vendredi 17 juin 2022

Républicain(s)

L’odieux procès instruit par toute la Macronie.

Nupes. C’est depuis la Révolution française, et par là même la naissance de la République du peuple pour le peuple, que la visée universaliste de la France s’est installée dans notre grande Histoire – et non la pseudo-«permanence» innée d’une nation immuable et éternelle dont l’incarnation symbolique prendrait place à l’Élysée dans la posture spectrale du monarque-élu. Ainsi donc, tandis que se joueront dimanche le sort et l’à-venir de notre pays lors de l’élection la plus importante, celle des représentants à l’Assemblée nationale, un odieux procès en «antirépublicanisme» est instruit par toute la Macronie contre la Nupes. L’affaire nous apparaît tellement grotesque, hors de propos, que nous pourrions en rire. Mais l’heure des plaisanteries, alors que la gauche unie se trouve aux portes du pouvoir législatif, aurait quelque chose de déplacé sinon d’irréel. Que se passe-t-il du côté de la majorité présidentielle, pour que, à ce point, de Mac Macron II aux candidats putatifs d’Ensemble, la fébrilité et la peur se transforment en dramatisation à outrance du second tour jusqu’à convoquer «l’intérêt supérieur de la nation», comme l’a déclaré sur un tarmac le prince-président? Une vérité s’impose. Entre sueurs froides et panique généralisée, nous assistons à une désertion morale et éthique de la Macronie, plus radicalisée que jamais, contrainte de sortir l’ultime argument stratégique tout droit puisé dans le caniveau de la pensée: la diabolisation de la Nupes, par tous les moyens, même les plus abjects.

Stabilité. Donner des leçons de République aux héritiers de Jaurès: on aura tout vu, tout entendu. D’autant que les mots perdent leur sens, à laisser croire que le pays serait en proie à des antirépublicains partout. La tentation de la verticalité absolue se poursuit avec Mac Macron II, comme s’il disait «moi ou le chaos», lorsqu’il ose prononcer ces mots terribles: «Aucune voix ne doit manquer à la République.» Olivier Faure a eu raison de répliquer de la sorte: «Quelle outrance! Désormais, on est macroniste ou on est antirépublicain. À force de convoquer des arguments d’autorité de cette nature, les mots perdent leur sens.» Quant à Jean-Luc Mélenchon, atterré par cette séquence surréaliste qui consiste à expliquer qu’une « instabilité » viendrait d’une éventuelle victoire de la Nupes – celle d’un roi sans tête, peut-être? –, il a simplement expliqué: «Je sais où je vais. La stabilité politique dépend de la stabilité programmatique, et elle est chez nous. On va planifier le changement. » Et il a ajouté: «Ne permettez pas à ces gens de tenir le haut du pavé, notre pays en ressortira en lambeaux, nous seuls sommes capables de garantir l’unité.»

Traces. Du coup, le pire s’est décliné mécaniquement dans toute la majorité présidentielle, au point d’entretenir la confusion concernant les candidats de Fifille-la-voilà, à juger «au cas par cas». La honte. Rendez-vous compte: ce jeudi, seuls six candidats LaREM sur 61 éliminés appelaient officiellement à voter pour la Nupes contre le RN. Doit-on redire que, entre partis républicains (précisément), la mobilisation contre l’extrême droite ne se négocie pas au gré des circonstances. La dérive atteint les sommets. Elle laissera des traces. Preuve que Mac Macron II ne tient plus rien dans sa majorité, citons au passage celui qui sauva l’honneur, Pap Ndiaye, qui interpella ainsi ses camarades du gouvernement: «Le combat contre l’extrême droite n’est pas un principe à géométrie variable.» Cette semaine, un quotidien national se distingua également, en écrivant: «Le parti de M. Macron ne peut appeler à faire barrage à l’extrême droite pour accéder ou se maintenir au pouvoir, puis ne pas s’appliquer à lui-même cet impératif, sauf à renier son identité et les valeurs qu’il prétend siennes. Dans le paysage mouvant de cet entre-deux-tours, cette clarification, et ce rejet sans ambiguïté de tout cynisme électoraliste, s’imposent sans délai.» Le bloc-noteur ne changerait pas une virgule. Il s’agissait pourtant d’un éditorial du Monde, signé Jérôme Fenoglio. À bon entendeur…

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 17 juin 2022.]

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