vendredi 17 septembre 2010

Conseil de lecture : corps-à-corps en prose

Ils, de Franck Delorieux, co-édition Le temps des Cerises & Les Lettres Françaises (10 euros).

Pris par les soubresauts de cette rentrée menée à cent à l’heure, je dois avouer aux internautes un retard dans la recension de quelques lectures effectuées au gré de l’été. Pour rattraper ce retard coupable dans ces conseils si précieux, je me sens presque désarçonné d’évoquer si tard le nouveau livre de Franck Delorieux, publié il y a quelques semaines et dont la lecture m’emporta dans un univers de totale liberté d’expression, sans que cette prose, à aucun moment, alors qu’elle explore une littérature totalement licencieuse, ne se permette la moindre vulgarité – ce qui n’est pas la moindre des qualités de ce texte.

Car Franck Delorieux ne cache rien des rapports sensuels et sexuels entre deux hommes. «Les phrases sont une peau», écrit-il. Pour mieux abolir les tabous et le temps… Puisqu’il dédie son roman à son «unique amour» et que, en exergue, il cite opportunément Paul Valéry: «Les caresses sont connaissance. Les actes de l’amant seraient les modèles des œuvres» (Variété III), on pourrait croire que l’auteur ne parle que de «lui». Ce serait se méprendre. Le «Ils» du titre est une invitation à l’universalité des êtres (bien qu’ici masculins). Donc plusieurs personnages. Pour «un long poème de plaisir, un blason du corps amoureux», un «manifeste hédoniste et eudémoniste», comme l’explique justement dans sa préface Marie-Noël Rio.

«Ils lisent, chacun, un éclat de désir dans le regard de l’autre ; d’autres éclats surgissent ; le temps est suspendu», écrit Franck Delorieux dès les premières lignes. Et tout est suggéré – avant d’être explicitement narré dans le détail. Sans jamais oublier que «le baiser est l’alphabet du plaisir». Sans jamais omettre que «les phrases sont une peau». Et surtout, sans mentir: le réel c’est aussi la sexualité des corps, la nudité et la beauté de l’action, des fesses, des sexes, des langues et des fluides, des gémissements et des positions, de la jouissance. Une cavalcade de jouissance, elle-même, parfois, l’amie de la raison, comme en témoigne l’histoire libertine du XVIIe et XVIIIe siècle.

Franck Delorieux a accordé une grande importance à la typographie de ce livre, et pour cause (bel effort de l’éditeur). Comme une feuille de route qu’il convient de respecter, pointe-là une démarche poétique qui prend tout son sens. Pas de plaisir sans raison ! Pas de plaisir sans règle ! L’auteur l’affirme et ça vaut toutes les définitions: «J’entremêlerai le plaisir, le bonheur, l’amour et l’écriture. Je ne vois pas d’autres raisons de vivre. Je suis heureux.»
Il y a toujours de l’amour dans la r-évolution. Il y a toujours de la r-évolution dans l’amour.

(A plus tard…)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Dans les années 70 encore, la précarité et la misère sociale provoquait de la révolte, aujourd'hui elle ne provoque qu'un retrait du monde. Je n'y comprends rien... et c'est pourtant vrai.
Marcel