lundi 29 juillet 2013

Banlieues : pour un choc de dignité

Le problème des quartiers populaires n’est pas l’islam mais la crise sociale. Combien de fois faudra-t-il l’écrire pour que cette élémentaire vérité pénètre les esprits et les coeurs?

"Une" de l'Humanité
du 26 juillet 2013.
Ne sous-estimons jamais la difficulté qui est la nôtre de braver l’opinion dominante dans une démocratie d’opinion aussi conditionnée par les discours formatés des éditocrates sélectifs. Depuis plusieurs jours, des commentaires nauséeux voudraient ainsi nous inciter à croire que la France aurait sombré dans un «climat avancé de libanisation» ; ici, on détrousserait les cadavres dans les wagons ; là, on imposerait le niqab en refusant les prérogatives de la police républicaine. Pour un peu, nous ne serions plus capables de distinguer le vrai du faux et le sens des priorité, au point d’imaginer qu’un bout de chiffon – loin d’être innocent – serait à l’origine de tous les maux, en particulier ceux de Trappes…

Un élu de la banlieue parisienne vient nous rappeler à nos devoirs élémentaires de compréhension de la réalité. Il s’appelle Alain Hajjaj. Il est maire de La Verrière, ville limitrophe de Trappes, et vice-président de la Communauté d’Agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines. A ce double titre, il vient d’adresser une lettre ouverte au premier ministre Jean-Marc Ayrault pour réagir aux événements qui ont embrasé Trappes.
Avec le souci du détail et de la précision, Alain Hajjaj y dépeint la vraie vie de ses administrés, de ceux qui souffrent comme de ceux qui refusent la fatalité. «Jamais, écrit-il, le nombre de jeunes ou de jeunes adultes n’ont été aussi faibles que ce soit en termes d’emploi, de stage ou de logement» ; «jamais les trafics de drogues n’ont été aussi nombreux» ; «pour autant, jamais nous n’avons été aussi actifs en termes de moyens mobilisés, de dispositifs d’écoute et d’appui» ; mais «les jeunes connaissent mieux les policiers locaux que leur correspondant de la Mission locale» ; «on nous dit sans cesse que les quartiers s’éloignent de la République, n’est-ce pas plutôt la République qui s’éloigne des quartiers?» L’élu réclame ce qu’il appelle à un «choc de la dignité pour nos quartiers». Son cri d’alarme n’est pas un geste de désespoir, mais un acte d’espérance pour réveiller les consciences. Alain Hajjaj est l’honneur de la République.

Sans angélisme aucun, réaffirmons haut et fort que le problème des quartiers populaires n’est pas l’islam mais la crise sociale. Combien de fois faudra-t-il l’écrire pour que cette élémentaire vérité pénètre les esprits et les coeurs? Les Manuel Vals et autres Jean-François Copé auront beau donner du talon, rien ne changera cette donnée fondamentale. Pour le dire autrement: refuser toute forme de complaisance vis-à-vis des petites frappes qui pourrissent le quotidien des habitants ne peut être synonyme d’aveuglement devant l’aggravation des conditions de survie de zones urbaines entières. Quand les souffrances se transforment en «sous-France», c’est la République qui vacille – et avec elle son idéal originel d’égalité. Chômage de masse, précarité, paupérisation, destructions des services publics: la crise économique paraît hors-sol, mais la misère, elle, a des racines si profondes qu’elles labourent et laminent les entrailles des quartiers, des familles, des individus. Non! il ne s’agit pas d’un fantasme né dans l’esprit de sociologues à l’âme sombre : le chômage des moins de 25 ans dépasse désormais les 40% dans ce qu’on nomme communément les «Zones urbaines sensibles». Nos jeunes, qu’ils soient héritiers de l’immigration ou non, aspirent à l’égalité pleine et entière. Mais ils sont les principales victimes d’une époque frappée de déréalisation où seul est glorifié le culte du fric et de la réussite télémarchandisée. Nombre d’entre eux ont voté François Hollande en 2012, ils attendaient – et attendent toujours – beaucoup après une décennie de stigmatisations. Qu’on se le dise, il n’y aura pas d’horizon républicain digne de ce nom sans la fin de toutes les ségrégations sociales dont sont victimes nos quartiers populaires.

(EDITORIAL publié dans l'Humanité du 26 juillet 2013.)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Fort bien, alors qu'attendent les parlementaires communistes pour censurer ce gouvernement qui aggrave la crise, qui ferme les services publics (hôpitaux par exemple), qui donne aux banques ce qui est volé à l'épargne populaire ?
A quand une motion de censure ? à quand l'exigence de quitter l'Union européenne qui nous étouffe ?

Unknown a dit…

Il reste nécessaire que, parallèlement au combat pour sortir de la crise économique, une conscience politique collective se créée au sein des quartiers populaires...sans elle, la situation restera, malheureusement, figée.