Lilian Thuram est donc accusé de «racisme anti-Blancs». La bonne blague...
Une imprécision de langage, peut-être. Une erreur de diagnostic, certainement pas… Le procès public instruit contre Lilian Thuram, cible de virulentes critiques depuis sa réaction aux cris de singes subis par Romelu Lukaku à Cagliari, en dit bien plus sur le monde du football et la société française que les déclarations qui l’ont provoqué. Ainsi donc, voici le retour du «racisme anti-Blancs» dans le débat polémique, thème imposé par toute la fachosphère et repris à leur compte, ces dernières années, par de nombreuses personnalités, Alain Finkielkraut en tête, et tous ceux qui portent l’inquiétude névrotique de la préservation d’un espace français fantasmé. L’ex-international est à son tour accusé d’alimenter ce «racisme anti-Blancs», en raison d’une interview parue dans le journal italien Corriere dello Sport. Pour dénoncer les maux de la xénophobie, voici les mots de Thuram: «Il faut prendre conscience que le monde du foot n’est pas raciste, mais qu’il y a du racisme dans la culture italienne, française, européenne et plus généralement dans la culture blanche. Il est nécessaire d’avoir le courage de dire que les Blancs pensent être supérieurs et qu’ils croient l’être.»
L’usage de l’expression «les Blancs», globalisante, serait si grave qu’elle provoque une réaction médiatico-politique de très grande ampleur. Grave au point qu’il faille en débattre sur toutes les chaînes d’information en continu, en invitant des représentants du RN (ex-FN) et tout ce que la médiacratie compte «d’experts» en ethnocentrisme occidental, comme si le morceau de phrase de Thuram devenait central et que la question n’était plus que des Noirs soient accueillis par des cris de singe dans des stades, devant l’indifférence des autorités. De manière hallucinante, le problème ne serait plus le racisme ordinaire – et la possibilité de le penser en tant que système – mais bien qu’une personne concernée au premier chef ait osé en chercher et en exposer les causes. Résumons: qu’un homme noir, admirable depuis toujours dans ses combats, se permette de dénoncer un racisme structurel dérange bien plus que le racisme lui-même !
Lilian Thuram a pourtant raison: dans les stades italiens, français et européens, trop de pseudo «supporters» blancs crient leur haine en toute impunité et affirment leur supériorité comme leur suprématisme. C’est un éditorialiste de l’Humanité – un Blanc – qui l’écrit. Sera-t-il lui aussi accusé de «racisme anti-Blancs»?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 9 septembre 2019.]
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