vendredi 18 février 2011

« Entreprise France », ou le coup d'Etat de Nicolas Sarkozy

Si notre engagement dépend toujours de notre perception du réel, reconnaissons que le climat politique actuel, du moins celui qui occupe le débat médiacratique, atteint un degré de schizophrénie aussi poignant qu’inquiétant. Poignant, en tant qu’il assigne tous les authentiques républicains à ne pas minimiser le besoin de changement(s) et, accessoirement, l’ampleur de la tâche pour y parvenir. Inquiétant, car les périodes crépusculaires de crises sociales, profondes, durables, peuvent conduire au meilleur comme au pire. Comment se réjouir du divorce durable entre le peuple et ses représentants, s’il ne nourrit qu’une aptitude très contemporaine au désenchantement mortifère? À la fracture sociale semble s’ajouter une fracture politique, qu’il faut combattre de toutes nos forces : selon la dernière enquête du Cevipof, hélas passée un peu inaperçue, pas moins de 83% de nos concitoyens considèrent que les «politiques» se désintéressent de leur sort. Même les élus locaux, maires et conseillers généraux, jusque-là sanctuarisés, se trouvent entraînés dans cette défiance collective. Plus rien ne peut désormais cacher l’état de délabrement de notre régime politique et institutionnel. Et pour cause.

Que vaut encore la parole de Nicolas Sarkozy? Qui, depuis sa dernière émission de com sur TF1, peut accorder le moindre crédit à ses promesses? Et qui osera l’écouter encore sans ce terrible sentiment d’incrédulité qui décrédibilise sa fonction même? Pas grand monde en vérité… C’est dans ce contexte que, dans cinq semaines, nous nous apprêtons à voter pour les élections cantonales, dont on peut dire qu’elles se préparent dans un silence médiatique voulu et organisé par le Palais. Plusieurs directions de département seront pourtant en jeu, et bien des équilibres nationaux déterminants seront observés à la loupe : il n’y a pas que 2012 dans la vie! Même le Sénat, en cas de déculottée à droite, pourrait bien basculer, en septembre prochain, à la faveur d’un renouvellement significatif des grands électeurs… En ces temps de révolution(s), tous les scrutins sont importants.

Du local au global? Personne n’a oublié l’odieuse tentative de coup d’État de Sarkozy sur le dos des collectivités locales. Avec son projet de refonte des régions, symbolisé par la limitation ou la disparition des compétences départementales, l’Élysée voudrait éloigner encore un peu plus les citoyens des lieux de pouvoir et en finir avec la vivacité des démocraties locales, souvent derniers remparts contre les inégalités dont sont victimes les citoyens, mais régulièrement opposée à la fameuse «efficacité économique» d’inspiration libérale. Le bilan s’avère déjà catastrophique. Du fait des transferts de charges et des manques de moyens de l’État, de nombreux départements sont au bord de l’asphyxie financière. Croulant sous le poids des dépenses sociales et souvent victimes d’emprunts toxiques, certains franchissent même le Rubicon en contractant des partenariats public-privé (PPP) pour financer des investissements aussi fondamentaux que l’éducation… La France rêvée par Sarkozy ? Une réduction à marche forcée des services publics au profit d’une logique d’entreprise à l’échelle d’un pays. «L’entreprise France»…

Et pendant ce temps-là ? Il est des coïncidences troublantes. D’un côté, les revenus des patrons du CAC repartent à la hausse, d’un autre côté, Sarkozy annonce vouloir carrément supprimer l’ISF – et non plus seulement en relever le plafond. Enrichir les riches. Toujours plus. Voilà le réel, tel qu’il est.

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 16 février 2011.]

(A plus tard...)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Comment "combattre de toutes nos forces la fracture sociale et politique" et la profonde "inquiétude de 83 % de nos concitoyens" ? Est-ce en suivant Vincent Peillon qui déclare au Monde du 12 / 02 / 2011 :
« La question qui se pose en 2012 est simple dit-il : veut-on poursuivre sur la pente de l'abaissement national, continuer à jouer sur l'émotion, sur la confusion des valeurs, les mensonges et la violence ou bien fait-on le choix du REDRESSEMENT national ? Faire ce second choix, c'est se mettre en capacité de répondre à la crise de l'avenir qui ronge notre pays et nourrit le pessimisme et proposer une puissante refondation de notre identité nationale. Dans cette perspective, la candidature de D. Strauss-Kahn peut être très utile à notre pays. »
Le journaliste demande : " Martine Aubry n'est-elle pas mieux placée ?
« Il faut en finir avec cette idée qu'il y ait des divergences de fond entre Martine Aubry et D. Strauss-Kahn. Ils sont sur la même ligne. »
Cela est à mettre en relation avec la déclaration des inspecteurs de l’Union Européenne et du Fonds Monétaire International rapportée par Le Point du 12 / 02 / 2011 :
« Au cours d'une visite en Grèce (effectuée le 10 / 02) par les inspecteurs de l'UE et du FMI pour examiner la mise en œuvre du plan de sauvetage qui a permis à Athènes d'échapper à la faillite. Ils ont estimé que le gouvernement devait procéder à beaucoup plus de privatisations qui devraient rapporter 50 milliards d'euros de 2011 à 2015, au lieu de 7 milliards du précédent plan de 2010 à 2013. (…) Dans un entretien téléphonique avec M. Papandreou, le président du FMI D. Strauss-Kahn a déclaré : " J'exprime mon respect le plus profond pour le gouvernement et le peuple grecs dans leurs efforts pour RELEVER les défis économiques auxquels leur pays est confronté. »
Diantre ! Venant après ses félicitations à Ben Ali …
Comme dans les BD de mon enfance, j’ai vu s’élever au-dessus de ma tête une bulle en forme de nuage remplie de points d’interrogations, de points d’exclamations, d’étoiles, de 36 chandelles, de cracs- boums, d’éclairs, de poignards …
Inquiétude à laquelle s'ajoute cette sarkozyade pur sucre pur fruit dénoncée par les communistes Varois :
Le maire UMP de La Crau vient d’instaurer dans sa commune un service bénévole de « vigilance citoyenne » en chargeant deux cents habitants de veiller à la sécurité en jouant un rôle d’auxiliaires de basse police. Deux cents personnes pour espionner et rapporter les faits et gestes de leurs concitoyens. Ce système de surveillance est d’autant plus grave, ignoble et condamnable que ces informateurs seront couverts du manteau de l’anonymat.
Jamais depuis le régime de Vichy, la France n’avait eu à faire face à une aussi grave atteinte aux libertés fondamentales de la République et à une telle ignominie.
La section d’Hyères-La Crau du Parti Communiste Français s’élève avec véhémence et condamne avec la plus grande sévérité une telle décision qui en ces temps de fièvre sécuritaire, ouvre grand la porte à une extension généralisée de cette pratique et à d’autres perversions de ce type.
La section d’Hyères-La Crau du PCF dit NON à la délation institutionnalisée.
Elle dit non au règne des corbeaux.
Elle demande aux autorités préfectorales son immédiate interdiction.
Comment se préserver du "désenchantement mortifère ?"
En luttant, encore et toujours, et sûrement pas en se retirant sur l'Aventin pour cultiver sa ldifférence au moindre désaccord.
NICOU