lundi 10 octobre 2011

Leçon(s) : quelques souvenirs politiques pour l'Histoire...

Nicoléon a-t-il déjà perdu ? Hollande a-t-il déjà gagné ? Et si l'on réfléchissait un peu...

Vanité. «C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source.» Jamais sans doute la phrase de Jaurès ne nous a autant hantés, nous qui, obstinément, avec (soi-disant) la foi des «vaincus de l’histoire», refusons de croire qu’il est trop tard désormais pour reprendre à sa source le fleuve d’un Devenir qui s’est assez mal épandu. Non, les navires de tous les continents ne sont pas condamnés à l’acculturation et à l’apolitisme – le rêve des puissants. Non, le temps de l’esprit comme forme collective d’initiation personnelle n’est pas révolu. Non, nous ne voyons pas à l’horizon que l’éclipse de la fin de l’histoire s’effaçant devant le cycle de l’économie dirigée par les seuls voyoucrates du «réalisme économique», avec leur vanité, leur rapacité, leur totale amoralité. Non, le climat franco-français actuel, qui donne la nausée, ne nous détournera pas de la passion de l’engagement public et du bien commun… Et puisque les «non» s’enchaînent un peu trop vite sous notre plume, ajoutons-en un : non, hélas, nous ne pensons pas à ce stade que Nicoléon a d’ores et déjà perdu les échéances électorales de 2012, comme une mécanique préréglée…

Affaires. «Pour la droite, les carottes sont cuites.» Vous aussi, vous entendez beaucoup ce genre de phrases autour de vous, ces temps-ci, comme un fait acquis, une évidence ? Arrêtons-nous un instant sur ce présupposé qui témoigne, une fois encore, d’une certaine méconnaissance de la singularité des scrutins qui vont arriver, à commencer par cette satanée présidentielle. D'accord, Nicoléon et ses affidés apparaissent à bout de souffle et le Palais, prochainement transformé en nursery pour le nouveau plan de com, ressemble pour l’heure à un théâtre en carton-pâte si poreux qu’on se demande s’il résistera au vent des «affaires» en tout genre et aux portes qui claquent. Depuis les années quatre-vingt, le prince-président a toujours réussi à échapper à la suspicion du poison des coups tordus, des valises, de la corruption active ou passive. Mais depuis, des amis intimes pointent chez le juge et même la mère Bettencourt, prudente comme une privilégiée, reconnaissait l’autre jour à la télévision qu’elle avait bien financé Nicoléon… quand il était jeune ! C’est connu, les vieux se rappellent mieux de faits anciens que récents. Autant se le dire, le dossier «Karachi» menace potentiellement de faire vaciller nos institutions. La République, notre République, souffre. Abîmée durant des années, elle n’en finit pas de labourer le désastre des libéro-néoconservateurs, installés par les milliardaires et la médiacratie. Les Français n’en peuvent plus ? Sans doute. Supporteront-ils de moins en moins aisément l’accablant spectacle d’un pouvoir corrompu par le fric ? Bien sûr. Croient-ils pour autant à un «tous pourris» ? Pas certain. Car contrairement à ce que peut penser la classe dominante, il est temps que 
les «affaires», toutes les «affaires», soient mises au jour, dans leur stricte réalité. Seule l’omerta alimente le «tous pourris» de la fille Le Pen, qui détesterait, et pour cause, l’idée d’une République irréprochable – celle-ci n’alimenterait plus 
son fonds de commerce et ses caniveaux… Voilà d’ailleurs 
l’une des responsabilités de la gauche : lever tous les freins actuels – institutionnels, secret-défense et autres… – pour que 
la justice puisse travailler en sérénité. Et ainsi démontrer que
le «tous pourris» n’a aucun sens.

Balladurisation. «Hollande ? Il a déjà gagné.» Se fondant sur les faiseurs de rois, à savoir les sondeurs médiacratiques, il y aurait donc un «désir Hollande» presque aussi puissant que ce désir de changement que nous sentons poindre partout en France. L’homme plus que le candidat ? La normalité plus que l’exceptionnalité ? Sans jamais se demander de quelle gauche il conviendrait de parler. Et sans même se soucier de savoir si les enfants de Delors et de Jospin sont, quels qu’ils soient, à la hauteur de l’enjeu… Parce qu’il semble le plus capable d’affronter Nicoléon, l’ex-premier secrétaire du PS est déclaré vainqueur par avance, pour ne pas dire par K.-O. Mais attention aux fantasmes. Une strauss-kahnisation peut très vite se terminer en balladurisation. Ayons la mémoire des expériences médiatiques passées. 1988 ? Le «coup» Raymond Barre ne fut qu’un feu de paille. 1995 ? Édouard Balladur, annoncé vainqueur dès le premier tour, ne le passa pas. 1997 ? La gauche s’empara de l’Assemblée nationale. 2002 ? Sans commentaire. 2005 ? Victoire triomphale du «non», contre tous les pronostics. 2007 ? En tête des intentions de vote durant tout l’hiver, on sait pourtant ce qu’il advint de Ségolène Royal… Nous ne sommes qu’en octobre. Et d’ici quelques mois, bien des événements auront perturbé les belles prédictions de salon. Comment oublier si vite les leçons de l’histoire ?

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 7 octobre 2011.]

(A plus tard...)

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà un langage de vérité qu'on lit trop peu dans l'Huma. Un langage que je partage à 100%.

Anonyme a dit…

La "balladurisation" de Hollande : c'est une idée, en effet, à laquelle je n'avais pas encore songée... C'est plutôt rigolo à imaginer. Et très triste de penser qu'il puisse représenter la gauche dans six mois.

