vendredi 17 avril 2020

Effondrement(s)

Les fondations du macronisme sont à terre.
 
Revers. Vieux comme le monde, depuis que l’homme est homme de conscience. «L’extinction du biotope terrestre, le grand hiver nucléaire, la collision de l’astéroïde qui dépeuplera la planète, l’autodestruction de l’existence humaine, la bombe climatique à retardement, le point de non-retour : ces mots rouge et noir se dégustent comme des sucres d’orge, d’autant mieux qu’ils aident, comme disait Gracq en 1940, à “triompher de l’angoissant par l’inouï”», écrivait Régis Debray dans Du bon usage des catastrophes (Gallimard, 2011). Que de chemin, depuis. Seule manquait la référence pandémique, mais Régis pourrait encore écrire aujourd’hui: «Le vocabulaire cambré de l’ultime et de l’extrême a un pouvoir de dilatation jouxtant l’ivresse. Il se rumine avec orgueil parce qu’il nous met à part, sur un pic de lucidité, qui laisse aux médiocres les positions médianes.» Nous ne décrirons pas la médiocrité de Mac Macron, en jouant les héroïques amers, déjà après et au-dessus à ruminer dans un vestibule d’horreurs. Néanmoins, pas de bonne catharsis sans examen de réalité. Et celle-ci nous enseigne une vérité aussi limpide que cruelle pour l’intéressé: la crise sanitaire balaie tous les fondamentaux du macronisme. À commencer par ce qu’ils nous présentaient, il y a un mois encore, comme la «mère de toutes les réformes». Celle des retraites qui, on s’en souvient, avait engendré une grève historique et sur laquelle le gouvernement assurait qu’il ne lâcherait rien. Mais ce n’est pas, loin s’en faut, la seule «fondation» du prince-président sur le point de s’écrouler. Nous pouvons même écrire que la spécificité de cette période historique est qu’elle prend Mac Macron à revers sur l’ensemble de sa doctrine politique constitutive. Il prônait la réussite individuelle, l’austérité budgétaire, la dévitalisation progressive des services publics et glorifiait les premiers de cordée. Or les citoyens ne parlent que des soignants, des caissières, des postiers, des éboueurs, des cols bleus, etc. Ces fameux «premiers de corvée» qui sauvent l’honneur de tout un pays…
 
Vaincu. Inutile de le constater de visu: la main de Mac Macron ne cesse de trembler. Il peut bien déclarer solennellement: «Sachons, dans ce moment, sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer – et moi le premier», nous savons tous désormais que les circonstances exceptionnelles l’ont d’ores et déjà vaincu. Et il le sait. Son dilemme restera d’ailleurs dans les annales: soit il opère un changement à 100% de ses paradigmes et rompt brutalement et durablement avec les politiques conduites ces dernières décennies, soit il persiste en libéral trempé et ses postures opportunistes, qui le laissent presque apparaître comme un planificateur de l’union de la gauche d’antan, le perdront à jamais. Personne n’oublierait l’insincérité de ses mots. Au vrai, la mort politique est déjà là, sous nos yeux, confinée dans le tragi-comique de certaines de ses phrases ou allusions, dans l’aplomb avec lequel il ose les débiter. Car, cette fois, Mac Macron exalte les valeurs de la Révolution française et proclame: «Nous retrouverons les Jours Heureux.» Lisez bien. Dans le discours officiel qu’il a lu, lundi 13 avril, figurent bien les majuscules à «Jours Heureux». Qui ne se souviendra pas de cette comparaison explicite avec le Conseil national de la Résistance, avec cette symbolique, enracinée dans l’inconscient collectif, d’une certaine idée de la France? La référence – qui le dépasse totalement – devrait l’obliger. Mais ne rêvons pas. Mac Macron, accident de l’histoire, ne possède aucun élément de projection au-delà de l’horizon. Il nous avait vendu les premiers feux du monde d’après ; il n’incarne que la disparition de l’arrière-monde d’avant. 
 
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 17 avril 2020]

Aucun commentaire: