Ce qui n’était au départ qu’une énième tentative de lancer une monnaie électronique alternative un brin « libertaire » et/ou « socialiste » afin de court-circuiter les banques excite désormais la convoitise de Wall Street.
Aristote définissait une monnaie par ses trois fonctions essentielles: unité de compte, réserve de valeur et intermédiaire des échanges. Celles-ci, au fond, ont assez peu varié. Si ce n’est bien sûr la dématérialisation progressive des supports monétaires eux-mêmes. En 2009, au lendemain de la grande crise financière globalisée, le «code source» d’accessibilité du bitcoin était officiellement publié. Cette monnaie numérique aux mécanismes complexes et à la finalité obscure, crée par un mystérieux Satoshi Nakamoto – le pseudonyme d’une personne ou d’un groupe –, ne vaut alors que quelques centimes. Elle disparaît plus ou moins des radars, resurgit de temps à autre à la faveur de son principe, qui intriguent: le bitcoin est une monnaie à émission limitée, 21 millions d’unité, ce qui signifie que son cours ne peut que progresser, lentement mais inexorablement. Deux pas en avant, un pas en arrière. Et puis, brutalement, chacun a voulu être de la fête. En six mois, leur nombre a doublé. La valeur a explosé de +3000% en trois ans, jusqu’à dépasser, lors de sa première cotation sur Chicago Board Options Exchange (CBOE), les 18.000 dollars...
Une sorte de folie boursière. Car voyez vous, ce qui n’était au départ qu’une énième tentative de lancer une monnaie électronique alternative un brin «libertaire» et/ou «socialiste» afin de court-circuiter les banques excite désormais la convoitise de Wall Street. Cette «technologie monétaire» laisse entrevoir aux grands argentiers de nouvelles frontières du profit, ils ne s’en privent pas! Du coup, deux questions légitimes se posent. Assisterons-nous à une – improbable – intégration de cette monnaie virtuelle «libre» dans le système officiel? Ou plutôt à l’éclatement programmée de sa «bulle», simple symptôme supplémentaire? Un actif financier reste toujours soumis aux vents du capitalisme... Au XVIIe siècle, la tulipe, dont le bulbe coûta jusqu’à plusieurs milliers de florins, fut le miracle financier des Pays-Bas. Cela ne dura qu’un temps, tout s’effondra du jour au lendemain. Une indication en dit long sur l’actuelle ruée vers cette crypto-monnaie: les fonds spéculatifs multiplient les placements en bitcoin…
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 12 décembre 2017.]
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