Anonyme a dit…

A mon avis tout, est joué du moment que le seul candidat de rupture ne réunit que 17 %;;;Les autres candidats ont tous les mêmes positions vis à vis de la crise,de la mondialisation,c'est dire que leur politique sera semblable à celle de Sarkozy:"sauvetage des banques avec notre argent ,économies ciblées contre le social....voir Papandréou.Grande question que ne veulent pas se poser le PC et le Parti de Gauche:une alliance ,un soutien au candidat élu Dimanche prochain ,est-il possible à la prochaine Présidentielle???

Anonyme a dit…

On entre peu à peu dans un système politique qui ne fait plus que célébrer son principal mode de fonctionnement: l'élection démocratique du représentant.
Bernanos disait: "les démocrates font les démocraties, le citoyen, la République.
Et qu'est-ce que sont les démocrates sinon des gens qui se plient au cérémonials ou au rites des élections à quoi désormais se réduit, à la superficie, la vie politique.
En d'autres termes pendant que les véritables et sérieuses décisions politiques, celles qui affectent en profondeur nos vie, sont prises par les véritables décideurs, le peuple du "démos" est diverti, enfumé, anesthésié, illusionné par les liturgiesqui le convoque, comme cette mascarade du PS. Qui va inaugurer à n'en pas douter une série.
A chaque époque une nouvelle "méchané" (ruse) pour empêcher le citoyen de faire la République.

Anonyme a dit…

Je crois que les primaires constituent pour le PS une bonne séance de propagande avec la complicité des médias y compris, et là ça me parait scandaleux, les TV publiques. Va-t-on voir le décompte des heures passées lors des 3 émissions de TV être imputées au PS dans la campagne électorales ? En tout cas, tous soulignent le succès de l'entreprise... Je ne suis pas aussi affirmatif : 2,5 millions de votants alors qu'il y avait, parait-il, 5 millions de téléspectateurs... En est-il ressorti pour autant une clarification des idées, des solutions ? Je n'en suis pas si sûr... Si je veux voter à gauche, je voterai Front de Gauche et Mélenchon aux présidentielles...

Anonyme a dit…

Je n’ai pas participé à la primaire du PS pour au moins deux raisons :
- La première est que cette opération vise, au prétexte de démocratie plus large, à dessaisir les militants et adhérents d’un Parti, du choix d’un candidat à la présidentielle en appelant, en l’occurrence les sympathisants des « valeurs de gauche » à le faire pour eux.
On voit avec la médiatisation de cette élection à qui cela doit profiter : à ceux qui entrent dans le cadre, régnant depuis des années, de la pensée unique qui convient à la droite dite libérale (économiquement parlant) et à la social-démocratie.
Rien de mieux qu’une telle élection pour enfermer les français dans un système à l’américaine favorisant deux « grands » partis et marginalisant un peu plus les autres.
- La seconde raison est que je ne me sens pas du tout rassuré en choisissant un candidat de ma préférence (au niveau des options politiques) dans la mesure ou je me demande si celui-ci ne s’inscrit pas dans une opération de ratissage qui va du centre à la gauche radicale. Rien ne me garantissant que ses options autant que sa personnalité seront pris en compte par la suite
Cela dit je reste convaincu que le meilleur moyen pour espérer une vraie politique de gauche est de se battre pour que le candidat du Front de Gauche, avec le programme qu’il défend, est le seul moyen ou en tous cas le meilleur pour obtenir un renversement de la logique actuelle de la droite et que le PS seul ne semble pas encore prêt à renverser.
Pour cela l’Union de la gauche est une absolue nécessité notamment face au danger que fait peser le sarkozisme qui déploie des efforts considérables pour rallier le centre et l’électorat populaire d’extrême droite et le lépénisme qui tente un recadrage pour capter les mécontentement de certaines couches de la population excédées par la situation qui leur est faite.
Compte tenu de la médiatisation de cette affaire avec la complaisance des télés publiques le million et demi d’électeurs aux primaires va donc au gré des courants politiques français être exploité dans un sens ou un autre dans le débat sur la généralisation des primaires.
A l’heure ou les résultats tombent si je reste convaincu de ce qui précède, je me réjouis que certaines idées développées par Montebourg aient reçu un assentiment qui peut peser dans le second tour et au-delà dans le vrai scrutin présidentiel ou Jean Luc Mélenchon sera un recours pour clarifier ce que doit être une politique de gauche demain.
Par delà les intentions de notre chère bourgeoisie française qui ne met jamais ses œufs dans le même panier, il y a cependant un point intéressant qui se dégage de ce vote de citoyens de gauche, un besoin de changer. Toute la question est de savoir s’ils mesurent bien que le changement doit être radical !
JACQUES

Anonyme a dit…

Trop de candidats tue le candidat! au-delà de ce socialo-politico-reality show et de ses bureaux de vote-propagande ne pas oublier que la plupart des "impétrants" (dixit DE montebourg toujours proche du langage du Peuple...) ont voté OUI à MAASTRICHT contribuant à la chute de la maison Europe, à la montée en puissance des financiers et des banques et cumulent un max de mandats pour verrouiller un max de pouvoirs, toutes "merdiacraties" de droite/gauche qui révulsent les français....il faut changer, certes, mais pas à n'importe quel prix...une seule alternative pour réveiller la gauche libérale : le Front de gauche...et Mélenchon....pour que Jaurès ne soit pas qu'un simulacre de vote utilisé par les socialistes dans leurs bureaux (ce qui est scandaleux quand on sait ce qu'était le VRAI socialisme à la Jaurès!)PAT