jeudi 12 avril 2012

Pourquoi la jeunesse aspire au modèle républicain

Nous ne croyons pas que les jeunes acceptent d’être relégués au rang d’accompagnateurs passifs d’une époque brûlée par le brasier de la déréalisation. Leur engagement au sein du Front de gauche en témoigne.
À la faveur d’un sondage plus commenté que les autres, les jeunes sont revenus dans l’actualité de la pire des manières, par l’enquête sondagière. Et pour cause. Marine Le Pen trouverait grâce aux yeux des 18-24 ans, affichant le meilleur score des prétendants à la présidentielle, 26%. Amen! la messe serait dite. Permettez-nous d’en douter. Que la fille de papa-nous-voilà attire un vote protestataire est une chose ; mais qu’elle puisse porter le début du commencement du moindre espoir politique en est une autre! Ce serait négliger le fait que 25% disent vouloir voter François Hollande. Ce serait aussi ignorer que 16% de ces mêmes jeunes affichent désormais leur préférence envers Jean-Luc Mélenchon, une progression de 11 points… Ceux qui ont participé aux meetings du Front de gauche le savent: les jeunes sont devenus un phénomène dans le phénomène, expliquant pour partie l’ampleur de la vague rouge. Au cœur de cette dynamique, celle de la jeunesse est de loin l’une des plus réjouissantes!

Car voyez-vous, en ces temps anxiogènes où on ne leur promet que le déclassement intergénérationnel et les injustices protéiformes d’une marchandisation globalisée, nous nous singularisons par la force d’une conviction : nous ne croyons pas que les jeunes, nos jeunes, acceptent d’être relégués au rang d’accompagnateurs passifs d’une époque brûlée par le brasier de la déréalisation. Cette conviction ancrée en nous marie le réel (celui que nous devons transformer) à nos ambitions philosophiques (celles qui nous permettent de maintenir notre cap).
À l’heure où le Front de gauche présente son programme en direction des jeunes, nous refusons de les comparer à de vulgaires troupeaux de moutons, forcément non-pensants, non-conscients d’eux-mêmes et du monde qu’on voudrait leur imposer, perdus dans un océan de précarité, d’intérim et d’incertitudes, «désenchantés» et «plus du tout séduits» par les «idéologies de transformations sociales», comme l’écrivait récemment le Figaro. Quand le mépris de classe s’additionne à la haine générationnelle, nous savons qui triomphe: le conservatisme, le déclinisme…
Aimer nos jeunes ne constitue pas, en soi, un projet politique. Disons que ce minimum commun ne suffit pas à les émanciper, à leur ouvrir les portes de la société. Seule l’éducation permet d’inverser les signes de pulsions nihilistes qui atomisent le vivre-ensemble et les relations sociales. Convaincre ceux qui se détournent comme par réflexe «de la» politique, donc de la vie de la Cité, reste une immense tâche, l’une des plus importantes qui nous soient assignées. Surtout dans les quartiers populaires en proie à un appauvrissement généralisé, là où se joue en grande part l’à-venir de la République, mais où un jeune sur deux est en échec scolaire, où le chômage les concernant peut y dépasser les 45%, où la délinquance guette, où ils ne connaissent que le mépris, la stigmatisation, les discriminations sociales et culturelles, même quand ils ont suivi une scolarité normale.

Ces jeunes n’aspirent pourtant qu’à l’élémentaire. Avoir une formation, un emploi durable, un salaire correct. Et puis accéder au sport, à la culture, aux voyages et à l’amour. Que demander de moins? Nos jeunes rêvent? Encore heureux. Ils espèrent? Tant mieux, l’espérance repousse les masques de l’éphémère. Mais comment oublier que le taux de pauvreté des 18-29 ans, en France, est passé de 7% à 12% en moins de dix ans? Comment oublier la grande leçon des révoltes de 2005, celle que refusent d’entendre les puissants? La jeunesse populaire a tellement intégré le modèle républicain qu’elle n’aspire qu’à l’égalité, pleine et entière. L’insurrection civique est taillée pour elle!

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 11 avril 2012.]

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