Une nouvelle élue s’installe à l’Elysée... Un livre drolatique et cauchemardesque de Gérard Mordillat.
Futur. Savez-vous ce qu’est une sotie? Voici la définition donnée par Gérard Mordillat en exergue de son dernier livre: «Farce à caractère satirique jouée par des acteurs en costumes de bouffons, allégorie de la société du temps.» Le genre peut paraître désuet aux non-lecteurs-spectateurs d’arts comiques grinçants. Croyez-nous pourtant sur parole. Notre époque de bric et de broc – qui tue toute critique anticipatrice – exige des méthodes parfois iconoclastes et audacieuses pour en dénoncer les travers idéologiques. Le verbe et la satire peuvent se révéler une arme redoutable. Tous les moyens ne sont-ils pas bons, désormais, pour réveiller les consciences et secouer ceux qui refusent de voir la réalité et derrière la réalité un petit bout de ce qui se profile à l’horizon si rien ne change. Avec "Moi, présidente" (éditions Autrement, 122 pages), Gérard Mordillat se transporte dans la préfiguration d’un futur risible mais très cauchemardesque. À l’Élysée, une équipe de TV Près De Chez Vous, la télévision façon ORTF du pouvoir fraîchement installé, filme la nouvelle présidente élue dans l’exercice de ses fonctions. Dans les coulisses, nous croisons le ministre du Racisme Efficace, le ministre de la Police et Répression, le ministre de la Propagande Officielle, le ministre de la Précarité Raisonnable, le ministre du Savoir et Folklore, le ministre de Ma Guerre – celui de la Défense a été supprimé, puisque, «s’il y a la guerre, c’est bien moi qui le décide et qui commande à tous les connards le petit doigt sur la couture du pantalon». Nous côtoyons également l’Éminence des Cultes, utile pour le redressement moral du bas peuple, le Patron des Patrons, de même que l’Actuel de madame la Présidente (comprendre: le conjoint en mode serpillière).
Enfin, n’oublions pas «le» socialiste de service de la Présidente, une capture de guerre qui, à lui seul «synthétise tous les reniements, les lâchetés, les traîtrises qui ont eu la peau de cette assemblée de barbus instituteurs, de francs-maçons et d’écolos du dimanche». Quand la présidente rit, tout le monde rit dans le palais. «C’est Saint Louis en tailleur Chanel, c’est Salomon habillé par Saint Laurent, c’est le chêne, le glaive et la balance de la Justice.» Même quand elle liquide définitivement l’Éducation nationale – tout au privé! Même quand elle supprime le chômage (entendez les statistiques, Pôle emploi, les chiffres), puisque ce sont les chômeurs les responsables de la prolifération cancéreuse du chômage, ces pue-la-sueur, ces traîne-patins, ces junkies qui pourrissent le paysage. D’ailleurs, elle résilie toutes les aides, aux RMIstes, aux RSA-miteux, aux handicapés, aux pensionnés, aux sans-dents, aux branleurs d’artistes. La révolution nationale est en marche. Oubliez le passé, les avantages acquis, les salaires, la Sécu, le plein emploi, le partage des bénéfices – tant qu’il n’y a plus de communistes… Mais dieu merci, sur TV Près De Chez Vous, il reste des spots de pub qui tournent en boucle: «Sauvez nos arbres ! Ne lisez plus ! Le papier tue. Le papier tue nos arbres et nos forêts. (…) Nos programmes offrent ce qu’aucun livre n’offrira jamais. Lire tue!»
Privilégiés. Toute ressemblance avec une blondasse faussement drapée de démocratie est évidemment fortuite. Cette fiction aussi hilarante que glaçante, dont on taira la fin magistralement prophétique, deviendra une pièce de théâtre au premier trimestre 2017. D’ici la transposition sur les planches, le livre sortira dans les librairies la dernière semaine de septembre. Mais les participants de la Fête de l’Humanité auront l’occasion de taper les trois coups. Non seulement l’auteur sera présent au village du livre, mais il arrivera avec des exemplaires de Moi, présidente, qu’il signera en avant-première et nulle part ailleurs à des privilégiés qu’il convient d’ores et déjà de dénoncer publiquement. L’ami Gérard pourrait bien s’en charger personnellement. À bas les privilèges!
Privilégiés. Toute ressemblance avec une blondasse faussement drapée de démocratie est évidemment fortuite. Cette fiction aussi hilarante que glaçante, dont on taira la fin magistralement prophétique, deviendra une pièce de théâtre au premier trimestre 2017. D’ici la transposition sur les planches, le livre sortira dans les librairies la dernière semaine de septembre. Mais les participants de la Fête de l’Humanité auront l’occasion de taper les trois coups. Non seulement l’auteur sera présent au village du livre, mais il arrivera avec des exemplaires de Moi, présidente, qu’il signera en avant-première et nulle part ailleurs à des privilégiés qu’il convient d’ores et déjà de dénoncer publiquement. L’ami Gérard pourrait bien s’en charger personnellement. À bas les privilèges!
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 9 septembre 2016.]
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