mercredi 11 novembre 2020

Croisée des chemins

Dans ce contexte terrifiant, comment ne pas rappeler l’insuffisance des dispositifs de soutien pour rehausser l’offre de soins et juguler le chômage, la pauvreté, les inégalités sociales.

Neuf mois après les débuts de la pandémie, la situation se révèle plus grave encore. Plus les jours passent, moins le cours de l’épidémie semble maîtrisé. Les historiens du futur écriront peut-être que la France aura été, dans son genre, un cas d’école. Inutile de procéder à un énième «bilan» de la première vague, la deuxième qui nous frappe de plein fouet montre, de nouveau, les incohérences et les carences de l’exécutif. L’heure est grave. Le fossé entre les citoyens et ceux qui les dirigent devient béant…

Trop peu de «leçons» du printemps dernier ont été retenues. Souvenons-nous des trois verbes: tester, tracer, isoler. Qu’est devenu ce triptyque fondamental de la lutte contre le Covid? Pas grand-chose ou presque. À tel point que, aujourd’hui, de nombreux scientifiques de conscience prônent un reconfinement plus dur, plus exigent, afin de sortir de cet entre-deux qui maintient le pays dans un espoir confus et dérisoire, alors que se profilent les vacances de Noël et les hypothétiques Fêtes de famille. Les records de contaminations ne cessent d’être battus, avec leur corollaire morbide, à la fois le nombre de patients hospitalisés quotidiennement et, tout au bout, l’énumération macabre des décès. Nous basculons dans l’inconnu. Car ce nouveau tsunami qui déferle sur nos soignants est d’autant plus scandaleux que les capacités des hôpitaux, singulièrement en réanimation, restent si restreintes que le spectre du «tri» des malades resurgit dans toute sa cruauté.

Et ce n’est pas tout. Après des statistiques en trompe-l’œil depuis des mois, les chiffres du chômage viennent de bondir de manière inédite depuis quarante-cinq ans! Premières victimes, les jeunes, cette génération sacrifiée. Tandis que la crise sanitaire se poursuit, la crise sociale, elle, débute à peine. Dans ce contexte terrifiant, comment ne pas rappeler l’insuffisance des dispositifs de soutien pour rehausser l’offre de soins et juguler le chômage, la pauvreté, les inégalités sociales. Si le confinement apparaît comme indispensable, n’oublions pas qu’il a pris une forme libérale : apaisé et doux pour les puissants, impitoyable et injuste pour les faibles. Les mesures d’accompagnement ne sont pas à la hauteur. Le pays entier en paiera bientôt le prix fort. La France est à la croisée des chemins. 

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 12 novembre 2020.]

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