mardi 27 avril 2021

Ultradroitisation

La responsabilité de la droite, depuis le sarkozysme, est écrasante. Tant de digues ont sauté, qu’une forme de «rassemblement» des droites extrêmes n’est plus un fantasme.

Ainsi donc, la «dédiabolisation» du Rassemblement national aurait «porté ses fruits», si l’on en croit une préoccupante étude de la Fondation Jean-Jaurès. Seuls 34% des Français disent avoir une «image négative» de Marine Le Pen, contre 50% il y a deux ans. De quoi montrer de l’inquiétude, quand nous constatons chaque jour un peu plus l’hystérisation et l’ultradroitisation des débats publics, quels que soient les sujets. À qui la faute, après des décennies de dérives en tout genre ?

La responsabilité de la droite, depuis le sarkozysme, est écrasante. Tant de digues ont sauté, qu’une forme de «rassemblement» des droites extrêmes n’est plus un fantasme, au moins par les urnes. Les trois droites, classées jadis comme légitimiste, orléaniste et bonapartiste, peuvent maintenant se décliner comme conservatrice, ordolibérale et poujado-identitaire, avec des porosités d’idées si prégnantes qu’une grande part de l’électorat LR refuserait désormais toute perspective de «front républicain» pour barrer la route au lepénisme. Qui est prêt à reporter ses voix au second tour d’une présidentielle sur Marine Le Pen, sinon cette partie croissante de la droite ?

Contrairement à ce qu’affirment tous les réactionnaires ayant table ouverte dans l’espace médiacratique, le discours dominant ne valorise plus, depuis longtemps, les valeurs républicaines fondamentales, la démocratie, l’humanisme ou les progrès sociaux. Et un jour, ce glissement idéologique obscène s’achève par la «tribune» offerte à l’ignoble Éric Zemmour, tous les soirs sur CNews, véritable déversoir nationaliste abject, entre discours de haine et rabâchage authentiquement d’extrême droite. Quand la banale dissémination des discours débouche sur un confusionnisme rhétorique et doctrinal favorisant le pire…

Reste Emmanuel Macron, qui s’accommode bien de la situation pour l’avoir accélérée. En vue de 2022, nous connaissons son choix : le tête-à-tête avec Le Pen. Jusqu’à aujourd’hui, sans doute pensait-il qu’il s’agissait de son assurance-vie, sa seule chance d’être réélu. En quatre ans, de surenchères sécuritaires en stigmatisations, il a même dressé une sorte de pont-levis avec l’extrême droite. L’histoire retiendra qu’il aura mis en péril, lui aussi, la démocratie et la République. 

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 27 avril 2021.]

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