elle-même. 
Un enjeu de civilisation, rien de moins. En ce domaine, la responsabilité du Front de gauche est immense. Pour bousculer l’hégémonie du PS et réinstaller une espérance crédible, qui a tant fait défaut depuis une génération…

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 11 décembre 2010.]

(A plus tard...)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Il faut en effet condamner fermement des propos qui ethnicisent la politique et créent la haine contre certains français.
Néanmoins, cela ne suffit pas: il faut également insister dans nos discours sur la laïcité, bafouée autant par un président qui dit que l'instituteur ne peut pas remplacer le curé, que par des intégristes qui saisissent l'espace public lors de prières de rue. Les forces du capitalisme sont en train de désagréger notre société en poussant au communautarisme et à l'obscurantisme, devenus des refuges dans une société du chacun pour soi.
Et le communautarisme et l'obscurantisme eux-même renforcent le capitalisme en détournant des problèmes de lutte des classes au profit d'une vision ethnique et religieuse du monde, ce qui à terme menace la paix elle-même.
L'extrême-droite se saisit alors d'inquiétudes légitimes sur le potentiel conflictuel du communautarisme pour transmettre sa vision du monde inégalitaire et haineuse. Seule une gauche anticapitaliste, laïque et anticommunautariste peut nous sauver de grands malheurs à venir.

Anonyme a dit…

OUI comme l écrit JEAN EMMANUEL DUCOIN , la responsabilité du FDG est immense et hélas il ne semble pas être en mesure d'affronter cette responsabilité en premier car il est incapable ou refuse de s élargir aux autres partis anti-capitalistes refusant de commencer ne serait-ce qu'une bribe de discussion avec ces partis , deuxièmement parce que critiquer le PS au détour d un article de presse c'est bien mais nettement insuffisant , il faut rompre avec ce parti qui s accomode du système et se contente de vouloir le "socialiser" ce qui est voué à l echec comme l on prouvé les expériences de gouvernement d-union de la gauche , il faut arrêter de semer des illusions en tenant un langage de gauche touT en s apprêtant à gouverner avec le PS .IL faut que le FDG s engage dès à présent à tout faire pour battre la droite mais à ne pas gouverner avec le PS , le FDG doit être un front de lutte qui aux cotés des syndicats participe et organise des actions , quelque soit le gouvernement en place , pour conquèrir des droits nouveaux par exemple concernant ceux des travailleurs en leur donnant le droit d intervention dans la gestion des entreprises, en défendant les services publiques, la sécurité sociale , les libertés publiques et syndicales , en remettant l économie à l endroit par une meilleur répartition des richesses produites par les travailleurs etc ... toute chose qui est impossible en faisant ami-ami avec le PS.