dimanche 2 juillet 2017

Tour : Kittel démarre bien et les Sky font des bulles

Deuxième étape, entre Düsseldorf et Liège (203,5 km). Sous une pluie battante et un froid d’automne, l’Allemand Marcel Kittel l’emporte au sprint devant le Français Arnaud Démare. Les combinaisons des Sky font jaser… 

Kittel... devant Démare.
Route du Tour, envoyé spécial.
Dimanche, jour du soigneur… Loin d’avoir été usiné par le marketing récent, la symbolique du Tour, la vraie, celle qui dispense ce résidu du rêve, se déniche encore dans cette part d’imprévue qui cadence les premiers coups de pédale à la faveur des circonstances. Avant même de quitter l’Allemagne pour rallier Liège, le chrono de Düsseldorf avait laissé des traces. Dans les têtes. Dans certains corps. «Je vais essayer de survivre», lançait par exemple le Français Tony Gallopin hier matin, désignant du regard sa cheville enflée après sa gamelle de la veille. Mais pas de quoi se complaire en martyr. «J'ai vu des coureurs continuer avec pire que ça, j'ai aussi vécu pire et la première semaine est souvent nerveuse, mais pas la plus dure physiquement", mesurait-il. Sans doute pensait-il à tous ceux qui avaient tâté l’asphalte d’un contre-la-montre rincé, en particulier les deux Espagnols restés sur le carreau. Exit Alejandro Valverde (Movistar), fracture de la rotule, et Ion Izagirre (Bahrain-Merida), fracture lombaire, des acteurs majeurs attendus pour jouer les trouble-fête dans la montagne et qui, depuis la petite lucarne de leurs chambres d’hôpital respectives, ont regardé leurs congénères prendre la route vers le sud.

Hier donc, pour la première étape en ligne de cette cent-quatrième édition, il pleuvait encore des cordes. Et les températures déclinaient méchamment vers les 16 degrés. «Quelle idée d’organiser ça en octobre», s’amusait notre druide Cyrille Guimard, le tout nouveau directeur des équipes de France – un joli pied de nez aux grincheux m’as-tu-vu du cyclisme actuel qui ne jurent que par la jeunesse de l’âge (1). Guimard, qui ne manque pas d’humour, s’étonnait d’ailleurs que les organisateurs «aient réussi l’exploit de faire débouler le peloton à Liège en évitant la quasi-totalité des côtes ardennaises», théâtre annuel de la célèbre classique Liège-Bastogne-Liège. Seule deux petites difficultés répertoriées (quatrième cat): la côte de Grafenberg et celle d'Oine, plantée à 20 bornes du but. L'arrivée, jugée au bout d'une ligne droite de près de 3 kilomètres sur le célèbre boulevard de la Sauvenière semblait promise à un costaud des sprints fous. Bonne pioche.

Notons qu’auparavant, dès le kilomètre zéro et comme le veut la tradition, plusieurs coureurs tentèrent de sortir du peloton pour former la «bonne » échappée". Les premiers attaquants se nommaient Thomas Boudat (Direct Energie), Taylor Phinney (Cannondale), Yoann Offredo (Wanty) et Laurent Pichon (Fortuneo). Repris juste avant terme, sous la flamme rouge, ils figureront dans l’une des pages du grand livre d’histoire qu’aucun descendant ne lira. En revanche, personne n’oubliera la bagarre massive – sans cabriole! – et les commentaires qui abuseront de superlatifs pour qualifier la dixième victoire d’étape de l’Allemand Marcel Kittel (Quick-Step), devant Arnaud Démare (FdJ), qui devra patienter.

Sachez-le, pour se prémunir des éventuelles chutes, l’Union cycliste internationale avait pensé à tout. Cette année, le Tour teste en effet une nouvelle méthode pour comptabiliser les écarts à l'arrivée et, ainsi, ne pas «obliger les prétendants au général à se frotter aux trains des sprinteurs pour éviter les potentielles cassures». Fruit d’un long raisonnement, l'UCI a défini les contours de cette nouvelle règle: sur les sept étapes promises à un sprint massif (deuxième, sixième, septième, dixième, seizième, dix-neuvième, vingt-et-unième), il faudra une marge de trois secondes, contre une actuellement, pour que la cassure soit effective. Le point de règlement va même très loin, puisque cette nouveauté ne concerne que les sept étapes mentionnées officiellement par l’UCI, elle-même transformée en organisme de prévision que ne renieraient pas les météorologues les plus savants. Sauf que le Tour aime la désobéissance comme un don fondamental et s’accommode peu de futurologie. Preuve, l’énorme chute en tête du peloton, à 28 kilomètres de Liège, qui mit à terre quelques favoris à la sortie d’un rond-point, les Froome, Bardet et consorts, sans dommage apparent... Une glissade. Et tout peut s’arrêter.

Et à part ça? Une première grosse polémique a surgi, comme seul sait en provoquer La Grande Boucle. D’autant qu’elle concerne les Sky de Chris Froome, auteurs d’une prestation groupée mais douteuse lors du chrono de samedi (4 coureurs dans les 8 premiers). L’équipe britannique aurait utilisé des «bulles» favorisant l’aérodynamisme, un gain estimé jusqu’à 7%. Explication : l’ajout de Vortex aux combinaisons – au niveau des épaules et des coudes – permettrait un changement de direction des particules d’air. Pour les techniciens de l’équipe FDJ, qui ont interpellé les commissaires de course, il s’agirait d’une infraction au règlement. La natation a interdit depuis longtemps les maillots en polyuréthane qui amélioraient les performances. Le vélo plonge dedans. Si l’habit fait désormais le cycliste, où allons-nous? 

(1) Cyrille Guimard a été nommé le 23 juin dernier.

[ARTICLE publié dans l'Humanité du 3 juillet 2017.]

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