mercredi 22 juin 2016

Etat de droit ?

Ne pas respecter la liberté de manifester aux syndicats... le pouvoir n'y a pas que pensé.
 
Comprenez bien ceci: le président de la République, son premier ministre et son ministre de l’Intérieur, tous censément «de gauche», ont tellement basculé dans le déni et l’autoritarisme pour imposer par la force leur loi travail qu’ils sont à deux doigts d’assumer de ne pas respecter la liberté de manifester aux syndicats… Qui aurait imaginé lire cette phrase, en 2016, dans un éditorial de l’Humanité? Certainement pas les électeurs de François Hollande, qu’ils aient cru ou non à un changement de paradigme, encore moins les fins connaisseurs des sacrements de notre République. Car l’entêtement de Hollande, irresponsable et dangereux pour l’avenir, achève de prouver qu’il est aux abois et lâché par ceux qui l’ont porté au pouvoir, un soir de second tour, en 2012. Mais il y a plus grave: l’interdiction éventuelle d’une manifestation syndicale, ce qui serait une première depuis 1958, reste une arme inconstitutionnelle digne des pires régimes de notre histoire, remettant en cause l’État de droit. Une arme indigne, donc, mais une arme à double tranchant. D’ailleurs, si l’on en croit certaines indiscrétions, des dissensions auraient vu le jour au sein même de l’équipe gouvernementale. Il semblerait que la transgression de cet interdit républicain en effraierait encore certains… Quelle audace!
Le marchandage entamé hier par la préfecture de Paris – autrement dit l’exécutif en droite ligne – se révèle honteux. L’idée? Que la manifestation de demain se transforme en un rassemblement statique, comme si le surplace offrait une garantie de sécurité. Bref, une sorte de «fan-zone syndicale». Et pourquoi pas un pique-nique au Champ-de-Mars les soirs de matchs, avec en prime un rabais sur les tarifs des bières estampillées UEFA? Grotesque. Le refus des syndicats a été catégorique, d’autant que des manifestations se dérouleront sans problème dans d’autres villes de France… Depuis trois mois, Hollande et Valls s’échinent à embraser le pays, seuls comptables du blocage qu’ils pourraient lever immédiatement s’ils suspendaient le débat parlementaire et ouvraient des négociations. Ils ont maintenant sombré dans une dérive qu’il convient de qualifier: ultra-droitière. 
 
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 23 juin 2016.]

Aucun commentaire: