jeudi 2 septembre 2010

Education nationale : tableau (très) noir

Parce qu’il en brasse beaucoup, le ministre de l’Éducation nationale ne manque décidément pas d’air… Tandis que 850 000 enseignants effectuaient hier leur rentrée afin de préparer l’arrivée, ce jeudi, des 12 millions d’élèves, Luc Chatel, alias porte-parole du gouvernement, a continué d’esquiver les questions brûlantes, osant affirmer, à la limite du grotesque, que l’éducation nationale «allait bien». Abusant d’une langue bien exercée après plusieurs jours d’occupation des médias, Luc Chatel, invité de France Inter, a rabâché que l’école était le «premier budget de l’État», comme si une vérité historiquement connue de tous justifiait à elle seule les projets éducatifs en cours, qui ne forment qu’un puzzle destructeur dont on peut déjà mettre en place les morceaux : moins de moyens et de personnels, des professeurs inégalement formés pour des écoles aux objectifs différents. L’égalité des chances, valeur essentielle de la République, est en péril. Et ce n’est pas une découverte. Puisque le sarkozysme n’aime pas l’égalité républicaine, pourquoi devrait-elle continuer de s’appliquer à l’école ?

Les bons mots du ministre Chatel, servi par toute la médiacratie rampante, n’auront donc pas suffi 
à étouffer la réalité et le climat délétère dépeint par 
toutes les organisations syndicales. Signe des temps, même les inspecteurs de l’éducation nationale, d’ordinaire si prompts à une discrétion sinon 
d’usage du moins largement érigée en coutume rarement transgressée, ont décidé de lancer ce qu’ils appellent un «coup de semonce». Rien ne saurait justifier, en effet, que Luc Chatel ait réussi le tour de force de ne pas évoquer une seule fois, lors de sa conférence de rentrée, les suppressions de postes : pas moins de 16 000 en 2010 . Chiffre auquel il faut déjà ajouter les 16 000 prévues pour 2011. Ce qui portera l’effroyable statistique à plus de 65 000 depuis 2007 !

«Pas une question de moyens», ânonne le ministre, pour qui «l’éducation doit participer à l’effort collectif» en «s’adaptant aux besoins du terrain». La bonne blague. L’homme oublie un peu vite que cette année, le nombre d’élèves augmentera de 39 000 et que beaucoup d’entre eux se retrouveront face à des professeurs stagiaires n’ayant reçu aucune formation pratique devant une classe ! Tout est en place. M. Chatel peut ainsi citer autant qu’il le veut la philosophie libéralo-néoréactionnaire de son action, faite de «méritocratie», d’«autonomie» et de «concurrence». Tout cela pour passer «d’une école pour tous à la réussite de chacun». Les mots ont du sens. Et le sarkozysme est bien là. À tous les étages d’une société plus meurtrie que jamais.

Cette France qui hérisse l’inégalité comme les barbelés nous fait honte. L’école, si importante pour l’équilibre républicain, est une victime emblématique du sarkozysme. Les citoyens doivent prendre la mesure exacte de l’érosion systémique d’une institution jadis jalousée dans le monde entier, mais qui assiste progressivement à la destruction de sa raison d’être : un service public d’éducation, en somme ce que la République peut offrir de mieux… «De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buissonnière qui m’a paru la meilleure», disait Anatole France. Dès le 6 septembre, à l’appel des syndicats enseignants, l’école buissonnière fera cette fois l’unanimité des personnels enseignants, sous forme de grèves. Le lendemain, 7 septembre, ils rejoindront les grandes mobilisations pour les retraites. Qui a osé dire que cette rentrée ressemblait aux autres ?

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 2 septembre 2010.]

(A plus tard...)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Les mobilisations doivent, cette fois, être totales et décisives : c'est l'une des dernières occasions de faire triompher la rue contre Sarko. Il faut en être conscient.
GERARD

Anonyme a dit…

Je suis d'accord : si nous perdons cette bataille de la rue, tout sera perdu pour longtemps pour la classe ouvrière et Sarkozy sera réélu en 2012.