lundi 4 avril 2011

Ultra-droite(s) : dans l'ombre de Nicoléon, un certain Patrick Buisson...

Démocratie. Voyez un peu l’époque de dénaturation profonde. Attachés comme il se doit à tirer au jour les substrats et supports qui téléguident nos idées, notre imaginaire et nos comportements, nous voilà parfois contraints de rajouter des qualificatifs à des concepts pourtant intangibles. L’autre soir, lors d’un débat consacré à la Commune de Paris, devant une assistance chaleureuse plutôt acquise à l’Idée sinon à la cause, le bloc-noteur évoqua non la «démocratie» mais la «démocratie populaire et participative». Comme pour en identifier la nature par rapport à une autre. Une manière forcée, en somme, de signifier une distance non vis-à-vis du mot mais de l’usage qui peut en être fait et surfait dans notre chère République actuelle, frappée par une carence quasi chronique de vitalité citoyenne… Était-ce là flagrant délit? Preuve de faiblesse inconsciente? En République française, se sentir dans l’obligation de définir la démocratie est sans doute le symptôme d’un trouble si intense que la plus grande vigilance doit nous rectifier. Qu’on se le dise. À ceux qui n’ont jamais souffert, la défense de la République – entendons-nous bien, son authentique défense ! – offre un beau baptême de la douleur…

Passé. S’engager : qu’est-ce, sinon se souvenir? Qu’est-ce, sinon lire des livres d’histoire, y repenser, les déconstruire? Seulement voilà, les hommes ayant besoin de maîtres (attention à la définition du mot) pour apprendre à se passer de maîtres existeront-ils encore dans le futur ? Entre nous, comprendre et pourquoi pas idéaliser certains actes du passé comme Valmy, 1793, 1848, la Commune, le Front populaire, la Résistance, le CNR, etc., ne permet-il pas de mesurer le fossé entre ce qui est et ce qui devrait être – et dont on veut croire avec obstination non pas qu’ils ont «déjà eu lieu» mais qu’ils puissent simplement servir de points de repère pour aller encore plus loin? Ni rabâchage ni ruse de l’histoire. Juste le cri amertumé d’un prisonnier de notre ici-et-maintenant où surbouillonne ce présentisme vaporeux qui nous étouffe et nous brûle l’esprit.

Buisson. Chaque période de troubles idéologiques dresse ses hommes liges, comme ces appartements témoins dans les nouvelles zones en construction. Bien que représentant une réalité souvent fictive et furtive, ils influent sur le cours des événements. Connaissez-vous par exemple Patrick Buisson? Inconnu du grand public, même si son nom transpire désormais dès qu’il s’agit de comprendre la stratégie de porosité des idées entre Nicoléon et le Front national, voici un homme dont l’influence au Palais serait plus importante que celle d’Henri Guaino. Telle une concurrence entre ces deux conseillers les plus proches du prince-président. L’un visible, l’autre occulte. Un combat entre idéologues dont la dangerosité se mesure aussi par leur addition. À une réserve près, toutefois : à côté de Buisson, l’espèce de gaullo-souverainisme de Guaino mâtinée d’emphatiques références à la grandeur nationale, dont on ne sait jamais où elles puisent vraiment leurs racines, peut paraître bien inoffensive. Entre la droite nationale et une forme de républicanisme mystique, Patrick Buisson a depuis toujours choisi : la droite nationale, mais version extrême… Âgé de soixante et un ans, ce maurrassien, grand nostalgique de l’Algérie française, au pedigree long comme une vie sans amour, fut ni plus moins que le directeur de la rédaction du journal d’extrême droite Minute, au milieu des années 1980, actuellement directeur du cabinet de sondages Publifact et patron de la chaîne de télévision Histoire. Vous avez bien lu…

Aigle. Cet homme, donc, est un ami proche de Nicoléon et à ce titre, il le conseille, l’instruit sur ses analyses, le nourrit de données chiffrées. Le virage sécuritaire? Ce serait lui. Le maudit ministère de l’Identité nationale? Encore lui. L’homme a des certitudes et depuis qu’il avait prédit la victoire du «non» au référendum constitutionnel en 2005 (il n’était pas le seul), Nicoléon ne jure que par ses conseils et ne cache pas son admiration. Lors d’une remise de Légion d’honneur à l’intéressé, il avait déclaré sans ciller : «Vous êtes un journaliste de conviction, ce qui est rare. Un journaliste de grande culture, ce qui est très rare.» Au temps de Minute, Patrick Buisson dialoguait avec Jean-Marie Le Pen ou Bruno Mégret, dénonçait la «nomenklatura à la française» des fonctionnaires, vantait «les mérites» des quartiers de haute sécurité ou des résidences vidéosurveillées, réclamait le retour de la peine de mort, s’interrogeait sur «l’intérêt» de l’impôt sur le revenu, etc. Voilà le genre «d’éminence grise» sur laquelle repose la politique nicoléonienne. Bush avait ses faucons. Notre prince-président a son aigle bicéphale. Une époque de dénaturation, on vous dit…

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 1er avril 2011.]

(A plus tard...)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ce buisson ardent...défenseur de la pensée négative nicoléonienne est un pro des sondages : qu'il continue donc son oeuvre destructrice et qu'il consulte ses sondages (fort brillants depuis longtemps!on peut encore mieux faire dans le désamour) ....ceux du peuple trancheront (attention à la coutisanerie,on a vu dans l'Histoire de France, lui qui aime tant l'Histoire,des têtes royales si bien conseillées par leurs courtisans et leurs conseillers que leurs propriétaires en ont été victimes de ces conseils et de ces courtisaneries....)PAT