dimanche 20 juin 2010

Dribble(s) : quels mots pour le dire ?

Écriture. En ces temps d’opacité et de brume épaisse, l’écriture, modeste mais illimitée, permet d’exprimer en nuances ce que nous ne pouvons dire autrement. Irions-nous jusqu’à affirmer, comme Philippe Sollers, que « l’écriture est la continuation de la politique par d’autres moyens » ? Puisque toute écriture expose une vision du monde, toute écriture serait-elle politique ? Tel un feu dans la nuit noire, pour brûler les facticités, ces écritures disent quelquefois la fragilité, souvent l’authenticité.

Messe. Ainsi, que dire encore du Mondial que vous n’ayez déjà lu dans nos colonnes (ou ailleurs) depuis une semaine ? Faut-il, comme beaucoup, affirmer que décidément «trop, c’est trop», qu’«on en fait trop», qu’il y a «des choses plus importantes», que l’Afrique du Sud «ne se portera pas mieux après cette messe mondialisée» ? De même, faut-il regretter une certaine idée du football d’antan, une insouciance de style, se navrer ouvertement que ce sport si populaire soit désormais «sans ironie ni folie» comme le suggérait cette semaine avec conviction l’acteur Isaach de Bankolé (dans Libération)? Faut-il par ailleurs accuser nos joueurs français de se tenir si éloignés des préoccupations essentielles de nos concitoyens, incapables par exemple, bien que beaucoup d’entre eux soient des héritiers de l’immigration, de se mobiliser contre la politique d’immigration de Nicoléon-Besson, comme le dénonçait, dans l’Humanité, l’écrivain et cinéaste Gérard Mordillat, réclamant qu’ils cessent de jouer «tant que ces hommes et ces femmes qui combattent pour leur dignité ne seraient pas tous régularisés»? Faut-il céder à la polémique quasi colonialiste concernant les vuvuzelas, sacrifier l’enthousiasme d’un peuple – et quel peuple! – au confort des familles occidentales de l’autre côté de l’écran, en somme faire taire cette Afrique bruyante et frondeuse parce qu’elle indispose le grand ordonnancement capitaliste de la mondovision ? Enfin, faut-il malgré tout savoir prendre du plaisir au spectacle de certains matchs ? En a-t-on le droit intellectuel ? Ou doit-on demander l’autorisation des Germanopratins faussement révulsés ?

Globalisation. Avouons-le. Au stade suprême du capitalisme fou (pléonasme), lorsque la nouvelle religion ultralibérale aura épuisé son pouvoir liturgique, peut-être ne subsistera-t-il que deux passions populaires sacralisées qu’aucune révolution humaine n’aura pu renverser: le foot et la télé. À l’heure de l’hyper spectacularisation des théâtres sportifs, scénarisés à outrance, admettons que le sport est devenu l’un des cœurs névralgiques de la globalisation à marche forcée. Le bien-être moral, physique et collectif des individus s’est progressivement effacé derrière la musculation des entreprises et la consolidation des investissements financiers. Telle est la réalité du monde dont on nous dit aujourd’hui qu’il est achevé, hermétique, organisé une fois pour toutes.

Bleus. Et pendant ce temps-là ? Parlons du sort sportif des Bleus, bien sûr, qualifiés d’«imposteurs» par le journal l’Équipe, et qui, au soir d’un match pitoyable contre des Mexicains tâteurs de balle et goutteurs de plaisirs, ont un peu plus humilié le sport français. Pas parce qu’ils ont perdu (la défaite est belle et réjouissante parfois). Non, par leur comportement. Par leur incivilité globale depuis si longtemps. Par leur immodestie chronique. Par leur totale absence de preuves d’amour. Par leur starification bête et brutale. Par leur autisme. Par leur nullité humaine, au fond… Mais aussi parce qu’un quarteron de «cadres» idiots, tous sarkoïzés et au QI déglingué, a poussé vers la sortie Yoann Gourcuff, si différent d’eux, cultivé, dialectique, intelligent, transformé en témoin impuissant d’une décadence française (comme nous).

PIB. Balle au centre ? Oui et non. Si l’immoralité et le dévoiement de la geste sportive ont toujours existé, la nature même de ces liaisons dangereuses a atteint un tel degré d’incandescence qu’il n’est pas aberrant – tout en restant un passionné – de voir derrière les exploits sportifs cette écœurante industrie mondiale où le fric et la frime règnent en maîtres. Le sport demeure une valeur sonnante et trébuchante. Saviez-vous que cette « activité économique » connaît des taux de croissance digne de la Chine, de 10% à 15% l’an ? Que sa part dans le PIB français est passée de 0,5% à la fin des années soixante-dix à 2% en 2010 ? Le mode de «régulation» du sport, livré à une espèce de productivisme des marchés, pousse lui aussi aux excès. Accroissement des masses salariales, transferts faramineux, contrats d’image, mise en Bourse des grands clubs, déficits pharaoniques, appauvrissement des filières de formation dont la France s’était fait une spécialité… Michel Platini répète : «Le foot n’est pas qu’une tirelire.» Qui veut encore l’entendre ?

Horizon. Le pays de Voltaire et d’Hugo vient de commémorer les soixante-dix ans de l’Appel du 18 juin. Ce matin, nous ressentons comme un immense besoin d’horizon… «L’avenir est un lieu commode pour y mettre des songes», écrivait Anatole France. Mais que peuvent les mots pour dire combien la France devient vulgaire, dépourvue de dessein, opaque et prise dans les brumes ?

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du samedi 19 juin.]

(A plus tard...)

1 commentaire:

petit d a dit…

du coin de la rue, on nous prends pour des cons
Le foot du coin de la rue, c'est rigolard
Le foot du coin de la rue c'est l'espagne contre la france, c'est le portugal contre la france, c'est l'algérie, c'est la pologne, c'est l'italie, c'est tous ces pays qui nous ont aidé.
Le foot aujourd'hui, y a plus le coin de rue car les vieux nous l'ont interdit