lundi 8 octobre 2012

Qui sont les pigeons ?

En renonçant à son projet de taxer plus les revenus de cessions d’actifs, le gouvernement adresse un message de soumission à l’égard du patronat.

Jadis, nous apprenions que la vocation suprême «de la» politique consistait à décréter, avec le peuple et contre les intérêts dominants, quelle idée était utile à l’humanité, lesquelles étaient futiles ou malfaisantes. Voilà désormais que certaines des décisions «politiques» se prennent sous 
la pression de quelque lobby à la vulgarité bien-pensante, sans même prendre le temps d’étudier si l’avidité ne serait pas, par hasard, la source et la ressource de leur envie 
de prédation ou de négation de l’intérêt général.

Ainsi donc, il aura suffi qu’une poignée d’entrepreneurs, alias «les pigeons», vienne dénoncer les projets fiscaux du gouvernement pour que celui-ci annonce une invraisemblable volte-face. Et pas n’importe laquelle. En assurant que le gouvernement «reverrait sa copie» sur la taxation des revenus de cessions d’actifs, Jérôme Cahuzac, Pierre Moscovici et Fleur Pellerin ont montré des signes de faiblesses, pour ne pas dire de lâcheté, tout en adressant un message de soumission à l’égard du patronat… En moins de quatre jours, le gouvernement Ayrault a cédé à un groupuscule maniant à merveille l’art de la manipulation médiacratique. Que dénoncent en effet, la main sur le cœur et le verbiage haut, ces bons messieurs «entrepreneurs», jamais les derniers à donner des leçons de maintien en néocapitalisme appliqué et choc de compétitivité? Rien d’autre que la fin d’un privilège!
Car, voyez-vous, les revenus que ces messieurs tirent de leurs capitaux devaient être imposés, dans le projet initial, comme ceux du travail. Le créateur d’une start-up revendant rapidement son entreprise avec profit verrait sa plus-value taxée à 43% plus 15% de cotisations sociales, au lieu de 30% jusqu’à présent. Une injustice enfin réparée? Non. Arrière toute. Droite et Medef jubilent. Et dire qu’il s’agissait là d’une des seules mesures du projet de loi de finances qui s’attaquait aux revenus du capital. Quand les socialistes renoncent à une idée socialiste…
Qui sont les «pigeons» devant lesquels l’équipe Ayrault a capitulé si vite? Un quarteron de petits ultralibéraux à l’angoisse fiscale développée, gérants 
de fonds financiers et autres spécialistes de LBO (rachats spéculatifs d’entreprises), maniant pour se rémunérer les cessions de gros paquets d’actions, tous bien décidés à se faire «un max de thunes» en profitant des bulles artificielles! Cet abandon en rase campagne a tout de la défaite idéologique. Il illustre les insuffisances d’une politique aliénée par la rigueur budgétaire et fiscale, dont les symboles les plus caricaturaux, et les plus graves, sont le traité budgétaire européen et la règle d’or, véritables inepties économiques doublées d’une mise en cause de la démocratie. Pendant combien de temps François Hollande refusera-t-il d’aborder de front la question 
de la relance économique par l’investissement – et du rôle du crédit comme levier pour y parvenir?

Mais au fait, combien de citoyens se seraient retrouvés dans la rue pour défendre les privilèges d’une bande de capitalistes «décomplexés», fussent-ils affublés du sobriquet de «pigeons», dont le seul but dans la vie est de capitaliser, quitte à fuir à Bruxelles ou à Londres? Pas grand monde en vérité. Pour mémoire, rappelons au chef de l’État que 80.000 manifestants ont réclamé, dimanche dernier dans les rues de Paris, l’arrêt des politiques austéritaires en Europe. Un choix politique est un choix: le recul face aux «Pigeons» serait-il un marqueur de ce gouvernement?

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 9 octobre 2012.]

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai été mis au chômage suite à la loi Sapin qui avait fait des agences de publicité le bouc émissaire du financement des paris politiques (oubliant BTP, grande distribution, etc). J'ai dû créer mon emploi. Aujourd'hui nous sommes 7salariés, 2 associés, on veut nous reprendre et je pourrai retrouver un poste de salarié. Seul hic cette imposition à + de 60% de ce quue nous avons économisé (pas de 4x4 etc). M. Sapin m'a mis à la rue et me traite de fils à papa. Mon père était dessinateur industriel, ma mère couturière. J'aurai mieux fait de tout claquer en golf et p'tites pépées. À bon entendeur, et salut la gauche. Taxons tout le monde parei, à 33% dès le premier Euro, à 15,5 CSG proportionnelle et rajoutons de 20 à 45% de progressif.