Ni une allocution capable de rehausser une fonction en perdition, ni un discours porteur de réponses à la hauteur d’un événement historique: que retiendra-t-on de la prestation télévisée du chef de l’État, sinon un sermon asséné qui s’apparentait plus à un appel désespéré qu’à l’expression de changements radicaux dignes de la réalité? Au moins Emmanuel Macron a-t-il raison sur un point, un seul: «Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies.» Qu’il se souvienne de ce rare éclair de lucidité, car personne n’oubliera cette sentence dont on ne sait si elle est sincère ou empruntée à des éléments de langage. Le bilan est vite vu par les gilets jaunes dans leur immense majorité semble-t-il. «Des miettes de pain.» Voilà en vérité ce qu’a accordé Macron aux révoltés de France, qui réclament ce que cet homme-là ne saurait leur donner, pas même par ses pensées…
Prisonnier à la fois du carcan libéral dans lequel il a formaté sa vision de notre pays, mais également de la caste des puissants qui l’ont sciemment choisi, Emmanuel Macron est définitivement résumable en une formule: il est et reste le président des riches. Il tremble et vacille, certes, et il le sait. Mais même dans des circonstances dont il ne maîtrise plus l’issue, les riches demeurent ses protégés. Parce qu’il n’a toujours pas pris la mesure de ce qui se passe, il a en quelque sorte paraphé et légitimé l’acte V des mobilisations des gilets jaunes. Les mots nous manquent pour qualifier l’ampleur de sa déconnexion du monde réel. C’est comme s’il incarnait, à lui seul, une sorte «d’ancien régime». Et ça, il ne le sait pas encore…
D’autant qu’il joue les arnaqueurs. Son énorme mensonge sur «l’augmentation du Smic» ne passera pas. Chacun a compris qu’il s’agissait de la prime d’activité, prise en charge par l’État, donc les Français eux-mêmes par les baisses de cotisations, autrement dit sur notre salaire socialisé. Un scandale de plus. Le grand mouvement populaire en cours, dont les actifs ne manquent pas, va se poursuivre. Et l’addition des colères s’amplifier, contre ce «vieux monde» à abattre.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 12 décembre 2018.]
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