mercredi 13 février 2013

Mariage, l'égalité pour tous!

La gauche peut se rassembler sur ses promesses dès lors qu’elle est mise sous surveillance citoyenne. Elle l'a prouvé avec le mariage pour tous.

Le résultat du vote en première lecture.
Quand la République, dans ce qu’elle a de plus sacré, se rehausse d’elle-même par un acte législatif qui dépasse le cadre ordinaire, l’horloge de l’Histoire tinte toujours différemment. Il était 16 h 58, hier, quand l’Assemblée nationale a voté en première lecture la loi autorisant le mariage des personnes de même sexe. L’émotion, palpable dans l’hémicycle, fut nôtre. Nous avons alors pensé à toutes les associations, à tous les élus, à tous les citoyen(ne)s qui n’ont jamais renoncé à ce combat au long cours, s’attirant les injures et toutes les formes d’obscurantisme. Sans cette mobilisation, jamais démentie, le gouvernement serait-il allé au bout de cet engagement? Nous avons aussi pensé à Christiane Taubira, qui aura incarné, assez magistralement, le choix du progressisme contre la réaction, plaçant résolument cette réforme dans le cadre de la longue bataille pour l’égalité des droits et parachevant l’évolution de cette institution qu’est le mariage, jusqu’alors incomplète. Notre pays vient de rappeler qu’aucune différence ne peut plus servir de prétexte à des discriminations d’État…

Cette victoire parlementaire aura été assombrie par la bataille d’arrière-garde menée par l’opposition, qui, adossée à ce qu’il y a de pire dans l’Église catholique, a parfois réactivé un vieux fond d’homophobie, au sens le plus élémentaire de rejet et de haine de l’homosexualité. Soyons-en sûrs: dans un futur plus ou moins éloigné dans le temps, selon le degré d’imprégnation de notre universalisme collectif, quand les idées auront chassé le langage, les historiens se demanderont comment certains Français ont pu, lors d’un débat proposant l’extension d’un droit à tous, se montrer à ce point réactionnaires. En sacralisant un «ordre familial immuable», ces néo-réacs auront, en vérité, défendu ce qu’ils considèrent comme le socle fondamental de la vie sociale. Seulement voilà, la «norme» est instituée par le droit: changer le droit permet donc de desserrer l’étau des contraintes normatives...

Voyons-y un présage. C’est au lendemain de la démission de l’ultra-conservateur Benoît XVI que cette loi a été adoptée par la fille aînée de l’Église. Réjouissons-nous! Car ce progrès démontre avec quelle force la gauche peut se rassembler sur ses promesses dès lors qu’elle est mise sous surveillance citoyenne. L’exemple doit servir, car, en raison même de son incapacité à montrer le même zèle pour réorienter la politique économique, le gouvernement a alimenté la tentation d’opposer les luttes sociales aux luttes sociétales. Ce serait prétendre que les questions de couple, de la famille, de la filiation n’auraient rien à voir avec les questions économiques et sociales. Ce serait même oublier qu’un chômeur ou un précaire peuvent avoir besoin de la couverture sociale de leur partenaire, et vouloir protéger juridiquement le statut de leurs enfants. L’émancipation réclame la multiplicité des combats!

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 13 février 2013]

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