dimanche 13 juin 2010

Mondial : les «vuvuzelas», vraiment un cauchemar ?

Si vous avez eu – comme moi – l’étrange idée de regarder tous les matches depuis le coup d’envoi de cette Coupe du monde de football en Afrique du Sud, vous aurez compris que, pour les modestes téléspectateurs que nous sommes, le sacerdoce sportivo-culturel n’est pas seulement visuel mais auditif... S’il faut une bonne dose de perversité pour prendre du plaisir à la vue de Corée du Sud-Grèce par exemple (j’en conviens humblement !), ce masochisme de passionné prend cette fois les formes d’une véritable torture pour les oreilles. En cause : les vuvuzelas. Disons plutôt : infernales vuvuzelas! Infernales, mais pour qui?

Au départ, nous n’avions pas trop fait attention au phénomène. Bien sûr, nous savions depuis des semaines et des semaines que les Sud-Africains, pris de frénésie communicative avec le Mondial, utiliseraient à tort et à travers cet accessoire sonore en forme de trompette allongée... Mais nous n’imaginions pas une seconde que cette exubérance populaire, que nous appelions de nos voeux, perturberait les matches eux-mêmes et les milliards de téléspectateurs dans le monde… En effet. Imaginez un instrument de musique, même rudimentaire, pouvant atteindre les 130 décibels. Imaginez ce même engin dans des dizaines de milliers de bouches. Et vous aurez compris pourquoi la polémique (bruyante) enfle depuis le premier match, bien au-delà des frontières sud-africaines ! Faudra-t-il sacrifier l'enthousiasme d'un peuple - et quel peuple! - au confort des familles de l'autre côté de l'écran?

Une Afrique populaire, grondante, frondeuse se dresse. Et l'on voudrait la faire taire?

[Je vous conseille sur ce sujet l'excellent papier de notre envoyé spécial (et ami) Christophe Deroubaix sur le blog du Mondial de l'Huma : http://mayibuyeafrika.blogspot.com/2010/06/sur-les-vuvuzelas.html]

Petite information à ceux qui – miracle – n’auraient pas encore vu un seul des matches, pas même celui de nos Bleus. Le téléspectateur, quoique transporté par le spectacle, se voit contraint de temps à autre de baisser le son du téléviseur, quand il ne s’agit pas carrément de le couper, histoire de reposer ses tympans et ses nerfs (si-si). Ce bruit incessant, sorte de «nid d'abeille», ronronnement sourd plus grave qu’aigu mais ultra-présent, n’est pas seulement énervant : il est bel et bien insupportable. Et tenez-vous bien, même pour les joueurs sur les terrains. Après le match France-Uruguay, Gourcuff en a parlé en ces termes : «On ne s'entendait pas avec tout le bruit dans le stade. On ne pouvait communiquer que par gestes. D'habitude, on prévient un coéquipier lorsqu'il est seul. Là, c'était impossible.»

Le capitaine Evra, pourtant réveillé le matin de la confrontation à 6 heures du matin par des vêlements significatifs aux abords de l’hôtel des Bleus, se voulait plus indulgent : «Pour s'entendre, il fallait vraiment donner de la voix. Mais ça reste quand même une bonne chose. C'est une coutume du pays, on ne va pas commencer à attaquer les vuvuzelas !» Tous n’ont pas la même mansuétude. Le sélectionneur néerlandais, Bert van Marwijk, a annoncé que les trompettes ne seraient plus admises lors des séances d'entraînement de son équipe. «Ça ne sert à rien de s'entraîner si je ne peux pas parler à mes joueurs», a-t-il expliqué, laconique…

«Comment peut-on souffler pendant des heures dans ce machin, juste pour faire du bruit, du bruit pour du bruit ?», me disait au téléphone, sans rire, l’un de nos envoyés spéciaux. «Dans les stades, on se croirait au beau milieu d'un essaim d'abeilles…» Vendredi soir, au siège de TF1, le standard téléphonique a été pris d'assaut par des téléspectateurs se plaignant d'un bourdonnement permanent dans leur téléviseur et sur le site Twitter, le «service après vente» de la chaîne a explosé. Pour Uruguay-France, les commentateurs de TF1 ont d’ailleurs utilisé des micros spéciaux pour atténuer le vacarme : rien n'y a fait !

A chaque malheur (relatif celui-là) son bonheur. Les magasins du Cap sont en rupture de stock de bouchons d'oreilles. «J'aurais pu vendre 300 paires de bouchons d'oreille hier et la même chose aujourd'hui, mais je n'en avais que 200 et tout est parti », explique au journal Weekend Argus un commerçant local. La paire de bouchons commercialisée sous l’appellation «Vuvu-Stop », permettant une réduction du bruit d'environ 30 décibels, porte une étiquette au dos du paquet sur laquelle on peut lire: «Très efficace pour la réduction du bruit. Bon pour le football, le rugby, ou à l'attention des footballeurs de divan pour ne pas entendre les récriminations de leur femme.»

Pour une fois que les conjoint(e)s n'ont rien à voir avec les énervements de supporters de salon...

(A plus tard…)

5 commentaires:

Anonyme a dit…

"Faudra-t-il sacrifier l'enthousiasme d'un peuple - et quel peuple! - au confort des familles de l'autre côté de l'écran? "

ma réponse est non : c'est ça, aussi, l'Afrique du sud du football.


...on doit bien supporter au parc des princes les insupportables comportements des supporters ultras.

Anonyme a dit…

Moi aussi, comme téléspectateur, je suis vraiment gêné par ce ron-ron permanent, qui nous rend tous dingues à la maison. Mais quand même: doit-on pour autant arrêter une tradition locale pour le bien-être d'occidentaux repus?

Anonyme a dit…

L'idée est très intéressante : regarder les matches sans le son. Je vais essayer dès ce soir. Les commentateurs sont tellement affligeants, la plupart du temps, que ça ne changera pas grand chose.

Anonyme a dit…

merci d'avoir indiqué ce blog en bas de l'article de samedi dans notre journal préféré !

salut et fraternité

Roger de ANDRADE
Pluvigner en Morbihan

Anonyme a dit…

Oui: le petit occidental que je suis, bien installé devant son écran, ose dire "VIVE LES VUVUZELAS !!!" Il y en a marre de la pseudo-supériorité des classes dominantes. Ducoin pose la question : "Une Afrique populaire, grondante, frondeuse se dresse. Et l'on voudrait la faire taire?" Ma réponse est définitive : NON.