A l'exemple des Scop, de nouveaux droits d’intervention des salariés dans les entreprises sont plus que jamais indispensables.
«Pour une autre répartition des richesses.» «Ce n’est pas une crise, c’est une arnaque.» «Les salariés doivent avoir la parole.» Face aux grandes peurs d’à-venir, sous les coups de boutoir de l’atomisation sociale qui martèle nos sociétés, combien de fois avez-vous entendu ces phrases et bien d’autres, au coin des rues, en tête des cortèges, sur les piquets de grève et dans vos propres familles à l’heure des fins de mois difficiles? En exprimant leurs révoltes et en luttant comme ils le peuvent contre le règne du «moi» et la «commercialisation universelle», les peuples cherchent une voie, des idées, des solutions. Contre les inégalités et les injustices du capitalisme. Contre l’autoritarisme des puissants qui possèdent tous les leviers, financiers ou médiacratiques. Contre les oligarchies du fric et les organisations internationales sous tutelle – G20, banques centrales, OMC, FMI, etc. Contre la mise en concurrence des individus, qui renvoient les citoyens à la fabrique du néosujet, à la désaffiliation, au délitement du lien social…
L’entreprise est l’un des lieux où se croisent le mieux (si l’on peut dire) à la fois l’ensauvagement et
les souffrances du monde d’aujourd’hui, et en même temps le souffle d’aspirations nouvelles, formulées souvent de manière inédite dans leur mode opératoire. L’entreprise comme laboratoire, symbole du néolibéralisme: après avoir aboli les obstacles à la circulation des capitaux, les puissants veulent en effet démolir tout ce qui reste des systèmes sociaux et le droit du travail. Et autant dire que ce ne sont pas les toutes dernières annonces façon «grand bluff» de Sarkozy sur la taxe Tobin qui réconcilieront les Français avec la crédibilité «sociale» du pouvoir, chacun ayant bien compris la nature opportuniste de cette saillie lyrique du chef de l’État, qui ne vise qu’à atténuer les conséquences désastreuses de l’annonce de la TVA «sociale» sur les couches populaires... Les citoyens le savent. Dans un univers ordo-globalisé qui change et évolue vite, si vite, le monde du travail reste un continent
à conquérir. Partout, à SeaFrance comme ailleurs, par l’élaboration de Scop comme alternatives aux modes de gestion actuels et aux délocalisations, par l’accès à des financements émancipés du marché financier (coopératives de production, de distribution, de consommation, etc.), nous sentons cet irascible souhait de s’en mêler, de ne pas laisser les patrons et les princes du CAC décider seuls de nos sorts communs. Qu’on se le dise. Monte dans les tréfonds de la société l’envie de ne plus laisser les puissants et les appareils politiques s’arranger avec les affaires
du monde, sur le dos de tous, pour préparer, par exemple, une petite alternance bien pépère...
S’il s’agit urgemment de sortir le pays de l’emprise des puissances de l’argent, de la Sarkozye Compagnie et de l’idéologie libéralo-néoréactionnaire, les changements «à la marge», synonymes d’acceptation des politiques de rigueur et de «règles d’or», seraient un contresens historique devant l’ampleur des ébranlements liés à la crise. La vraie feuille de route, simple et audacieuse, tient en quelques mots : une réflexion inédite pour un nouveau projet de civilisation postcapitaliste. Ni plus ni moins… Même s’ils ne le formulent pas ainsi, les peuples, n’en doutons pas, sont prêts à s’y investir. En commençant par leurs lieux de travail ! De nouveaux droits et des pouvoirs d’intervention des salariés dans les entreprises sont plus que jamais indispensables pour réorienter les choix industriels et d’investissement… Ne l’oublions jamais, c’est aussi par le travail – et l’appropriation du travail – que l’homme se transforme. Un beau thème de campagne pour 2012, non?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 9 janvier 2012.]
(A plus tard...)
3 commentaires:
Fallait-il vraiment donner le "pouvoir" aux membres de la CFDT de Seafrance? Franchement, la perspective me fait peur...
PLUS FORT QUE LEURS INJUSTICES, NOS SOLIDARITES!!
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