mercredi 11 mai 2016

Deux... il n'a manqué que deux députés pour une motion de censure "de" gauche

Il faudra que ceux qui ne souhaitaient pas voter cette loi travail –qu’ils soient «frondeurs», «aubrystes», écologistes ou autres– sans pour autant franchir le rubicond d’une censure de gauche réfléchissent bien au sens de leur grave manquement
 
Il aura donc manqué deux députés pour que la gauche puisse déposer une motion de censure «de» gauche. Autrement dit un souffle, un rien. C’eût été pourtant un coup de tonnerre dans cette Assemblée nationale que l’exécutif cherche –par l’ultime forfaiture que constitue l’usage du 49-3– à humilier en la renvoyant à une vulgaire chambre d’enregistrement. C’eût été également une vraie réplique de gauche, visible et compréhensible. Nous parlons là de cette gauche –pardonnez cette tautologie– qui défend vraiment les intérêts du peuple, des salariés, et l’avenir même des droits du travail dans notre pays, cette gauche, en somme, qui refuse de lâcher un lien sacré: l’union du populaire et du régalien. Un lien que s’est employé à sectionner le couple Hollande-Valls avec tant de vergogne que nous sommes en droit de demander aujourd’hui: qui a manqué à l’appel pour que cette motion de censure puisse être déposée? Sachant que la posture critique ne suffit plus en ce moment si crucial, il faudra que ceux qui ne souhaitaient pas voter cette loi travail –qu’ils soient «frondeurs», «aubrystes», écologistes ou autres– sans pour autant franchir le rubicond d’une censure de gauche réfléchissent bien au sens de leur grave manquement…
 
Car l’affaire n’est pas finie! L’exécutif devrait se méfier de crier victoire –quelle victoire?– trop tôt. Dans les jours et les semaines qui viennent, le mouvement social, sous toutes ses formes, ne risque pas de rendre les armes. Il y a même tout lieu de penser que ce coup de force antidémocratique que constitue le 49-3, surtout celui-là, renforcera non seulement l’insurrection des esprits mais agrégera un peu plus la rencontre de tous ceux qui se dressent contre cette régression sociale programmée. Souvenons-nous du CPE, il y a tout juste dix ans, lui aussi promulgué par un 49-3 et devenu force de loi –en apparence. La puissance des mobilisations qui avait suivi balaya le texte. Cela s’appelle un rapport de forces, qui se modifie à mesure qu’une magie singulière opère, celle d’un mouvement social ambitieux et confiant dans ses capacités. Chacun mesure ce qu’une victoire contre ce projet fou aurait de stimulant pour l’avenir. Le gouvernement veut censurer le peuple à bon compte. Renvoyons-lui la note. 
 
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 12 mai 2016.]

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