samedi 2 octobre 2010

Retraites : ne rien lâcher !

«Nous avons le potentiel pour empêcher cette réforme. Il y a eu jusqu’à présent une forte mobilisation des salariés et un large soutien de l’opinion. À nous d’être convaincants.» À sa manière, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, résumait parfaitement la situation, hier matin, alors que la France entière s’apprête à descendre dans la rue pour dire «non» à la casse de nos retraites, «non» à la privatisation de la France et à la destruction des solidarités républicaines. Ce samedi, les citoyens en colère défileront dans 230 villes : autant que le 23 septembre ! Non seulement le bras de fer s’amplifie, mais la «décélération incontestable» fantasmée par l’Élysée trouve chaque jour des démentis cinglants. La prise de conscience progressive a déjà modifié le rapport de forces.
Partout, les efforts consentis par la population pour amplifier la contestation donnent à voir l’ampleur du temps-citoyen qui est le nôtre, et qui n’est pas sans rappeler les mobilisations ascendantes observées lors du référendum de 2005 ou du CPE en 2006. Dans les deux cas, il avait fallu de nombreuses semaines pour désinstaller la propagande d’État. Il est évidemment trop tôt pour prédire l’issue du conflit actuel, provoqué par une contre-réforme insupportable, autant par son contenu que par les moyens utilisés pour l’imposer à une opinion de plus en plus hostile. Dire que la suite dépend en partie de la réussite des mobilisations d’aujourd’hui, et du succès de celles du 12octobre prochain, est une évidence qui ne s’arrêtera évidemment pas à la ridicule «bataille des chiffres» – à propos de laquelle rarement, dans notre histoire contemporaine, les services de l’Intérieur se seront montrés autant ridicules…

Car, le climat a muté et la vérité creuse son sillon. Tous ceux qui tentent d’analyser avec sérieux le paysage social ne le cachent pas : un durcissement est possible. L’intransigeance idéologique du Palais comme les provocations du chef de l’État lui-même sur le dossier en question constituent autant de points d’appui «naturels» pour subjuguer la colère. À vouloir nier la réalité, le pouvoir affiche un tel mépris qu’il insulte l’avenir, comme si le présent devenait si brûlant qu’il fallait le travestir. Osons une explication : et si la peur avait changé de camp ? Et si la gigantesque entreprise de conditionnement mental des Français organisée par tous les réseaux d’influence de la sarkozye finissait par se retourner contre elle ?

Comme le montre notre sondage exclusif CSA, pas moins de 71% des Français interrogés soutiennent les mobilisations de ce 2octobre. Un record depuis le début du conflit sur les retraites ! La France des luttes, celle qui ne se résout jamais à la domination et aux injustices, peut-elle remporter cette victoire idéologique si importante pour notre avenir commun ? Du haut de sa morgue, Sarkozy ferait bien de se méfier, lui qui vient d’atteindre le seuil plancher de sa cote de popularité : 26% d’opinions favorables. Là aussi, du jamais-vu ! Claquemuré dans sa religion libérale, il vient encore d’utiliser des termes stupéfiants : «Je peux dire aux 15 millions de retraités et aux 700 000 retraités de plus chaque année : vos retraites seront payées.» Le mensonge est si primitif qu’il n’étonnera personne. Grossièreté, monocratisme, injustice : tels sont les fondements du néocapitalisme, dont Sarkozy est l’un de serviteurs les plus zélés. Sa «réforme» des retraites, qualifiée pompeusement de «mère de toutes les batailles», en est la pointe avancée. Raison de plus pour ne rien lâcher.

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 2 octobre 2010]
(A plus tard...)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ce dont nous avons besoin, maintenant, après toutes ces séquences de manifs très réussies, c'est évidemment que le mouvement se radicalise. Le bras de fer doit non seulement se poursuivre mais se durcir vraiment !!! Ducoin a raison : et si la peur avait, enfin, changé de camp?
YVES