jeudi 19 septembre 2013

Irresponsables !

Nos concitoyens ont-ils voté en 2012 pour un mensonge fiscal et la casse 
des retraites?

Ça devait passer comme une lettre 
à La Poste. Seulement voilà, 
le président du groupe des députés du Front de gauche à l’Assemblée nationale a tenu bon. Le gouvernement avait prévu un temps limité pour l’examen du projet de loi sur la « réforme » des retraites, autrement dit qu’un minimum de débat ait lieu devant la représentation nationale. Déterminé «à mener une bataille», André Chassaigne a annoncé qu’il s’y opposerait, conformément au règlement qui permet à un président de groupe d’interdire qu’un «temps programmé» soit fixé arbitrairement sur un texte. Tout un symbole. L’exécutif voulait réduire à la portion congrue la durée des séances consacrées à l’examen d’un projet de loi aussi fondamental. Comme si la contestation et les idées alternatives étaient déjà jugées nulles et non avenues, alors que les Français ont au contraire besoin d’un débat public et contradictoire. Une méthode expéditive pour un texte indigne d’un gouvernement dit «de gauche». Un joli résumé, n’est-ce pas?


La bataille parlementaire débutera donc 
en octobre, à partir d’un projet qui s’avère 
– hélas – conforme à ce qui était redouté. La logique
des précédents gouvernements se poursuit. Le couple Hollande-Ayrault s’entête et légitime la fin de la retraite à soixante ans en utilisant les mêmes leviers que toutes les contre-réformes de la droite pour justifier l’allongement de la durée de cotisation, ce qui signifie le recul de l’âge réel de départ ! Nous connaissons par cœur le discours ambiant, qui consiste à traiter l’avenir de nos retraites par le seul biais des déficits publics. Il y a là quelque chose de maladif. Car cette question se situe très précisément au point de convergence de toute notre organisation sociale. Connaissez-vous d’ailleurs l’un des paradoxes suprêmes de la «réforme» en cours? Elle aggravera le chômage. Pourtant, s’il n’y avait pas 5 millions de chômeurs, il n’y aurait aucun problème de financement de notre système par répartition ! Or le pilonnage médiatique en bande organisée (Medef, Cour des comptes, Bercy, etc.), qui oublie de nous parler du coût du capital, ne cesse de vouloir nous faire avaler le principe d’une nouvelle réduction des droits. Il défend l’actuel projet de loi ? Logique, il s’inscrit pleinement dans le cadre des « réformes structurelles » néolibérales. C’est à la fois inefficace, injuste et irresponsable!

Pendant ce temps-là – ne rigolez pas –, 
le premier ministre et le chef de l’État seraient 
en «désaccord de communication» concernant une éventuelle «pause fiscale». À disserter sur du vent, nos éditocrates n’auront pas le courage de reconnaître que derrière le concept de «pause fiscale» se cachent – très mal d’ailleurs – de nouveaux abaissements d’impôt pour les plus fortunés et les grandes entreprises, lesquelles, sous diverses formes, bénéficieront de plus de 200 milliards de cadeaux fiscaux et sociaux, sans aucune contrepartie pour l’emploi. L’argent? Il alimente les banques et les actionnaires. Franchement, nos concitoyens ont-ils voté en 2012 pour un mensonge fiscal et la casse des retraites?

Et bien sûr, tout cela se produit au moment 
où la TVA matraque les plus pauvres et où 
des centaines de milliers de Français viennent 
de découvrir qu’ils étaient désormais imposables sur le revenu, sans parler des millions d’autres qui doivent payer beaucoup plus… On nous dit à longueur d’antenne que « le pays tout entier, pas seulement l’État, vit au-dessus de ses moyens », comme l’a déclaré l’autre jour Jean Peyrelevade, ex-président du Crédit lyonnais. Les millions de chômeurs, de pauvres et de retraités ont dû apprécier. Ils ne vivent sans doute pas dans le même pays...


[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 19 septembre 2013.]

Aucun commentaire: