Tony Gallopin. |
Depuis Mulhouse (Haut-Rhin).
D’abord, l’éclat d’un bout de mémoire à partager. En ce dimanche 13 juillet, jour d’arrivée d’étape à Mulhouse, les lecteurs permettront au chronicoeur un souvenir (très) personnel qui le renvoie un peu plus de vingt ans derrière lui, lors de son quatrième Tour de France. Les poils ont depuis blanchi sur la photo de l’accréditation et si l’époque était encore à l’anoblissement recherché (par tous les moyens) pour pénétrer dans la «famille» du vélo, elle était surtout propice au suivi de la course comme on ne le pratique plus vraiment aujourd’hui, sauf rares exceptions, hélas. Résumons. Le chauffeur de l’Humanité s’appelait alors Christian Palka, alias «Palkuche», ex-coureur pro de la grande équipe Bic, celle de Luis Ocana, et notre «Palkuche» avait la particularité – et l’immense talent – de nous faire partager la course «de l’intérieur», chaque jour d’étape, devant les échappés, derrière, bref, nous étions toujours intercalés quelque part au milieu de la furie des coureurs pour assister au spectacle du cyclisme par-delà toutes ses frontières intimes.
C’était le 15 juillet 1992. Et ce
jour-là, nous allions assister en direct au dernier exploit dans le Tour de
Laurent Fignon.
Cette édition, dont le profil «européen» avait fait couler beaucoup
d’encre (sept pays traversés pour honorer l’ouverture des frontières de l’Union
Européenne, et les Pyrénées quasiment escamotées!), était toute tracée pour l’Espagnol
Miguel Indurain, qui venait d’assommer ses adversaires dans le contre la montre
de Luxembourg, creusant des écarts abyssaux. De Strasbourg à Mulhouse, cette étape
était longue de 249,5 km et hérissée de 7 cols de 3e, e et 1re catégorie de
quoi alimenter la bagarre pour le maillot à pois entre Richard Virenque, Claudio
Chiapucci, alors que Greg LeMond était déjà à la dérive. A l’avant de la course,
Konyshev et Roscioli (souvenez-vous d’eux !) menaient la danse. Il restait
encore 100 kilomètres à parcourir. Puis, dans l’ascension du col de Bramont,
flanqué de l’espagnol Arsenio Gonzalez, Laurent Fignon a attaqué.
Laurent Fignon à Mulhouse, en 1992. |
Mais revenons maintenant au présent. Ce dimanche 13 juillet,
entre Gérardmer et Mulhouse (170 km), l’étape a compilé six ascensions, mais
vingt kilomètres de plat pour finir la journée. Les baroudeurs frustrés par la
première semaine étaient attendus. Les circonstances ont été à la hauteur des
espérances. Le peloton a volé en éclats dès le col de la Schlucht, classé en 2e
catégorie. Un groupe de 28 coureurs s’est porté en tête, à la poursuite de deux
hommes, Tony Martin (Omega) et Alessandro De Marchi (Cannondale), partis au
kilomètre 20. Parmi les chasseurs, on retrouvait notamment Joaquim Rodriguez
(Katusha), Fabian Cancellara (Trek) mais surtout treize Français dont Tony
Gallopin (Lotto), Sylvain Chavanel (IAM) et Pierre Rolland (Europcar). Des
chasseurs qui ne sont jamais parvenus à revenir sur le duo de tête.
Il a fallu attendre l'avant-dernière difficulté de la
journée, le Markstein (1er catégorie), pour voir Tony Martin attaquer sèchement.
L'Allemand a déposé son compagnon d'échappée et poursuivi son effort en
solitaire, pour venir offrir à l'Allemagne sa cinquième victoire cette année. Derrière,
les principaux favoris sont restés au chaud dans le peloton, les 45 derniers
kilomètres de descente et de plat n’ayant pas incité aux attaques. Un
attentisme qui a profité à Tony Gallopin. Placé dans le groupe des poursuivants
(avec Pierre Rolland, qui a réalisé lui aussi un beau rapproché au général), le
coureur de la Lotto a franchi la ligne d'arrivée avec plus de cinq minutes
d'avance sur Vincenzo Nibali (Astana) et devient le nouveau leader du Tour.
Pour la première fois depuis trois ans et un certain Thomas Voeckler, un
Français sera en jaune le 14 juillet. Signalons la belle émotion de son oncle,
Alain Gallopin, directeur sportif de Trek, qui, comme kinési-masseur, était au
côté de Laurent Fignon en 1992, ami fidèle parmi les plus fidèles. Son neveu au
sommet du Tour, sur les lieux du dernier exploit de Fignon: Alain pouvait lâcher
une larme. Légitimement.
Ce lundi, la grande bagarre entre les leaders devrait se
déclencher vraiment. La Planche des Belles Filles avait surpris par sa
difficulté, lors de son apparition au Tour en 2012. L’ascension finale devrait provoquer
bien plus de dégâts encore, au terme d’une journée truffée d’ascensions, dont
le Petit Ballon et le col des Chevrères, avant d’attaquer la Planche (5,9 km à
8,5%). Quelques spécialistes placent d’ailleurs cette journée comme
l’étape-reine du Tour. «Le parcours est
largement suffisant pour faire basculer le Tour », résume par exemple Alberto
Contador. Quant à Christian
Prudhomme, le patron du Tour, il pense carrément qu’il s’agit de «la plus dure
étape de moyenne montagne de l'histoire». Alors sait-on jamais.
Allez. Il est 19h30 ce 13 juillet, en salle de presse du Tour. Le
chronicoeur file, et vite, à son hôtel. Devinez pourquoi. La finale du Mondial
pour sûr. Tous les quatre ans – et même tous les deux ans si l’on compte les
Euros – la première semaine du Tour de France se trouve quelque peu oppressée par
la dernière de la Coupe du monde de foot, comme si le pouls du peloton battait
à un rythme différent dans le coeur du grand public. Qu’on se rassure. Demain c’est
fini. Les véritables héros de Juillet vont reprendre la main, seuls, et attirer vers
eux les regards d’admiration qu’ils méritent plus que tout autre. N’est-ce
pas?
Classement général
1. Tony Gallopin (FRA/LTB) 38h04:38.
2. Vincenzo Nibali (ITA/AST) à 1:34.
3. Tiago Machado (POR/APP) 2:40.
4. Jakob Fuglsang (DEN/AST) 3:18.
5. Richie Porte (AUS/SKY) 3:32.
6. Michal Kwiatkowski (POL/OPQ) 4:00.
7. Alejandro Valverde (ESP/MOV) 4:01.
8. Pierre Rolland (FRA/EUC) 4:07.
9. Alberto Contador (ESP/TIN) 4:08.
10. Romain Bardet (FRA/ALM) 4:13.
Les Français en jaune depuis l'an 2000
1. Tony Gallopin (FRA/LTB) 38h04:38.
2. Vincenzo Nibali (ITA/AST) à 1:34.
3. Tiago Machado (POR/APP) 2:40.
4. Jakob Fuglsang (DEN/AST) 3:18.
5. Richie Porte (AUS/SKY) 3:32.
6. Michal Kwiatkowski (POL/OPQ) 4:00.
7. Alejandro Valverde (ESP/MOV) 4:01.
8. Pierre Rolland (FRA/EUC) 4:07.
9. Alberto Contador (ESP/TIN) 4:08.
10. Romain Bardet (FRA/ALM) 4:13.
Les Français en jaune depuis l'an 2000
2000: Laurent Jalabert (2 jours)
2001: Christophe Moreau (2 jours), François Simon (3 jours)
2003: Jean-Patrick Nazon (1 jour), Richard Virenque (1 jour)
2004: Thomas Voeckler (10 jours)
2006: Cyril Dessel (1 jour)
2008: Romain Feillu (1 jour)
2010: Sylvain Chavanel (2 jours)
2011: Thomas Voeckler (10 jours)
2014: Tony Gallopin (1 jour, série en cours)
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