jeudi 23 mai 2019

Espérance(s)

Le retour de l’idée communiste dérange…

 

Passé? Le père du bloc-noteur répétait souvent: «Une grande idée ne meurt jamais, à condition de la faire vivre.» Héritiers d’une longue tradition politique, comme poussés dans le dos par des forces que rien, pas même les trahisons à l’Idée, n’a pu abattre, nous conservons, nous innovons, avec en tête notre fil d’Ariane – la lutte pour la justice sociale et la dignité des plus faibles – reposant sur l’union sacrée du populaire et du régalien, la moins mauvaise des définitions possibles, sur le long terme, de «notre» gauche. Telle est notre aventure collective, la nuque raide, quand des brouillons de vie deviennent des copies au propre, quels que soient les mécomptes et la rouille déposée sur Billancourt qui n’en finit pas de désespérer ceux qui espèrent encore... Curieux moment, n’est-ce pas, pour nous autres, souvent considérés comme «hommes et femmes du passé», certainement pas du «passif»? Alors qu’un certain candidat issu des seuls rangs communistes casse la baraque au point de susciter un engouement médiatique nouveau, dans l’attente de son score définitif qui enverra ou non des députés européens de combat, voilà que ressurgit cette peur ancrée dans les classes du haut, jamais avares d’injures à l’heure des étincelles. Cette semaine, dans l’Humanité, l’écrivain Pierre-Louis Basse, qui a de la mémoire et des Lettres de noblesse à n’en plus finir, lui le biographe de Guy Môquet, déclarait avec fierté qu’il voterait, ce dimanche, Ian Brossat «avec les deux mains». Et il ajoutait ce que nous ne saurions mieux dire, comme pour contresigner son acte d’engagement, qu’il agirait ainsi au nom d’une idée qu’il qualifie de «retour», une idée que même les tyrans ne sont pas parvenus à défigurer: «L’idée communiste, figurez-vous, ça n’est rien d’autre que le rappel d’un combat et d’une espérance pour les plus démunis, pour la culture, la santé, l’éducation de nos enfants et petits-enfants. Plus que jamais, l’idée communiste épouse la cause des premiers chrétiens précipités dans la fosse aux lions. Je vais y aller franco.»

 

Cadavre? La campagne du candidat en question, et derrière lui tous ceux qui s’y impliquent, s’avère tellement marquante, bien au-delà des cercles en apparence concernés par ce regain de crédibilité, que la formule de Fabien Roussel «PCF is back», d’abord entendue comme une boutade sinon un doux rêve, provoque désormais craintes et inquiétudes. L’angoisse du rouge: vieille histoire. La panique des perspectives d’un autre rapport des forces: réflexe pavlovien des puissants, qui redoutent que le programme du Conseil national de la Résistante ressorte (vraiment) de l’oubli et remette sur les rails cette République sociale tant souhaitée par le grand Jaurès et ses successeurs authentiques. Raison pour laquelle, depuis quelques jours, la détresse des haineux n’a plus de limite. Quoi? Des communistes sont toujours là? Et en plus ils le revendiquent? Et ils annoncent même du changement dans la reconstruction de la gauche à-venir? Dans le Figaro, nous lisons: «Le communisme français, un cadavre qui bouge encore, hélas!» Belle évidence. Mais il y a toujours pire, quand l’anticommunisme se déchaîne. Jusqu’à un obscur éditorialiste de RMC qui ose affirmer que le PCF avait «complètement collaboré» avec les nazis. Nourris par la fange de l’inculture et du négationnisme, les crachats des histrions n’atteignent pas ceux qui savent le prix du sang et du sacrifice. Depuis, Libération et les Inrockuptibles, pour ne citer que ces deux organes de presse, ont livré les témoignages d’historiens (des vrais), tous indignés par ce honteux révisionnisme. L’idéologie conduit à tout; et leur peur est idéologique. Nous avons l’habitude: éternel recommencement. Mais qui dit «éternel recommencement» dit surtout «recommencement». Un vent nouveau se lève. L’idée vit. Et l’hypothèse de cette idée trouble maints esprits. Le bloc-noteur, qui pense toujours à sa filiation philosophique dans les grandes occasions, n’aura pas à écrire: «Mon père était tellement communiste que, quand il est mort, le communisme est mort avec lui.» D’ailleurs il ne l’écrira jamais. Au nom du père et du fils, des aïeux et des descendants!

 

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 24 mai 2019.]

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