mercredi 7 décembre 2016

Une lettre à La Poste

Ce qui se passe depuis quelques années chez le «premier employeur de France après l’État» n’est pas seulement inquiétant, mais révoltant,

La souffrance au travail, vous connaissez? La destruction progressive des conditions d’exercer son métier dans les règles de l’art, les pressions, la précarisation, la subordination, la sauvagerie de la concurrence et du chacun-pour-soi, la rentabilité à tous les échelons, les mobilités forcées, la fixation d’objectifs irréalisables, l’atomisation de tout esprit de corps… Sachez-le: partout sur le territoire, quels que soient l’endroit et les spécificités locales, les postiers n’en peuvent plus. Et ils le clameront haut et fort, aujourd’hui, lors d’une mobilisation syndicale nationale et unitaire qui s’annonce de très grande ampleur, jusque devant le Sénat où se déroulera un débat sur l’avenir de l’entreprise à l’initiative des sénateurs communistes. Signalons que ce mouvement social, assez inédit, possède en lui toutes les clés du succès dans la mesure où il réunit les salariés, les syndicalistes, les usagers et une multitude d’élus. Et pour cause. Ce qui se passe depuis quelques années chez le «premier employeur de France après l’État» n’est pas seulement inquiétant, mais révoltant, et nous rappelle ce que connurent et vivent les salariés d’Orange. De restructurations en compressions, la réalité s’avère en effet d’une cruauté extrême: stress, ambiance délétère, conditions de travail en dégradation accélérée, rapports alarmants des médecins du travail, managements cruels, harcèlement… et même suicides.

La Poste, devenue société anonyme et sur laquelle plane la menace d’une libéralisation plus vaste encore sinon une vente à la découpe, traverse une crise identitaire sans précédent. Qu’on ne se méprenne pas néanmoins. Les salariés savent mieux que quiconque que certains de leurs métiers, du fait des nouvelles technologies, ont évolué et évolueront encore dans leur redéfinition. Ils ne le refusent pas. À condition que leurs missions soient respectées, réaffirmées, et développées dans le cadre d’investissements qui réinventent, pour le XXIe siècle, une sorte d’«âge d’or» des services publics. Cela est possible, indispensable. C’est même un enjeu décisif dans une économie de marché profondément inégalitaire. La Poste reste un exemple emblématique: elle a déjà perdu plus de 60 000 salariés en dix ans, mais vient pourtant de dégager un bénéfice de 635 millions d’euros…

[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 8 décembre 2016.]

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